Un droit imprescriptible et insusceptible d’abus ?

Publié le Vu 6 705 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Un droit imprescriptible et insusceptible d’abus ?

Une fois encore la Cour de cassation applique de façon stricte la loi et en révèle une incohérence. Elle démontre également son indifférence à l’évolution de l’opinion publique sur les questions écologiques.

A quinze jours d’intervalle, elle rend deux décisions contraires ayant trait au droit de propriété et plus particulièrement sur l’empiètement du terrain d’autrui (Civ. 1ère, 15 juin 2010, n° 09-16190 ; Civ. 1ère, 30 juin 2010, n° 09-16257).

Dans chacune des affaires, un propriétaire demande la disparition d’une occupation qui dure depuis plus de trente ans.

La première affaire, jugée le 15 juin 2010, concerne un mur de clôture empiétant sur le terrain d’un voisin. La Cour énonce qu’il « est constant que l'action tendant à la démolition d'un équipement empiétant sur une parcelle est une action réelle se prescrivant par trente ans ». Au-delà de cette période, le propriétaire du fonds empiété perd le droit de demander la destruction de l’équipement. Le droit d’exiger la démolition souffre de restriction.

La seconde, jugée le 30 juin 2010, sanctionne une Cour d’appel qui avait qualifié d’abus de droit une demande de coupe de branches s’épanouissant au-dessus d’un terrain. En l’espèce, les demandeurs sollicitaient la coupe d’un cèdre séculaire dont les aiguilles tombaient dans une piscine. Selon la cour d’appel l’abus tenait au fait de demander l’élagage de l’arbre car cela détruirait le vieux cèdre emblématique du lotissement. Alors que l’équipement est immuable, les végétaux sont en perpétuelle croissance et ne sont pas soumis au même régime. En effet, l’article 673 du code civil prévoit que l’action en revendication du propriétaire, dont le terrain est occupé par des végétaux, est imprescriptible.

Cependant la Cour de cassation se montre sévère lorsqu’elle décide qu’il ne peut pas être apporté «des restrictions au droit imprescriptible du propriétaire sur le fonds duquel s'étendent les branches de l'arbre du voisin de contraindre celui-ci à les couper ».

 

La Cour d’appel avait relevé que les désagréments ne pouvaient être imputés au seul cèdre qui était planté sur un site boisé dont il était le principal atout.

Quoiqu’il en soit, pour les juges de cette formation, le droit d’exiger la suppression d’une emprise est limité lorsqu’il s’agit du béton, en revanche lorsqu’il s’agit de la Nature, le concept d’abus de droit ne s’applique pas !

Espérons que le rapport de la Cour de cassation nous expliquera pourquoi ce droit de couper des branches est si essentiel que son exercice ne peut souffrir d’abus.

En ces temps d’écologie, les juges de la Cour de cassation se sont montrés à contretemps et ont encore donné raison à ceux qui viennent en campagne pour interdire le chant du coq et maintenant l’existence même des arbres centenaires. Pour ces juges rien ne vaut la terrasse en béton. Il ne reste plus au propriétaire de l’arbre que de planter à la place un gazon sans âme et d’y passer la tondeuse pendant le bain de ses voisins, en respectant les horaires préfectoraux, de façon à ce que la formation qui a rendu cet arrêt n’y trouve rien à redire.

A charge aux élus de modifier la loi du 12 février 1921 prévoyant l’imprescriptibilité du droit de couper les branches au-dessus d’un fonds. Il est exact qu’on ne saurait instituer une servitude dont la charge s’aggraverait avec la croissance des branches. Cependant, certains arbres ont une croissance lente, tel est le cas du chêne et, d’après l’expert cité dans l’arrêt du 30 juin 2010, le cas aussi du cèdre de l’Atlas.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de AVOCAT PARIS

Bienvenue sur le blog de AVOCAT PARIS

Dates de publications
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles