23/ Gestion des Ressources Humaines dans l’Entreprise et Coopération en Algérie.

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23/   Gestion des Ressources Humaines dans l’Entreprise et Coopération en Algérie.

                                                                                     Bruxelles, 18 Août 1981

  Monsieur l’Ambassadeur,              

        Le débat à propos de la gestion des ressources humaines s’intensifie en Algérie depuis l’élargissement de la coopération aux firmes étrangères et l’application du SGT (statut général du travailleur) .

        De nombreuses entreprises européennes s’intéressent, en effet, aujourd’hui, au marché algérien,  demandeur non plus seulement de produits finis ou d’usines « clés en main », mais aussi maintenant d’opérateurs capables de réaliser de vastes projets exigeant un engagement complet sur le terrain, notamment dans le bâtiment, l’hydraulique ou les infrastructures.
Cette nouvelle extension de la coopération a pour conséquence de confronter, de manière originale mais non simple, les entreprises étrangères aux conditions locales du travail.
Pour ces nouveaux opérateurs, la gestion des ressources humaines n’est pas la moindre épreuve de réussite à subir.

           Or, au premier abord, il ne semble pas que le problème reçoive l’attention qu’il mérite. Ainsi, au plan des pratiques en Algérie, on n’a pas averti suffisamment les gestionnaires d’adapter les manières de faire et le savoir-faire, au terrain, étant entendu qu’il ne peut s’agir en l’espèce d’organiser de simples enclaves de travail pilotées à distance (comme les premiers chantiers chinois où même les ouvriers ont été importés !)

Le problème de la gestion des ressources humaines ayant été abondamment discuté en Algérie, y compris en collaboration avec les organisations internationales (BIT en particulier), il n’est donc  pas inutile d’en souligner certains éléments spécifiques afin d’inciter dirigeants et chefs d’entreprises à la réflexion et  aider à réduire les obstacles d’une coopération qui mérite, dans la période de crise actuelle, de se développer dans une meilleure adéquation des capacités des uns et des besoins des autres.
               On admet ainsi, aisément, en théorie, que la gestion des ressources humaines occupe une place importante dans l’économie d’entreprise. Dans les deux cas possibles,  l’entrepreneur capitaliste comme l’entreprise socialiste surveillent étroitement la productivité et la rentabilité des moyens engagés, qu’il s’agisse de gérer un plan de charges dans le jeu de la concurrence ou qu’on s’astreigne à réaliser des objectifs planifiés.
Or, c’est un paradoxe en Algérie, de constater qu’au regard des difficultés (pénuries de main-d’œuvre qualifiée, sous-emploi des capacités de production, dysfonctionnements et surcoûts de gestion…), les entreprises n’accordent encore qu’un intérêt limité à la gestion des ressources humaines, alors que les conditions rencontrées (urgence des besoins, création du surplus et complémentarités des branches et secteurs) sont précisément celles où une attention rigoureuse devrait leur être portée.

Ce ne sont pourtant pas les textes qui en invalident la pratique, bien au contraire.  L’importante loi « productiviste » de 1978 relative au statut général du travailleur, projet national d’organisation du secteur productif, apporte des indications précieuses sur le cadre et les principes de production et de gestion de l’entreprise. L’articulation des plans nationaux et des échelons décentralisés a pris pour sa part  comme objectif de stimuler l’économie et  tend à accorder une plus large autonomie aux entreprises et à leur octroyer d’importantes latitudes de pouvoir.

Cet aspect, peu mentionné, est intéressant à souligner car il demande à l’entreprise, comme à titre de test d’efficience, de gérer ses moyens et ses objectifs aux conditions de la loi du marché, mais en tempérant substantiellement celle-ci dans le cadre de la complémentarité institutionnelle dominant l’économie.
                                    Ainsi donc, même s’il s’avère toujours utile d’éclairer les latitudes d’entreprise à l’égard du droit social, la gestion des ressources humaines doit aider les dirigeants à se conformer aux conditions locales de travail, tant pour la mise en œuvre du potentiel et la détermination des plans de charges que pour la réalisation des programmes et le pilotage des projets.
 Or, en 1980, ces domaines s’avèrent encore insuffisamment maîtrisés.  Pour l’entreprise nationale, a fortiori étrangère, un risque permanent est ainsi encouru de rompre l’équilibre de ses comptes, d’accentuer les charges de l’emploi, de désagréger les structures de qualification dans la dissolution des critères de qualification, de perdre la maîtrise des coûts et de générer  des contre-temps dans la réalisation des projets .

 La détermination  des autorités à mener, à répétition, des « batailles pour la production » révèle l’importance du mal insidieux qui empoisonne l’appareil productif.

 Au regard des injonctions, il apparaît impératif de promouvoir la gestion des ressources humaines dans une fonction intégrée de l’entreprise, à la fois tableau de bord et poste de pilotage.

Malheureusement, la nature et la complexité  de la tâche dans un milieu en profonde mutation où les mentalités et le tissu industriel sont en gestation et où la priorité est encore donnée aux méthodes budgétaires (qui privilégient la gestion physique et financière) tendent à introduire des schémas d’une sorte de libéralisme de complaisance sans concurrence ni compétition.

Il y a quelque dérision à voir ainsi, si souvent, de puissantes entreprises nationales s’enliser sur des terrains où de petites unités plus faiblement dotées, mais plus agiles et autonomes, accomplissent toutes proportions gardées de meilleures performances .

Ce n’est donc pas sans un certain bon sens, qu’à la faveur de l’expériences acquise et la mise en oeuvre du SGT, la gestion d’entreprise appelle à s’engager dans un travail préparatoire d’encadrement de la coopération  :

1/  restaurer la fonction dans le cadre de la gestion socialiste du secteur productif , ce qui est le rôle propre des autorités  nationales dans le cadre du SGT  .

2/  concevoir  et forger des systèmes et outils de gestion adaptés aux conditions  de la nouvelle économie destinés aux entreprises étrangères intervenantes.

     C’est, donc,  à cet effort de prévention et d’adaptation aux conditions de travail que les entreprises désireuses de s’implanter sur le marché algérien, doivent consentir, surtout avec la généralisation du SGT.
En n’y prenant pas garde, la gestion des ressources humaines, pierre angulaire de la réussite des projets, risque de se transformer en pierre d’achoppement des nouvelles formules de gestion et de coopération.

L’Ambassade d’Algérie à Bruxelles pourrait disposer, à cet égard, d’une cellule de liaison et d’information dédiée aux entreprises et, plus généralement, aux parties prenantes d’un accord de coopération entre l’Algérie et l’Union Européenne.  Je serais heureux d’y contribuer .

                                                                      Benammar  Christian

                                                                         Administrateur

                                                     Diplômé de l’ENA et de l’Université d’Alger

                                         (Membre de la Commission interministérielle SGT 1978-1980)

                                                                    

                                                 

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