26/ - IMMIGRATION ECONOMIQUE

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26/   -    IMMIGRATION    ECONOMIQUE

                             -  Article paru dans le Soir le 27  Juillet 1987

                                            J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les articles
parus dans le Soir à propos de l'immigration à Bruxelles. C'est une bonne
chose d'en parler. Même si le journal y met trop de précautions à mon goût.
En la matière, se taire ou se soustraire n'arrange rien. Pas plus me semble
t-il aussi, que de passer son temps à construire un mur des Lamentations
avec les statistiques d'une réalité sociale calamiteuse, au demeurant
complexe. Au parvis St Jean Baptiste de Bruxelles-Molenbeek, où j'observe
chaque jour certains aspects sensibles du problème évoqué, la situation                   m'inspirerait plutôt les quelques réflexions suivantes.

            S'il est vrai que vandalisme, insécurité et désouvrement forment
la trilogie d'un mal qui ronge les vieux quartiers du centre de Bruxelles,
il paraît aussi vrai que l'on ne parviendra pas à obtenir des améliorations
sans le concours de la population. Comme la situation de l'immigration ne
fait qu'empirer et que la force des solidarités locales ne cesse de se
distendre, on est inévitablement confronté à un choix sans complaisance.

Ou hâter le départ des immigrés entraînés dans la spirale impitoyable de

la misère, du repli sur soi et de la marginalisation. Ou, en attendant des
jours meilleurs, s'appliquer à restaurer une cohésion sociale mise à mal par
la crise, mais indispensable à la sauvegarde et à la sérénité des quartiers.

                -  La première option suggère qu'un accord intervienne
rapidement avec les pays d'origine. Mais la difficulté est de mettre en
balance les intérêts humains, commerciaux et stratégiques réciproques. De
fait, en prenant la mesure du décalage entre le discours et la pratique, on
voit bien que la crainte est grande de se tromper dans les calculs.
Malheureusement, pendant ce temps, les ruptures sociales creusent le fossé
et sur activent l'animosité.

               -  Dans la seconde option, qui concerne la cohabitation des
communautés, l'insertion des immigrés et surtout le bon équilibre de la vie
des quartiers, une première solution pourrait être de proposer aux immigrés
en difficulté des travaux et occupations directement utiles à la population,
et en particulier aux pensionnés et aux personnes âgées et isolées,
injustement pénalisées par la dégradation avancée du milieu urbain (par
exemple : voirie, nettoyage, hygiène, surveillance, éducation.).

                   Mais, ne pourrait-on pas, aussi et surtout impulser, dans
le même objectif, la création de petits ateliers de travaux sur le modèle
(perfectible) du quartier du Sentier à Paris, où les étrangers forment une
population majoritaire, auparavant détestée, mais devenue besogneuse et

 qui  vit aujourd'hui, en meilleure harmonie avec son entourage ? N'est-il pas
temps d'admettre que la nouvelle pauvreté, parvenue à des seuils quasi
asiatiques, peut engendrer un renouveau de cohésion et de solidarité
sociales en incitant les plus mal lotis à reprendre pied dans des activités
délaissées à la belle époque de la prospérité, qui forment, aujourd'hui, un
important gisement de travail sous-exploité entre la sphère du petit artisan
et celle du grand commerce .. Ce serait même l'occasion de fabriquer sur
place, une partie des produits made in Taiwan, Hong Kong, Korea, Japan.
importés massivement à des coûts sociaux exorbitants (chômage, perte de
revenus du travail, manque à gagner des caisses sociales, hémorragie des
capitaux, déviance sociale.)  et de réhabiliter le bas de gamme des
capacités ouvrières, face aux dominations outrancières de pays, même très
proches, dotés de surcroît de puissants réservoirs de main-d'ouvre.
immigrée.

                   Considérée tantôt comme un levier d'évolution, et tantôt,
à l'opposé, comme un ferment de décomposition , l'immigration n'est jamais
regardée de façon neutre. Mon propos n'est pas d'en juger, mais de noter, au
passage, que beaucoup de facteurs, notamment ceux de l'activité, influencent
étroitement la forme et la qualité des rapports qu'elle entretient avec la
population locale.

Qui ne se souvient de la fraternité des communautés sur les chantiers, au
fond des mines, dans les usines ou sur les champs de bataille durant la
guerre !?

               Pour cette raison, l'immigration doit être reconduite dans sa
vocation originelle de lutte solidaire des intérêts nationaux (notamment
dans les secteurs trop vite abandonnés à la productivité du capital
étranger, où les rentes industrielles peuvent se regagner mais pas sans
combat ni troupes de choc). ou être rapatriée plutôt que de devenir une
machine ingérable  de haine et de violence dont personne ne veut.

La Société subit (dit-on chez les idéologues iconoclastes) une nouvelle et
grande mutation qui laissera avant longtemps villes et usines (ces
cathédrales de l'ancienne barbarie) comme des ruines romaines au bord de la
route des civilisations. Il reste tout de même à se demander si, à la veille
du lever de rideau sur le grand marché européen, l'attention de tous n'est
pas exagérément accaparée par la construction planétaire du réseau
autoroutier  des « nouvelles technologies », qui saigne et défonce
allègrement le paysage social, au détriment de l'ouverture, en contrebas,
des petits chemins d'activité créatrice, protecteurs de l'équilibre social
et national .

Sans pousser trop loin la nostalgie du passé, un peu d'écologie sociale 
à tous les étages de la société ne ferait de mal à personne.

                                                      Benammar Christian

                                 Administrateur, ancien élève à l'ENA - Alger


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