PORTÉES ET LIMITES D'UN ACCORD

Publié le Modifié le 09/05/2015 Vu 2 377 fois 0
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Les compagnies d'assurance algériennes dommage, ont signé un accord multilatéral dont la finalité est de plafonner les réductions consenties sur le tarif automobile et de durcir les franchises sur les sinistres qui affectent la garantie "tous risques" . Comment s'articule cet accord ? En quoi bride t'il la concurrence ? Pourquoi le superviseur sectoriel l'a t-il cautionné? Et que vaut cette caution ? La jurisprudence européenne relative aux cas d'ententes illicites dans les assurances , peut elle constituer une grille de lecture pertinente de l'accord objet de cet article ?

Les compagnies d'assurance algériennes dommage, ont signé un accord multilatéral dont la finalité est de

PORTÉES ET LIMITES D'UN ACCORD

1. Introduction 

   

         Nous  référons à l’accord multilatéral du 07/06/2012    que nous désignons ici  sous l’abréviation d'  A.M  et qui a été adopté  au mois de juillet 2012 par toutes les  compagnies d’assurances dommage  opérant sur le marché : Saa , Caar , Caat , Ciar , Cash , 2AA , Salama, Trust , Gam, Alliance , Axa dommage , plus deux sociétés à forme mutuelle, Cnma et Maatec. L’accord dont il s’agit concerne  exclusivement  la branche  auto et comporte en particulier  quatre importantes mesures, ci-après détaillées, que  les signataires se sont engagés à mettre en œuvre   à partir du  premier octobre 2012 : 

  1. Plafonnement des réductions auto, volet  dommage, à  hauteur de 30% maximum pour les personnes physiques et 50% pour les personnes morales.
  2. Relèvement du taux de prime de la  garantie « tous risques »  de 4,5% à 5 %, taux applicable à la valeur du véhicule assuré.
  3. Application d’une franchise absolue de 2500 DA minimum sur chaque sinistre affectant la garantie tous risques ou tout autre garantie dommage auto.
  4. Mise sur pied d’un  comité de veille , au niveau de  l'Union des Assureurs Algeriens (UAR) ayant pour mission de suivre la bonne application des mesures ci-dessus adoptées et d’adresser un rapport trimestriel à la plénière.

     L’ A.M été présenté par ses initiateurs comme un retour aux fondamentaux de l’assurance   et à la discipline tarifaire. Il a vocation en tant que «  démarche salutaire pour le secteur et l’économie nationale de   mettre un peu d’ordre dans un marché ou  règne une certaine anarchie et  ou a été constaté des remises qui pouvaient atteindre même les 90% »(1). En première lecture, nous sommes tentés  de le saluer.  Mais à l’épreuve de l’analyse critique sa pertinence se révèle ténue. Outre des aspects   techniques et managériaux  discutables,   il  soulève des questionnements intéressants au regard  de sa compatibilité avec les  règles  du marché   et des rapports   institutionnels  entre Autorités sectorielles de la régulation et Autorités générales de la concurrence  que  nous allons tenter de mettre   en perspective à travers cet article .  Celui-ci a valeur de  débat, de  réflexion  et de manière de voir.    

1. Cohérence de l’accord

  Nous allons tenter  de jauger  ici la pertinence de la démarche  de l'UAR en relation avec les  motifs qui l’ont suscitée,   ses fondements techniques  et des   objectifs qu’elle poursuit..  

1.1 : Impact des réductions

   Clarifions d’emblée les choses : les réductions dans les assurances comme dans d’autres secteurs,  ne sont pas des largesses désintéressées   consenties aux clients. Ce sont des leviers commerciaux  rendus possibles  par  les niveaux de marges d’assurance affichés ,  et    destinés à  capter la clientèle d’un segment  bien identifié  ou à doper le volume de  vente de certains produits  lucratifs comme la « Tous risques » couverture d"assurance  dont les encaissements  ont explosé ces dernières années à plus de 20% de croissance annuelle,  en relation  avec la vigueur inédite du marché automobile. L’abaissement du tarifs relatif à cette garantie, dans la proportion  moyenne de 50 %, (moyenne marché), a généralisé et « démocratisé » sa souscription sur  les quasi totalité des véhicules neufs  acquis par les clients.

   Contrairement aux  affirmations relatives aux  pertes financières enregistrées par les assureurs dans la branche auto  du fait des réductions accordées , voir de  de pratiques  de dumping supposées (qui légitimeraient  l’accord conclu) (2),   la vente de la garantie "Tous risques " avec des rabais de 50% voir  davantage ,   a été  un extraordinaire ressort qui a tiré la   croissance du marché et  généré des flux financiers sans précédent au bénéfice des  assureurs en terme de profitabilité ou de trésorerie. Les  retombées de ces flux  ont dopé leur performance globale et ont  eu un effet positif inédit sur  les soldes techniques de la branche auto. « L’auto, c’est du pain bénit pour les assureurs » (3) qui ne  fournissent d’ailleurs, aucun chiffrage des déficits hypothétiques et incertains  qu’ils auraient subi  du fait des pratiques commerciales antérieures.  La garantie responsabilité civile ( RC) pose indiscutablement quelques problèmes . Son tarif actuel de référence    est loin d' être ajusté au coût  réel du risque couvert d 'où des rappels de marges systématiques  . Cependant  la branche auto et ses résutats techniques devraient  être appréhendés , en dernier ressort , dans leur  globalité (toutes garanties confondues)  et non pas  au travers du seul prisme déformant de la RC.

  Dans un marché porté par une croissance ininterrompue à 2 chiffres  depuis plusieurs années, l’initiative  de l’UAR  parait decontextualisée et à contre- courant.

 1.2   Critères directeur du   plafonnement ?

  Intrinsèquement comment décrypter  le plafonnement adopté (comprendre  en  proportion aux primes) ? Quels sont les   critères qui ont guidé le choix  de la  fourchette retenue ?  Celle-ci   représente t- elle  la ligne d' équilibre technique et financiere de la branche auto ? Ou Constitue t-elle la frontière entre une concurrence saine  et des pratiques débridées qui heurtent le bon sens et les exigences de la raison ? Ou alors s’agit- il là d’un simple point de convergence ponctuel entre assureurs concurrents aux intérêts antagonistes. Autrement dit pourquoi avoir retenu 30 % et 50% de réduction maximum pouvant être consenties selon le cas  aux particuliers ou aux personnes  morales  et non pas  35% et  55% ou  par exemple ?

 On peut multiplier les hypothèses vers le haut comme vers le bas. Il subsistera un angle mort. La modulation retenue, outre le problème de la classification de l’entreprise personne physique,  n’a pas à notre sens,  d’explication technique basée sur une étude qui aurait eu le mérite de renseigner sur les marges de manœuvres tarifaires possibles et surtout  sur l' impact de la mesure  sur les équilibres de la branche auto.  En l’état, les niveaux de réductions que s’est fixé le  marché auto semble  basé sur des catégories  empiriques.

  Notons aussi  qu’en assurance, mis à part les aspects liés à la TVA,   la structure du tarif ne dépend pas  toujours du statut juridique, (particulier ou personne morale), mais plutôt de la segmentation des risques homogènes qui se mutualisent entre eux et qui ont des incidences prouvées sur le risque.

1.3 L’avantage concurrentiel

   Il y a quelque chose de réducteur dans ce plafonnement.  Car  les  baisses  de tarifs  ,  quel que soit leur niveau ,   restent de toutes les manières  aléatoires si elles  ne sont pas l’expression  d’avantages concurrentiels précisément  identifiés et exploités par chaque assureur   en rapport avec sa chaîne propre de valeur, (4) qui renvoie au profil et taille  de son portefeuille , la fréquence des sinistres et leur coût moyen, les frais d’acquisition et de gestion,  les résultats opérationnels, les produits financiers et autres revenus d’investissements qu’il tire des opportunités qu’offrent les marchés.

 Les  réductions  ont un  sens   si elle résultent   de gains  sur les coûts ou consenties   comme  leviers  ponctuels  d’un plan mesuré de positionnement  sur le marché en vue  de capter/fidéliser un  segment de client bien défini.

 In fine la problématique  consiste pour chaque entreprise à  se  recentrer en interne sur une  stratégie  différenciée de  compétitivité , plutôt que sur  un alignement standard, automatique  et formel sur des pratiques de marché ou  à l’adhésion  à des   ententes sur des tarifs comme c’est le cas de l  l’ A.M. 

1.4 Quelle alternative ?

      Une piste possible  qui a  la vertu de faire dans la mise à niveau,  aurait  pu être pour les assureurs , celle de  travailler en commun  pour une meilleure connaissance des risques en général et de l’auto spécialement  au travers de  l’élaboration de repères statistiques partagés  exprimés en primes pures.  Mais rester toutefois assez général pour laisser à chaque compagnie la possibilité de faire valoir sa compétence managériale propre et sa compétitivité. C’est qu’en  dehors de la "RC"auto  ou du dispositif des      "Catastrophes naturelles "  dont les primes  sont  administrées, il n’existe plus aujourd’hui  de tarif de référence uniforme, transversal et opposable à tous. La statistique interne  de chacun détermine le tarif de chacun . Mais  l’ A.M  est un instrument  qui  est en  décalage par rapport à ces aspects liés  à la libéralisation du marché et à  ses à exigences .Il  marque  aussi un relâchement dans l’effort requis de s’y adapter.  Puis  ce type d’entente dans les assurances comme dans d’autres secteurs, n’œuvre pas  à  augmenter les capacités stratégiques des organisations qui activent ou activeront dans des  environnements dit intense. (5)  .

2. l’ « A.M »  /  règles de la concurrence.

   Dans une contribution précédente de l’auteur (6) une question y avait été soulevée. A savoir si « l’objectif  des indignations exprimées, (par les assureurs) n’était pas d’inviter indirectement  la profession   à se plier  à une certaine discipline pour   neutraliser  la concurrence ou à tout le moins la pondérer  en s’entendant, en tant que marché, sur des pratiques  tarifaires raisonnables, que chacun se doit de respecter ? Et d’ajouter «  Perspective inopérante car elle conduirait  tout droit à un type d’accord anticoncurrentiel, et comme tel,  prohibé par la loi dés lors qu’il contrarie la liberté de commerce et préjudicie au consommateur/assuré »

  L’accord est tombé peu  après. Ce qui confirme la justesse de l’hypothèse avancée. Cependant du point de vu  de l’UAR son adoption s’imposait comme nécessité ; puis il  ne souffre d’aucune entorse à la loi et ne pose aucun problème de droit.   Dans quelle mesure  peut –il alors   s’analyser comme une  forme d’entente tarifaire, de surcroît sur un risque de masse, avec des effets restrictifs sur la concurrence et donc  en porte à faux  par rapport aux  dispositions de l’Ordonnance n°03-03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence ?

2.1 : L ' A.M  , acte d’autorégulation du marché.

  L’initiative de l’UAR aurait été   effectivement  multilatérale et vue comme  une mesure au service de tous ,  les assureurs autant que les 'assurés , si elle avait été discutée , débattue et enrichie  au niveau de l'"hémicycle " du CNA (Conseil national des assurances) . Mais restée unilatérale , elle s’apparente  à un acte d’autorégulation du marché auto  qui est le socle de   l’industrie de l’assurance  d’où elle tire plus de 60% de son chiffre d’affaire.  Il est  raisonnable de  penser que ce n’est pas à des entreprises d’assurance d’autoréguler le secteur, car  elles ne peuvent  défendre, en dernier ressort, que leurs  intérêts catégoriels  marchands.   La fonction de régulation du marché des assurances  de manière générale, est  dévolue aux Autorités publiques, en l’occurrence  à  la Commission de Supervision des Assurances qui agit au travers de la structure chargée des assurances du Ministère des finances.  C’est elle qui est  garante  de l’intérêt général et de la sécurisation des acteurs et des systèmes.

2.2 : Position de l’Autorité de régulation

   Naturellement  l’ A.M  a été soumis à l’aval préalable de la Commission de Supervision des Assurances.   Mais celle-ci  ne l’a pas  censuré. Mieux encore  elle l’a cautionné. C’est compréhensible et c'est  tout à fait  normal.  Elle a réagi en  tant que superviseur sectoriel  investi  de la mission de surveillance prudentielle des opérations d’assurance(7), (contrôle des engagements réglementés, normes de solvabilité, origine des fonds pour la constitution ou augmentation du capital social, aval ou les prises de participation …)

  Vue sous  cet angle ,l’entente conclue entre assureurs  ne contrevient pas  et ne porte pas atteinte  au référentiel prudentiel   fixé.    L’Autorité de régulation  n’a pas  traité, au fond , une  question  qui relève des pratiques commerciales,  donc des instruments et des solutions  du droit de la concurrence. Il est permis de penser aussi que  l’ A.M représente  un intérêt secondaire  du point de vu du  superviseur  sectoriel  pour lequel globalement , le maintien d’une concurrence non faussée ou la  recherche de l’efficacité économique sont  des  aspects non fondamentaux de sa mission qui demeure essentiellement   de type  prudentielle. Les questions  de la concurrence proprement dite et des pratiques commerciales relèvent de la compétence d’une autre institution en l’occurrence le Conseil National de la Concurrence ( CNC )

 2.3  Le  CNC  expert des règles de la concurrence.

   Le CNC est l’instance  habilitée à apprécier  les atteintes éventuelles  aux règles de la concurrence. C’est  une autorité administrative indépendante, jouissant de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Elle  est habilité à apprécier  les atteintes présumées  aux règles de la concurrence. Bien que prévue par l’ordonnance précédemment citée cette importante institution de l’économie de marché n’a été  installée  que le 29 /01/2013, c'est-à-dire postérieurement à, l’adoption de l ’  A.M , séquence importante  qu’il faut bien souligner.

  Le CNC  dispose d’un pouvoir transversal de décision et de proposition .Il est l’expert incontournable pour toutes les questions qui intéressent l’encadrement général de la concurrence ; l’avis du superviseur   sectoriel, quand il existe, restant toutefois requis. « Il est consulté sur tout projet de texte réglementaire ayant un lien avec la concurrence ou introduisant des mesures ayant pour effet, notamment, de soumettre l'exercice d'une profession ou d'une activité, ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; d'établir des droits exclusifs dans certaines zones ou activités ; d'instaurer des conditions particulières pour l'exercice d'activités de production, de distribution et de services , de fixer des pratiques uniformes en matière de conditions de vente »

2.4 Articulation entre Autorité sectorielle de régulation et Autorité générale de la concurrence

   Nous touchons  ici à un  volet  théorique et pratique, particulièrement  intéressant de  l‘articulation entre Autorité sectorielle de la régulation et Autorité  générale de la concurrence, le timing  de leur intervention, ex ante ou ex post ainsi que les possibles chevauchements et  perméabilités  de leur compétence au travers d’une relation   de complémentarité. L’objectif étant de protéger le marché, les entreprises et les consommateurs. Cette articulation n’est pas encore  bien définie même si dans le  cadre de ses missions, le CNC est appelé  à développer  des relations de coopération, de concertation et d’échange d’informations avec les Autorités de la régulation. 

     L’exemple  que nous exposerons plus avant ,illustre  la portée des décisions prises par chacune de ces institutions, leur impact et leur primauté en cas de contradiction. L’enseignement que  nous pouvons en tirer est que l’observation par les opérateurs d’assurance de leurs obligations prudentielles (dont le contrôle est dévolu aux autorités sectorielles de la   régulation) ne les dispense pas de l’observation de leurs obligations concurrentielles (dont le contrôle relève de la compétence  du CNC .    

2.5  En quoi l’ « A.M » bride t’il la concurrence ?

   La question renvoi à l’économie générale de l’accord en ce qui pourrait être   considéré comme actes  restrictifs de concurrence  au regard  des consommateurs /assurés

 Onze compagnies d’assurance  juridiquement distinctes plus deux sociétés à forme mutuelle, soit l’ensemble des entreprises du marché dommage auto , qui est un risque de masse  , non éligible aux exemptions,  ( 8) ,  sont partie prenante à un accord/entente  qui consiste   de manière uniforme et homogène à plafonner les réductions et à apprécier le tarif relatif de la garantie « Tous risques », puis symétriquement, durcir  la   franchise qui lui est attachée  en soumettant chaque indemnité payée sous l’article des garanties dommages  à une franchise minimum de 2500 da avec un maximum de 15%. Dans ce contexte, le consommateur /assuré  ne peut plus comparer les tarifs et faire jouer la concurrence .Il paie son assurance « Tous risques » plus cher que d’ordinaire mais n’ouvre droit qu’à une indemnité moindre  que d’ordinaire  en cas de sinistre!  

 Les retombées  financières  de l’accord sur les assurés , n’ont pas  été  lissées  par  un effort soutenu et des réformes  orientées vers  la  liquidation  rapide des sinistres auto de sorte que   les   dépenses accrues  d’assurance supportées désormais par les assurés soient  perçues    par ceux-ci  comme le  « prix à payer » pour  bénéficier  d’ une prestation à la mesure de leurs attentes. Mais  sur ce registre, il faut repasser ; il y a encore fort à faire. En matière de délai de liquidation des sinistres,  la relation assureur /assuré demeure encore plombée par tant de  lenteurs et  de  lourdeurs  injustifiées, qui décrédibilisent l’industrie de l’assurance et entravent  son  développement.

3.  Le précédent  luxembourgeois.

   Dans une affaire   de décembre 2012 (9),  quasi similaire à notre objet d étude, mais de moindre enjeu financier pour les assureurs et d’un moindre coût pour les assurés,  le Conseil de la concurrence Luxembourgeois a infligé, pour ententes illicites, une amende à neuf compagnies d’assurances  dont AXA (présente en Algérie),  qui opèrent  sur le marché de l’assurance auto,  ainsi qu’à l’Association des Compagnies d’Assurances (ACA) l’équivalent de l’Union des assureurs algériens. (UAR).

 C’est l’Union Luxembourgeoise des Consommateurs (ULC) qui a impulsé une enquête contre les compagnies d’assurance qui, en juin 2011, avaient signé une "Note interprétative relative à l’assurance auto,  dans son volet Bonus/Malus"

 Dans la Note, qu’on peut appeler  AM, pour marquer davantage  la similitude avec le cas algérien,  les assureurs se sont mis d’accord sur une application, à l’identique, par tous les concurrents, du règlement Bonus/Malus. Il en  découlait notamment que le  souscripteur d’un contrat d’assurance qui souhaitait couvrir un deuxième véhicule se voyait appliquer  pour ce véhicule le degré de base (11) dans l’échelle Bonus/ Malus alors même que  le premier véhicule était lui classé dans un niveau plus favorable.

  Le Conseil de la concurrence a conclu que la note de l’ACA constituait une restriction à la concurrence et comme telle prohibée par la législation anticartel. D’où les amendes infligées aux neufs compagnies concernées. Ont été considérés comme éléments aggravants le fait que :

-l’entente était conclue entre tous les assureurs établis au Luxembourg et couvrant presque 100%  le marché auto.

- l’entente  était le fait, non pas des PME aux moyens modestes  pour procéder à une évaluation juridique de leurs actes, mais par des entreprises de grande taille qui utilisent  au quotidien des textes et des instruments juridiques.

  Par contre le caractère  non secret et public de l’accord, mais particulièrement   l’aval du Régulateur , ont été considérés comme  circonstances atténuantes et ont concouru à la minoration de l’amende encourue. 

  Cette  jurisprudence que nous citons à titre suggestif plutôt que démonstratif, peut constituer  une grille de lecture intéressante de   l’  A.M   pour répondre à la question de savoir s’il bride ou non la compétition entre assureurs .   D’autant que le droit algérien de la concurrence  n’est pas différent, dans le fond,  du droit européen.   Pour autant, il faut se garder de dire  que l’  AM   n’est pas valide ou que les assureurs n’ont pas d’arguments légitimes à faire valoir.  (10)

4. Propos conclusifs

 La réalité économique et juridique algérienne est aussi complexe qu’ambivalente. L’invalidation de la  note interprétative  par le conseil de la concurrence luxembourgeois   a été rendue possible  parce que le contexte est celui d’une économie de marché, ou la concurrence est protégée par les autorités de régulation, en tant que facteur d’incitation à l’effort, à l’innovation et à l’abaissement des prix, à l’élimination des gaspillages et des rentes de situation.  Ces éléments ne sont pas une déviance du marché mais son essence même.

    Le marché national, dans beaucoup de secteurs d’activités, est perverti depuis fort longtemps par  des pratiques patentes, concertées ou non, qui ont eu  pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu normal de la concurrence . C’est « un marché de désordre ».(11) Sur ce registre, le  défi  qui attend le CNC  est de taille ! (12). Question lancinante : pourra –t’il peser sur les forces du marché à l’avenir  et  parviendra- t’il à  y mettre bon ordre ? Une gageure ! Il reste que l’industrie de l’assurance, il faut lui en faire crédit,  malgré cet « impair » est   une des rares activités économiques d’importance,  réellement concurrentielle.. Le paradoxe des assureurs est de  pourfendre  ce qui les  distingue  et qui  les rehausse et d'agir pour  brider les ressorts de leur dynamisme.

                                                                         Boudeffa  Tahar (Majid)                         

                                                                           Courtier en assurance.

                                                                                                                    

 Bibliographie et notes de renvoi 

1. Interview du PDG « Alliance assurances » au journal  « Liberté » du 13/08/2012

2. Voir Interview du PDG « Alliance assurances » au quotidien l’Expression du 17 /07 2012.

3. Déclaration de A.Latrous  ex PDG de la Saa et ex Président de l’UAR au quotidien « l’Expression » du         06/03/2012

4. Le concept de chaîne de valeur a été introduit par Michael Porter dans son ouvrage "L'avantage concurrentiel".

5. Sur les  notions de  capacité stratégique et d’environnement intense, voir  l’article collectif de T .Hafsi ,   L.Siagh et A-Diallo  in Revue  française de gestion  N° 171

6. Contribution parue dans le quotidien « El watan » du 15/05/2012  intitulée « Mythe et réalité de la concurrence déloyale »

7. La Commission de Supervision des Assurances est rattachée au Ministère des Finances. Elle est chargée du contrôle du secteur des assurances pour «  protéger les intérêts des assurés et bénéficiaires de contrat d’assurance, en veillant à la régularité des opérations d’assurance ainsi qu’à la solvabilité des sociétés d’assurances et de promouvoir et développer le marché national des assurances, en vue de son intégration dans l’activité économique et sociale »

8. Sur les notions d’ «  exemption et de certificat négatif », voir l’article de R.Zouaimia  du  11/10/2012 publié sur son Blog Legavox  .

9.     Conseil de la concurrence du Grand Duché du Luxembourg     .Décision  2012-FO-08 -  du 20/12/2012 Affaire ULC contre assurances.

10. L’accord demeure valide  sauf si une Autorité habilitée venait à prononcer son  

annulation.

11. Mme Aloui Farida « mémoire de magister intitulé « Impact de l’ouverture du marché sur le droit de la concurrence »

12. Déclaration de Mr Zitouni, Président du CNC au  journal  EL moujahid du 28/05/2014 à l’occasion d’une journée d’étude CNUCED /CNC :

« Le Conseil de la concurrence a du mal à retrouver sa place dans l’édifice institutionnel … »

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