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Un journaliste d'une agence de presse obtient, en appel, 266000 euros d’heures supplémentaires

Publié le 24/01/2015 Vu 2 459 fois 0
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Maître Frédéric CHHUM est l’avocat du salarié, journaliste, d'une agence de presse.

Maître Frédéric CHHUM est l’avocat du salarié, journaliste, d'une agence de presse.

Un journaliste d'une agence de presse obtient, en appel, 266000 euros d’heures supplémentaires

1)    Les faits

Monsieur X a été embauché par la société Associated Press en qualité de rédacteur à compter du 8 juin 1990, affecté au service français de cette agence de presse.

En juillet 2004, il a été promu au poste de secrétaire général de rédaction, puis a été nommé rédacteur en chef adjoint à compter du 1er octobre 2009.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, Monsieur X était classé au coefficient 277 de la grille de salaire du syndicat de la presse quotidienne parisienne.

Au cours de son congé sabbatique à effet du 1er septembre 2010, le journaliste a sollicité, le

28 septembre 2010, la rupture conventionnelle de son contrat de travail dans la perspective de collaborer au service étranger de la presse canadienne, alors que la société Associated Press avait envisagé un plan de sauvegarde de l'emploi en novembre 2009.

Par courrier du 1er mars 2011, le salarié a réitéré son souhait de réintégrer ses fonctions et a demandé le paiement de 2.250 heures supplémentaires, outre les congés payés, en précisant travailler 50 heures par semaine pour 35 heures réglées.

Le journaliste a saisi le conseil de prud'hommes le 8 mars 2011 d'une demande de résiliation de son contrat et de paiement d’heures supplémentaires.

Le conseil de prud'hommes de Paris a débouté de toutes ses demandes. Le journaliste a interjeté appel du jugement. Courant juillet 2012, le contrat de travail de Monsieur X a été transféré à la société French Language Service Limited. Après la liquidation judiciaire de cette société prononcée le 6 décembre 2012, le journaliste a été licencié pour motif économique le 20 décembre 2012.

2) L’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 22 janvier 2015

2.1) Sur les heures supplémentaires

Pour l'infirmation du jugement et le paiement des heures supplémentaires, le journaliste

soutient que :

- il établit la preuve de ses heures supplémentaires en versant aux débats les plannings de

2006 à 2010, ses agendas détaillés, des centaines de dépêches et de nombreuses attestations de

Collègues ;

- de son coté, la société Associated Press ne verse aucun élément de nature à apporter la

preuve contraire ;

- sa journée type de travail commençait à son domicile à 7h30 par l'écoute des radios, puis par

un contact avec le responsable du service du matin vers 8h30, pour se poursuivre ensuite à

l'agence vers 10h30 jusqu'à 20h30-22 heures, voire parfois minuit.

La Cour d’Appel relève que :

« Le journaliste produit un décompte précis de sa demande d’heures supplémentaires, qu'il a récapitulé mois par mois depuis janvier 2006, à partir des relevés de temps de travail retraçant jour après jour ses heures d'arrivée et de départ du bureau, les heures supplémentaires à 133%,

150% et 200%, dont les heures de nuit.

Ce décompte est corroboré par des centaines de dépêche et mails qu'il a adressés tôt le matin ou après 19h30, par ses agendas, les plannings et par des attestations d'anciens collègues.

A cet égard, la Cour observe que si certaines attestations émanent d'anciens collaborateurs en litige prud'homal avec la société Associated Press, tel n'est pas le cas des attestations rédigées par Mme X, Y et Z.

Il résulte de ces dernières attestations que le journaliste commençait à travailler chez lui le matin pour organiser la journée et transmettre ses consignes à la rédaction vers 8h30 et le menu prévisionnel diffusé aux abonnés à 8h45 ; qu'il arrivait ensuite à l'agence vers 10h - 10h30 pour repartir vers 20h30, déjeunant le plus souvent devant son ordinateur.

Il arrivait fréquemment aux personnes de permanence et selon la consigne donnée de le solliciter le soir ou la nuit pour régler un problème survenu après son départ ou pour renforcer et diriger le "desk" en cas d'événement majeur ; que les seules fonctions de secrétaire général de rédaction, supervisant une vingtaine de collaborateurs, que d'autres salariés exerçaient en l'absence de son titulaire, exigeaient compte tenu de la charge de travail, dix heures de travail quotidien, souvent plus ; qu'à cela se sont ajoutées à compter de fin 2005 certaines fonctions du rédacteur en chef non remplacé.

Le journaliste étaye donc sa demande par la production d'éléments précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

Il importe peu que ces éléments, selon l'employeur, aient été remplis pour les besoins de la cause, dès lors qu'ils sont précis et permettent d'y répondre.

De même est inopérante l'absence de demande de paiement des heures supplémentaires pendant l'exécution du contrat.

Sur ce point, la Cour observe que la société Associated Press qui reproche au journaliste l'absence de remise de ses fiches horaires depuis 2004, nécessaires selon elle pour justifier des horaires effectivement réalisés, s'est abstenue pendant toutes ces années de lui réclamer ces documents qui n'avaient d'autre utilité, à leur examen, que de mentionner les heures supplémentaires, les heures de nuit en temps normal et les heures supplémentaires de nuit et non de décompter quotidiennement le temps de travail effectif.

La société Associated Press ne produit pour sa part aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le journaliste.

Elle ne communique aucune pièce prouvant que ce salarié n'aurait pas effectué les heures supplémentaires dont il réclame le paiement.

En réalité, il a fallu que le journaliste mette en demeure l'employeur de lui régler ses heures supplémentaires, que l'inspecteur du travail visite l'entreprise le 15 mars 2011 et adresse un courrier à la société Associated Press, pour que celle-ci s'engage à mettre en place un système automatisé de décompte de la durée du travail de chaque salarié et, dans l'attente, instaure un système manuel provisoire permettant d'assurer un décompte journalier et hebdomadaire du temps de travail.

Dans ces conditions, le fait que le salarié n'ait pas sollicité de sa direction l'autorisation préalable d'accomplir des heures supplémentaires dont l'employeur ne pouvait ignorer l'existence et la nécessité est sans effet sur le droit pour le journaliste à obtenir le paiement des heures supplémentaires travaillées ».

La Cour d’appel condamne la société Associated Press à payer au journaliste :

- la somme brute de 147.930,35 € au titre des 3.645 heures supplémentaires et de nuit, pour la

période de janvier 2006 à août 2010, exactement calculée par le salarié sur la base du taux

horaire en vigueur et des majorations pratiquées dans l'entreprise,

- la somme de 14.793,03 € au titre de l'indemnité de congés payés afférents.

2.2)      Sur le repos compensateur

En application des articles L 3121–11 du Code du Travail (ancien L 212-5 et suivants du

Code du Travail) et D 3121-14-1 du Code du Travail, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel de 220 heures donnent lieu à une contrepartie obligatoire en repos d'une durée égale à 50% de ces heures dans les entreprises de moins de 20 salariés ou de

100% dans les autres entreprises, comme la société Associated Press.

La Cour d’Appel relève que : « Le journaliste qui a dépassé le contingent annuel d’heures supplémentaires de 2006 à août 2010 et qui n'a pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos, doit recevoir une indemnité équivalente en espèce pour la somme de 67.452 € brut, telle que détaillée dans ses écritures, non autrement contestée et exactement calculée sur la base du taux horaire rapporté au nombre d'heures dépassant le contingent annuel.

Par contre cette somme ayant un caractère indemnitaire ne peut ouvrir droit à une indemnité compensatrice de congés payés.

2.3)      Sur l’indemnité pour travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La Cour d’Appel relève que :

« En l'espèce, l'accomplissement habituel par le journaliste d' heures supplémentaires que ne pouvaient ignorer l'employeur, ne serait-ce que par l'heure d'envoi tardive de multiples dépêches pendant toutes ces années et l'absence de rémunération de ces heures par la société

Associated Press qui se gardait bien de demander à l'intéressé le décompte de ses heures supplémentaires, caractérisent l'intention de l'employeur de dissimuler ces heures ».

La société Associated Press est condamnée à payer au journaliste l'indemnité demandée de 32.936,88 €, laquelle ne tient même pas compte des heures supplémentaires effectuées ainsi que 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC.

Frédéric CHHUM Avocat à la Cour 4, rue Bayard 75008 Paris

Ligne directe: 01.42.56.03.00

e-mail : chhum@chhum-avocats.com

blog: www.chhum-avocats.fr

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

Tél : 01 42 56 03 00 (Paris) ou 02 28 44 26 44 (Nantes) ou 03 20 13 50 83 (Lille).

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