Les juges des tutelles pointent l'absence fréquente d'avocat dans les procédures

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Les juges des tutelles pointent l'absence fréquente d'avocat dans les procédures

 

Le 13 octobre dernier, la Commission des Majeurs Vulnérables du Barreau de Paris accueillait Madame la Juge des Tutelles du Tribunal d'Instance de Neuilly.

Vous n'aurez pas de scoop sur l'affaire Bettencourt, mais au cours de sa présentation, il était perceptible que la Juge de Neuilly faisait passer quelques messages à l'attention des avocats présents dans la salle.

Passionnée par son métier, Madame la Juge a rappelé que les avocats étaient malheureusement trop peu présents dans les procédures de tutelle, alors même que la réforme de 2007 leur octroie un rôle majeur.

Ainsi, la Juge de Neuilly a tenu à illustrer via des exemples très concrets, les cas où l'avocat devait monter au créneau.

1 - La légitimité du certificat médical

Toute requête demandant l'ouverture d'une mesure de protection doit comporter un certificat médical établi par un médecin spécialiste figurant sur la liste du Procureur de la République. Ce certificat doit comporter les éléments suivants :

1° Décrire avec précision l'altération des facultés du majeur à protéger ou protégé ;
2° Donner au juge tout élément d'information sur l'évolution prévisible de cette altération ;
3° Préciser les conséquences de cette altération sur la nécessité d'une assistance ou d'une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu'à caractère personnel, ainsi que sur l'exercice de son droit de vote.

En clair, le certificat doit être détaillé et ne doit pas se contenter de dire que les facultés mentales du majeur concerné sont altérées. Il appartient au juge de vérifier que le certificat est circonstancié. Il doit expliquer pourquoi la personne est par exemple incapable de s'exprimer. Il doit également justifier que l’altération des facultés personnelles de l’intéressé n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science.

L'avocat a donc un rôle très important à jouer à ce stade dans la mesure où le certificat médical est la clé de voute de l'ouverture d'une mesure de protection.

Il est d'ailleurs à préciser que si le majeur se refuse à tout examen médical (c'est par exemple le cas de Mme Bettencourt), c'est parfaitement son droit mais dans ce  cas, le médecin devra clairement détailler les raisons de cette impossibilité et surtout qu'il a bien tenté par tous les moyens d'effectuer cet examen. L'impossibilité de procéder à l'examen médical ne fait toutefois pas obstacle au prononcé d'une mesure de protection.

 

2 - L'audition du majeur protégé

L'audition est également un élément central de la réforme de 2007 qui a placé le majeur protégé au centre du dispositif légal. La Juge du Tribunal d'Instance de Neuilly insiste sur le caractère indispensable de cette audition quitte à en faire pratiquement une obligation pour le magistrat en charge du dossier.

Bien sûr, le juge peut dispenser le majeur de cette audition notamment lorsque le certificat indique que l'audition du majeur est de nature à porter atteinte à sa santé ou parce que celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté." (CPC - Art.1219)

Toutefois, la dispense doit être extrêmement motivée et exceptionnelle. Dans les cas où le majeur ne peut physiquement se déplacer, le juge devrait aller à sa rencontre. L'audition permet au juge de constater voire vérifier l'acuité du certificat médical. Il peut ainsi constater qu'une personne est tout à fait capable de tenir une conversation mais qu'elle est en revanche incapable de se répérer dans le temps et l'espace. De la même façon, le juge pourra apprécier au cours de l'audition s'il faut maintenir ou non le droit de vote du majeur.

De même, la réforme prévoit que le majeur peut se faire assister d'un avocat au cours de l'audition. Là encore, alors que cette étape est décisive quant à la suite qui sera donnée par le juge, l'avocat n'est que rarement présent.

En cas de dispense d'audition, le juge rend une ordonnance de carence qui est notifiée au majeur. Contrairement au régime passé, le majeur n'a plus à contresigner ce document. Il en résulté que l'entourage de la personne à protéger ne saura pas systématiquement s'il y a eu dispense d'audition et les raisons de celle-ci. Encore une anomalie sur laquelle l'avocat devrait s'opposer tant, je le répète, l'audition du majeur est cruciale dans le choix de la mesure de protection à intervenir.

 

3 - L'aménagement de la mesure de protection

Le juge des tutelles peut décider de prendre 5 types de mesure :

- une mesure de sauvegarde de justice sans mandataire spécial : cette mesure est en général prise dans l'urgence, le temps de la procédure. Le majeur conserve tous ses droits, en revanche, tous les actes qu'il va passer pendant cette période sont susceptibles d'être remis en cause.

- une mesure de sauvegarde avec mandataire spécial : le majeur conserve ses droits sauf pour certains actes qui seront dévolus à un mandataire spécial comme la gestion des dépenses et revenus par exemple.

- la curatelle simple : le majeur peut effectuer tous les actes d'administration et sera assisté de son curateur pour les actes de disposition (vente d'immeuble, prêt bancaire etc...).

- la curatelle renforcée : même régime que la curatelle sauf que le curateur pourra agir seul pour la gestion des dépenses et des revenus.

- la tutelle : le majeur sous tutelle est répresenté pour tous les actes d'administration et de disposition et ne peut effectuer seul que les actes dits "strictement personnels" comme la déclaration de naissance d'un enfant, ou le choix de son avocat.

Parfois aucune de ces mesures n'est adaptée à la situation, étant rappelé que le juge doit toujours avoir en tête de respecter le principe de proportionnalité de la mesure. Il ne doit ainsi jamais prononcer une tutelle si une curatelle suffit.

C'est dans ces cas que le rôle de l'avocat est primordial. Ainsi, l'avocat du majeur peut suggérer au juge la mise en place d'une mesure personnalisée, le plus souvent qui prendra la forme d'une curatelle aménagée.

Ainsi, le majeur pourra être placé sous curatelle (donc une mesure moins lourde que la tutelle) avec pour corollaire une assistance du majeur pour tous les actes d'administration (alors que ces actes sont accomplis seul dans le cas d'une curatelle).

Ce type d'aménagement peut s'avérer moins douloureux pour le majeur comme pour la famille tout en garantissant une sécurité sur les actes accomplis sur le patrimoine notamment.

*********

Il est étonnant de constater avec quelle force la juge des tutelles du Tribunal d'Instance de Neuilly a exhorté les avocats à intervenir dans ces procédures complexes. Le Juge et l'avocat sont respectivement le garant des libertés individuelles et le défenseur de ces libertés. Le majeur à protéger doit être informé, entendu, et surtout défendu.

Les familles doivent avoir droit de citer même si elles disposent de peu d'informations tant pendant la procédure qu'une fois que la mesure est prononcée.

Les conséquences d'une mesure de protection sont toujours graves dans la vie du majeur.

N'hésitez pas à consulter votre avocat.

 

Thierry Rouziès

Avocat au Barreau de Paris

thierry@tr-avocat.com

 

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A propos de l'auteur
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Me Thierry Rouziès, Avocat au Barreau de Paris depuis 1999, est expert en Droit de la Protection des Majeurs. Il conseille et assiste tant des particuliers que des Professionnels (MJPM).

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