La responsabilité du banquier à l’égard du maître d’ouvrage d’une construction de maison individuell

Publié le 05/04/2014 Vu 4 598 fois 0
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L’article L 231-10 du Code de la Construction et de l’Habitation oblige le banquier à contrôler le projet de construction qui lui est soumis avant d’émettre son offre et de ne débloquer les fonds que s’il dispose de l’attestation de garantie de livraison. En cas de défaillance du constructeur, le prêteur peut être tenu responsables des conséquences préjudiciables des versements effectués.

L’article L 231-10 du Code de la Construction et de l’Habitation oblige le banquier à contrôler le proje

La responsabilité du banquier à l’égard du maître d’ouvrage d’une construction de maison individuell

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation le 11 janvier 2012, sous le numéro 10-19.714, relatif à l’application de l’article L 231-10 du Code de la Construction et de l’Habitation.

La jurisprudence rappelle que le banquier qui finance la construction de maisons individuelles n’a pas l’obligation de requalifier en contrat de construction individuelle les documents qu’il reçoit mais conserve un devoir d’information et de conseil à l’égard à l’égard du Maître de l’Ouvrage.

En effet, l’article L 231-10 du Code de la Construction et de l’Habitation oblige le banquier à contrôler le projet de construction qui lui est soumis avant d’émettre son offre et de ne débloquer les fonds que s’il dispose de l’attestation de garantie de livraison.

En cas de défaillance du constructeur, le prêteur est responsable des conséquences préjudiciables d’un versement excédent le pourcentage maximum du prix total exigible aux différents stades de la construction d’après l’état d’avancement des travaux, dès lors que ce versement résulte de l’exécution d’une clause irrégulière du contrat.

Dans cette affaire, des particuliers avaient confié à un locataire d’ouvrage la construction de maisons individuelles en bois et ce sur la base d’un document intitulé : « Marché de travaux pour la construction d’une maison individuelle en bois ».

Or, ledit contrat n’était pas soumis par les parties aux règles protectrices du contrat de maison individuelle.

La banque a, quant à elle, consenti un prêt et débloqué des fonds.

Cependant, l’exécuteur d’ouvrage, après la réalisation des fondations abandonne le chantier et est placé en liquidation judiciaire, ce qui a pour principale conséquence de ne pas pouvoir désintéresser l’ensemble des créanciers chirographaires, comme peut l’être d’ailleurs le particulier qui avait confié à ladite société la construction de sa maison individuelle.

C’est dans ces circonstances que les particuliers, arguant de l’existence d’un contrat de construction de maison individuelle et au visa de l’article L 231-10 du Code de la Construction et de l’Habitation, ont saisi la justice pour obtenir condamnation de la banque au paiement des fonds qui avaient été débloqués.

Cet article précise en effet :

Article L231-10

Aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l’article L. 231-2 qui doivent y figurer au moment où l’acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s’il n’a pas communication de l’attestation de garantie de livraison.

Dans les cas de défaillance du constructeur visés au paragraphe II de l’article L. 231-6 et nonobstant l’accord du maître de l’ouvrage prévu au premier alinéa du paragraphe III de l’article L. 231-7, le prêteur est responsable des conséquences préjudiciables d’un versement excédant le pourcentage maximum du prix total exigible aux différents stades de la construction d’après l’état d’avancement des travaux dès lors que ce versement résulte de l’exécution d’une clause irrégulière du contrat.

C’est dans ces circonstances que la Cour d’Appel a condamné la banque à régler lesdites sommes au motif qu’elle avait manqué à ses obligations légales de contrôle du projet de construction d’une maison individuelle qui lui avait été soumis et qu’elle n’avait pas alerté les maîtres d’ouvrage sur la portée de l’engagement qu’ils signaient, avec la particularité près que, dans cette affaire, les engagements signés les privaient justement des dispositions protectrices relatives aux constructions de maisons individuelles.

Il convient de rappeler qu’effectivement la banque est tout de même tenue aux obligations de conseil et de mise en garde, ceci d’autant plus qu’elle est rompue à la lecture des contrats et que les maîtres d’ouvrage, auxquels des volumineux documents ont été remis, étaient des personnes non averties, inexpérimentées et absolument pas à même de comprendre la portée de l’ensemble de ces documents.

La Cour de Cassation valide fort heureusement l’analyse de la Cour d’Appel et rappelle que, si effectivement il n’appartient pas à la banque de requalifier le contrat qui lui est soumis en véritable contrat de construction de maison individuelle, et s’il est tout aussi vrai que la banque n’est pas tenue de s’immiscer dans les pouvoirs contractuels entre le Maître de l’Ouvrage et le locateur de l’ouvrage, il n’en demeure pas moins que sur pèse sur l’établissement bancaire un devoir renforcé d’obligation et de conseil à la charge du banquier dans le cadre de l’application de ce texte.

L’arrêt rendu le 11 janvier 2012 est extrêmement clair, il rappelle expressément que « Si l’article L 231-10 du Code de la Construction et de l’Habitation ne met pas à la charge du prêteur de donner l’obligation de requalifier le contrat en contrat de construction de maison individuelle le document qui lui est soumis et si le prêteur ne peut s’immiscer dans la convention passée entre le constructeur et le Maître de l’Ouvrage, il n’en a pas moins un devoir d’information et de conseil ».

Selon la jurisprudence, ayant relevé que le prêteur avait débloqué une partie des fonds alors qu’il n’avait pas reçu copie de la garantie de livraison à prix et délai convenus, la cour d’appel a exactement retenu, par ces seuls motifs, que cette faute de la banque avait privé les époux maîtres de l’ouvrage, qui n’étaient pas tenus de s’assurer de la délivrance de l’attestation de garantie de livraison, d’une chance d’éviter la faillite de leur projet dans une proportion qu’elle a souverainement appréciée (Cass. 3e civ., 14 mars 2012, n° 11-10.291, FS-P+B : JurisData n° 2012-004322 ; JCP N 2012, act. 390).

Le banquier a un devoir d’information et de conseil à l’égard de l’emprunteur maître de l’ouvrage. Faute d’attirer l’attention des emprunteurs sur les irrégularités du contrat de construction de maison individuelle, le prêteur engage sa responsabilité (Cass. 3e civ., 11 janv. 2012, n° 10-19.714, SA Crédit immobilier France Sud Rhône-Alpes Auvergne c/ Herraez : JurisData n° 2012-000228).

Le préjudice des emprunteurs résultant du manquement de la banque à son devoir de contrôle des mentions obligatoires du contrat de construction de maison individuelle consistait en la perte d’une chance de se détourner d’un constructeur peu respectueux de la législation en vigueur (Cass. 3e civ., 25 janv. 2012, n° 10-24.873, M Rivière ; Mme Rivière c/ Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche Comté)

Ces trois arrêts récents de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation viennent de rappeler les principales obligations supportées par le banquier qui finance la construction d’une maison individuelle d’un de ces clients.

Les particuliers déçus face à l’échec de leur projet tendent parfois à faire du banquier le garant de la réussite de l’opération. La jurisprudence a été amenée à préciser au fil des arrêts les obligations du banquier. On sait ainsi que le prêteur n’a pas à s’interroger sur la véritable nature du contrat et à en proposer la requalification (Cass. 3e civ., 11 janv. 2012, n° 10-19.714, SA Crédit immobilier France Sud Rhône-Alpes Auvergne c/ Herraez : JurisData n° 2012-000228. – V. précédemment Cass. com., 9 juill. 2002 : Bull. civ. 2002, IV, n° 115. – Cass. 3e civ., 19 mai 2009, n° 08-13.207 : JurisData n° 2009-048306 ; RD bancaire et fin. 2009, comm. 184, note F.J. Crédot et Th. Samin). De même, le prêteur n’a pas à conseiller à l’emprunteur un cadre contractuel plutôt qu’un autre (Cass. 3e civ., 14 janv. 2009, n° 07-20.416, Bektas c/ CE de Picardie : JurisData n° 2009-046537 ; Bull. civ. 2009, III, n° 10 ; Constr.-Urb. 2009, comm. 46, note Ch. Sizaire ; JCP E 2009, 1582, n° 29, obs. N. Mathey). La Cour de cassation vient toutefois de rappeler que le banquier n’en supporte pas moins un devoir d’information et de conseil (Cass. 3e civ., 11 janv. 2012, préc.).

Ainsi, l’article L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation impose au banquier de vérifier, avant toute offre de prêt, que le contrat qui lui est transmis comporte un certain nombre d’énonciations visées à l’article L. 231-2, et de ne pas débloquer les fonds tant qu’il n’a pas reçu l’attestation de garantie de livraison.

En débloquant les fonds sans avoir obtenu l’attestation de garantie de livraison, le prêteur commet ainsi une faute.

La faute ne fait pas de doute car elle prend la forme d’un manquement à une obligation légale.

Si le constructeur n’a pas fourni en définitive cette garantie, le maître de l’ouvrage est exposé au risque de ne pas voir le chantier achevé tout en supportant le coût du crédit.

Si le banquier avait respecté l’obligation que lui impose le Code de la construction et de l’habitation, l’opération n’aurait vraisemblablement pas été engagée.

L’emprunteur maître de l’ouvrage n’aurait pas été exposé au risque d’échec de son projet. La responsabilité du banquier joue uniquement à l’égard des emprunteurs.

En outre, il ne s’agit que d’une perte de chance, comme le précise opportunément l’arrêt du 14 mars 2012.

L’emprunteur maître de l’ouvrage a perdu une chance de ne pas poursuivre un projet avec un entrepreneur peu digne de confiance.

Dans une autre affaire récente, la Cour de cassation a également jugé qu’une cour d’appel avait pu retenir la responsabilité du prêteur qui faute d’avoir appelé l’attention des emprunteurs sur les irrégularités du contrat établi par le constructeur, leur avait causé un préjudice consistant en la perte d’une chance de se détourner d’un constructeur peu respectueux de la législation en vigueur (Cass. 3e civ., 25 janv. 2012, n° 10-24.873, Mme Rivière c/ Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche Comté).

Par conséquent, le prêteur sollicité pour financer la construction d’une maison d’habitation manque à son obligation de renseignement et de conseil en s’abstenant d’indiquer précisément à ses clients les risques encourus, alors que ceux-ci n’étaient pas suffisamment informés qu’ils ne bénéficiaient pas des règles protectrices du Code de la construction et de l’habitation.

L’établissement bancaire engage pareillement sa responsabilité pour avoir débloqué les fonds sans avoir vérifié la présence de la garantie de livraison, comme la loi l’y oblige.

Ainsi, la banque, véritable partenaire financier et professionnel de l’immobilier se voit supporter une obligation de conseil et de mis en garde lors du financement d’une construction de maison individuelle qui doit impérativement comprendre l’attestation de garantie de livraison.

Il est en effet heureux de constater que l’article L231-10 vienne préserver les droits des emprunteurs non avertis, que ce soit en droit bancaire ou bien encore en droit de la Construction, ce qui est une bonne chose.

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