le Prêt de Consommation

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le Prêt de Consommation

Le prêt de consommation

 

Le contrat de prêt de consommation (mutuum) porte sur des « choses qui se consomment par l’usage » (art. 1892 C. civ.). Il ne peut donc pas y avoir restitution de la chose prêtée.

 

L’emprunteur doit rendre autant de choses «  de même espèce et qualité ». Ce contrat ne peut donc porter que sur des choses consomptibles et fongibles (ce qui exclut les immeubles). C’est donc bien la propriété du bien qui est transférée afin que l’emprunteur dispose de l’abusus. Le prêt d’argent est une forme particulière de prêt de consommation et se trouve soumis à un régime spécial.

 

Le prêt de consommation peut être consenti à titre gratuit, à titre de service, mais aussi à titre onéreux. Dans le second cas, il se rapproche d’un bail mais il s’en différencie nettement par la transmission de la propriété à l’emprunteur.

 

Il s’agit d’un contrat réel, il ne se forme donc que lors de la remise effective de la chose, du transfert de propriété et non lors de l’accord des volontés (s’il précède la remise, c’est une simple promesse).

 

Toutefois, ce caractère du prêt de consommation est aujourd’hui remis en cause et sujet à controverses doctrinales et jurisprudentielles.

 

Illustrations

 

Doc. 6 : Cass. Civ. 1ère, 28 mars 2000

 

En l'espèce, M. Bourdillon avait acquis du matériel agricole, financé en partie par un prêt. Aux termes de ce contrat, le prêteur s'engageait à verser directement au vendeur le montant du prêt sur simple avis qui lui serait fait par ce dernier de la livraison du matériel, à condition que l'emprunteur souscrive un contrat d'assurance-vie. L'emprunteur a fait parvenir au prêteur, le 31 mars 1992, le dossier d'adhésion à la garantie d'assurance sur la vie ; il est décédé accidentellement le 4 juin 1992 et le vendeur a adressé au prêteur le bon de livraison du matériel le 22 juin 1992.

Les héritiers de l'emprunteur ont alors demandé au prêteur d'exécuter son engagement envers le vendeur, ce qui leur a été accordé par une décision de la Cour de Grenoble du 1er oct. 1997.

 

Le prêteur, auteur du pourvoi, reprochait aux juges du second degré de n'avoir pas respecté la nature juridique du prêt prévu par l'art. 1892 c. civ. Selon lui, faute de remise des fonds avant le décès de l'emprunteur, le contrat de prêt, en raison de son caractère réel, n'aurait pas été formé. Son engagement ne pouvait s'analyser qu'en une promesse de prêt.

 

Le pourvoi est rejeté au motif que « le prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel ».

 

Commentaire :

 

En énonçant laconiquement que « le prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel », cet arrêt de rejet est un coup de tonnerre dans le ciel jusqu'ici jurisprudentiellement serein des contrats réels (JCP 2000 éd. E.898, concl. Sainte-Rose ; ibid., p. 1383, note Leveneur ; Dalloz, 2000.482, note Piedelièvre                         ). Si elle a été vigoureusement contestée par une grande partie de la doctrine, l'existence de cette qualification multiséculaire restait consacrée par la jurisprudence (Cf. not. Cass. 1re civ., 20 juill. 1981, Bull. civ. I, n° 267 ). La portée future de l'événement est difficile à discerner. La qualification de contrat réel est maintenue par a contrario pour les prêts consentis par des non-professionnels, ceci sans doute pour protéger ces derniers contre leur naïveté ou contre les élans du coeur.

 

Par cette décision du 28 mars 2000, la Cour de cassation fait passer le contrat de prêt de la catégorie des contrats réels à celle des contrats consensuels. La remise des fonds devient alors le premier acte d'exécution de ce contrat

Jusqu'à cet arrêt, le consentement des parties devait être complété par un fait matériel : la remise de la chose prêtée. Désormais le contrat se forme par la simple rencontre des volontés. La Haute juridiction revient donc ainsi sur sa position traditionnelle par laquelle elle affirmait que « un prêt de consommation, contrat réel, ne se réalise que par la remise de la chose prêtée à l'emprunteur lui-même ou à un tiers qui la reçoit pour le compte de l'emprunteur » (Cass. 1re civ., 20 juill. 1981, Bull. civ. I, n° 26).

 

La Cour parachève ainsi une évolution amorcée pour les prêts immobiliers soumis au code de la consommation. En ce domaine, elle avait indiqué que « les prêts régis par les art. L. 312-7 s. c. consom. n'ont pas la nature de contrat réel » (Cass. 1re civ., 27 mai 1998, Bull. civ. I, n° 184).

 

On peut se demander s'il est possible de déduire de cet arrêt du 28 mars 2000 un futur abandon par la Cour de cassation de la qualification de contrat réel pour d'autres contrats, principalement pour le prêt à usage, le dépôt, qui serait le plus réel des contrats réels (Malaurie et Aynès, par Gautier, 13e éd., n° 861), ou le gage (V. Cass. civ., 18 mai 1898, S. 1898, 1, p. 433, note Lyon-Caen ; DP 1900, 1, p. 481, note Sarrut ; Cass. 1re civ., 6 janv. 1994, Bull. civ. I, n° 4).

Tous ces contrats présentent la caractéristique commune de pouvoir faire naître une action en restitution qui expliquait leur nature juridique spécifique (Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. 2, 4e éd., n° 995). A partir du moment où elle considère que le prêt de consommation se forme, sans que le bien à restituer n'ait été fourni à l'emprunteur, il paraît logique qu'elle applique ce principe de raisonnement au prêt à usage, au dépôt et au gage.

 

La solution adoptée par cette décision du 28 mars 2000 ne suscite pas totalement l'adhésion compte tenu des dispositions actuelles du code civil. En effet, l'art. 1892 impose nettement le caractère réel par l'emploi de l'expression « livre une certaine quantité de chose ». La même remarque vaut pour le prêt à usage où l'art. 1875 utilise également le mot de livrer, pour le nantissement où l'art. 2071 emploie l'expression « remet une chose » et peut être encore de manière plus nette pour le dépôt où l'art. 1919 dispose qu' « il n'est parfait que par la tradition réelle ou feinte de la chose déposée ».

 

A partir du moment où la Cour de cassation affirme que le prêt de consommation n'est pas un contrat réel, elle sera tenue, si elle veut respecter une certaine cohérence, d'abandonner quelques solutions traditionnellement admises et d'en adopter de nouvelles. Ces modifications résulteront du fait que le contrat est parfait par l'accord de volontés entre l'emprunteur et le prêteur et qu'il est désormais synallagmatique (V. antérieurement, pour l'exclusion de cette qualification, Cass. 1re civ., 28 mars 1984, Bull. civ. I, n° 120).

 

La conséquence première résulte directement de la décision du 28 mars 2000. Le prêteur est tenu de verser le montant convenu dès l'accord de volonté. L'exécution forcée devient alors possible. Auparavant, on considérait que, pendant la période s'écoulant entre la rencontre des volontés et la remise de la chose, on se trouvait en présence d'une simple promesse de contrat réel dont l'inexécution fautive se résolvait par l'octroi de dommages-intérêts (Cass. 1re civ., 20 juill. 1981, préc.).

 

Il en résulte de manière générale que le prêt de consommation produira, sauf stipulations contraires, dès l'accord de volonté la plénitude de ses effets. Le terme convenu pour le remboursement commencera à courir à cette date. Les obligations de l'emprunteur, notamment celle de payer l'intérêt convenu, apparaîtront nécessairement à ce moment, même si le prêteur conserve la détention de la chose prêtée. De manière plus générale, le moment où l'emprunteur devient propriétaire des biens prêtés se situera désormais au moment de l'échange des consentements et non plus lors de leur remise. L'art. 1138 c. civ. prévoyant le transfert de propriété solo consensu recevra application, puisque le prêt de consommation, du moins celui de droit commun, s'analyse en un contrat consensuel.

 

Le transfert des risques interviendra lors de l'accord des volontés. A partir du moment où le bien sera devenu la propriété de l'emprunteur, il pourra faire l'objet d'une mesure d'exécution de la part des créanciers de ce dernier, même si le prêteur en a conservé la détention matérielle.

 


 

Doc. 7 : Cass. Com. 7 avril 2009

 

En l'espèce, un emprunteur professionnel avait souscrit un crédit pour financer l'acquisition d'un droit au bail et des travaux. Le prêt avait, en réalité, été affecté à des placements de retraite.

 

L'emprunteur avait sollicité la nullité du prêt. La cour d'appel avait refusé de faire droit à sa demande au motif que « la cause du prêt réside dans la délivrance des fonds, laquelle avait été réalisée ».

 

L'arrêt est cassé au motif que « c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause dont l'existence, comme l'exactitude, doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat ».

 

Commentaire :

 

Le prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel et c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause, dont l'existence comme l'exactitude, doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat.

 

Après avoir rappelé (cf. doc. 6 arrêt du 28 mars 2000) le principe selon lequel « le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel », la chambre commerciale reprend au mot près la définition de la cause du contrat de prêt consacrée par la première chambre civile dans sa décision du 19 juin 2008[1].

La conception retenue de la cause permet donc de résoudre une difficulté souvent mal résolue : celle du non-respect de l'affectation des sommes prêtées. Jusqu'alors, l'établissement de crédit pouvait engager sa responsabilité à l'égard de l'emprunteur, du bénéficiaire, des tiers ou de la caution. La recherche de responsabilité était cependant délicate en raison de la règle selon laquelle l'emprunteur a la libre disposition des fonds prêtés.

 

La solution ne peut s'appliquer que si le prêt est clairement affecté et que dans la commune intention du prêteur et de l'emprunteur, les fonds doivent être utilisés à une destination précise.

 

La chambre commerciale comme la chambre civile déduit donc les conséquences pour la cause de la perte du caractère réel du contrat de prêt dès lors que celui-ci est consenti par un professionnel. Le prêt devenant par là même un contrat synallagmatique, la cause de l'obligation d'une partie trouve sa cause dans l'obligation de l'autre.

 

La définition de la cause ainsi consacrée est critiquée par un courant important de la doctrine, même si la solution retenue est approuvée dans ses conséquences pratiques.

 

À supposer qu'il y ait cause inexacte c'est-à-dire fausse cause, l'arrêt reposerait toujours sur une contradiction. La discordance entre l'affectation initiale des fonds et l'affectation telle qu'elle s'est réalisée est une question qui intéresse, non la formation du contrat, mais son exécution. Le non-respect de l'affectation aurait donc dû être sanctionné en l'espèce au titre de la responsabilité civile.

 

La solution consacrée, au-delà de la conception de cause retenue, suscite néanmoins une difficulté de mise en œuvre véritable. La comparaison des deux décisions de la Cour de cassation la fait bien apparaître. Si les fonds ne reçoivent pas l'affectation prévue au jour du prêt, l'annulation pour cause inexacte est possible. Si le non-respect de l'affectation est postérieur, la cause existe bien et une annulation devient impossible. Seule une action en responsabilité est alors envisageable. Mais d'autres principes doivent alors être respectés : celui de l'absence de devoir de surveillance de l'établissement de crédit lié à son devoir de non-immixtion et celui de la libre disposition des fonds par l'emprunteur. La chronologie est donc essentielle. Or, si dans l'affaire soumise à la chambre civile l'affectation des fonds, différente à celle envisagée, était bien postérieure au prêt, le doute est permis dans l'affaire soumise à la chambre commerciale.

 

Au cas par cas, il conviendra donc de rechercher si l'utilisation non conforme est antérieure ou postérieure au prêt. Cela ne sera pas toujours facile.


Le prêteur dispose également d’une certaine liberté s’il est un professionnel, en tant que dispensateur de crédit (doc. 8), mais est tenu à l’égard de l’emprunteur d’un devoir de mise en garde (doc. 9 & 10).

 

Doc. 8 : Cass. Ass. plén. 9 octobre 2006

 

Les suites de l’Affaire Tapie :

Bernard Tapie a souhaité céder sa participation majoritaire dans le capital d’Adidas et qu’il a mandaté à cet effet la SDBO, filiale du Crédit Lyonnais, pour trouver un acquéreur pour un prix minimal convenu. La cession a pu effectivement être opérée au prix espéré au profit de plusieurs sociétés, dont certaines appartiennent au groupe Crédit Lyonnais, trois jours avant l’expiration de la mission et que, le même jour, ces sociétés ont consenti une promesse de vente au profit de l’homme d’affaires Robert Louis-Dreyfus, portant sur la totalité des actions, mais sur la base d’une valorisation d’Adidas pour un montant nettement supérieur. L’option d’achat a été levée quelque deux ans plus tard, et le Crédit Lyonnais a alors réalisé une substantielle plus-value dont Bernard Tapie, tombé au même moment en liquidation judiciaire, s’est prétendu indûment privé.

 

La cour d’appel avait retenu la responsabilité du consortium chargé d’apurer le passif du Crédit Lyonnais et celle du Crédit Lyonnais parce que le groupe de ce dernier avait manqué à ses obligations de banquier mandataire en s’abstenant de proposer au groupe BT le financement accordé aux cessionnaires des participations dans la société Adidas.

 

La Cour de cassation au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil censure les juges du fond. Elle considère qu’il « n’entre pas dans la mission du mandataire de financer l’opération pour laquelle il s’entremet et que, hors le cas où il est tenu par un engagement antérieur, le banquier est toujours libre, sans avoir à justifier sa décision qui est discrétionnaire, de proposer ou de consentir un crédit quelle qu’en soit la forme, de s’abstenir ou de refuser de la faire ».

 

Commentaire :

 

Au regard du droit bancaire, et cela avait été fort opportunément observé (X. Lagarde, chron. préc.), une faiblesse de l'arrêt d'appel, sinon la principale, était, implicitement, de remettre en cause un droit fondamental du banquier : la liberté de refuser de consentir un crédit. De fait, l'un des reproches formulés par les juges d'appel au Crédit lyonnais était de ne pas avoir proposé à Bernard Tapie un financement qui lui aurait permis de conserver la propriété de la majorité du capital de la société Adidas plus longtemps qu'il ne l'aurait souhaité, ce qui lui aurait permis de vendre ses actions directement à M. Louis-Dreyfus (lequel s'est vu, pour sa part, consentir, un tel financement par le Crédit lyonnais, grâce auquel il a pu procéder à l'acquisition desdites actions). Par conséquent, de toucher lui-même la plus-value consécutive à la vente des titres, à laquelle il a dû renoncer au profit du Crédit lyonnais, puisqu'il a été acculé à la vente de ses actions, sans toucher de bénéfice, en faveur de la banque. La perte de chance subie par Bernard Tapie correspond en effet, selon la Cour d'appel de Paris, dans la chance de se voir proposer le financement nécessaire à la conservation de sa participation dans la société Adidas.

 

Ce principe de liberté est admis par la doctrine unanime, l'idée étant qu'une relation de crédit doit reposer sur un lien de confiance entre le banquier et son client (V. notamment C. Gavalda et J. Stoufflet, Droit bancaire, 6e éd., Litec, 2005, n° 368-7). La jurisprudence est également orientée en ce sens, mais elle l'exprime de manière somme toute tortueuse, en énonçant que la profession bancaire est soustraite à la législation sur le refus de vente, en particulier en matière de distribution de crédit (comp. C. mon. fin., art. L. 511-4 et C. consom., art. L. 122-1 ; Cass. 1re civ., 11 oct. 1994, Bull. civ. I, n° 289 ; D. 1994, IR p. 241).

 

La règle est ici énoncée de manière explicite et solennelle, en étant rattachée à un fondement juridique très général, celui de la liberté contractuelle (C. civ., art. 1134) - qui, négativement, emporte la liberté de ne pas contracter -,dans un attendu qui fait de cette décision un arrêt de principe : « hors le cas où il est tenu par un engagement antérieur, le banquier est toujours libre, sans avoir à justifier sa décision qui est discrétionnaire, de proposer ou de consentir un crédit quelle qu'en soit la forme ». C'est donc un droit absolu qui est accordé au banquier, puisque le refus de consentir un crédit est rangé dans la catégorie des droits discrétionnaires, catégorie juridique que l'on croyait pourtant en déclin. Cela signifie que le banquier qui refuse un crédit n'a pas à motiver son choix, semble-t-il que le client ou celui qui aspire à l'être soit un professionnel ou un consommateur, puisqu'il n'est pas fait référence à la qualité de celui-ci, et que l'on soit en présence d'un crédit de décaissement (prêt), d'une promesse de crédit (ouverture de crédit), ou d'un crédit par signature (cautionnement bancaire). Le fait que le banquier soit intervenu, en qualité de mandataire, dans l'opération financière à propos de laquelle le mandant cherche obtenir de lui un crédit n'y change rien. C'est un élément tout à fait contingent. Et l'on peut même se demander si cette prérogative exorbitante du banquier par rapport à tout autre professionnel (soumis pour sa part à la règle de la prohibition du refus de vente) est susceptible d'être limitée par l'abus de droit.

 


Doc. 9 : Cass. Ch. mixte, 29 juin 2007

 

Le devoir de mise en garde du banquier dispensateur d’un crédit excessif

 

Un établissement de crédit avait octroyé pour les besoins de son exploitation agricole, entre 1987 et 1988, puis entre 1996 et 1999, seize prêts. Le prêteur avait assigné en paiement l'emprunteur.

 

Les juges du second degré ont rejeté sa demande aux motifs notamment qu'il ne rapportait pas la preuve que les crédits auraient été disproportionnés par rapport à la capacité financière de l'exploitation agricole et que l'établissement bancaire qui consent un prêt n'est débiteur d'aucune obligation à l'égard du professionnel emprunteur.

 

Au visa de l'article 1147 du Code civil, cette décision est cassée aux motifs que les juges du fond n'avaient pas recherché si l’emprunteur (ou débiteur) était un emprunteur non averti et, dans l'affirmative, si, conformément au devoir de mise en garde auquel la banque était tenue à son égard lors de la conclusion du contrat, l'établissement de crédit prêteur (la banque) justifiait avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des  prêts.

 

Commentaire :

 

Obligation de mise en garde : « client non averti » et « client non professionnel » ne sont pas synonymes.

 

Jusqu’à une époque récente, le principe de non-immixtion du banquier dans les affaires de son client excluait toute obligation de conseil ou de mise en garde, seule une obligation d'information, entendue strictement, était imposée notamment dans le cadre du crédit à la consommation ou du crédit immobilier. C'est seulement depuis une douzaine d'années que la Cour de cassation a commencé à faire évoluer sa jurisprudence.

 

Après des arrêts annonciateurs dans les années 1990 (Civ. 1re, 8 juin 1994, Bull. civ. I, n° 206 ; 27 juin 1995, Bull. civ. I, n° 277), la première chambre civile, distinguant nettement la situation de l'emprunteur « profane » de celle de l'emprunteur « averti », avait fini par mettre à la charge de la banque un devoir de mise en garde au profit de l'emprunteur profane s'il apparaissait que le prêt était excessif par rapport à ses facultés contributives (Civ. 1re, 12 juill. 2005, Bull. civ. I, n° 324 à 327). L'emprunteur averti ne bénéficiait pas de la même protection et ne pouvait rechercher la responsabilité de la banque qu'en cas d'asymétrie d'information, c'est-à-dire lorsque, par suite de circonstances exceptionnelles, le banquier avait connaissance d'informations sur la situation financière de l'emprunteur que celui-ci ignorait et qui laissaient supposer qu'il ne pourrait pas rembourser. C'est d'ailleurs seulement dans de telles circonstances que la chambre commerciale, quant à elle, acceptait que fût engagée la responsabilité des banques pour l'octroi de crédits excessifs, c'est-à-dire dépassant les capacités financières de l'emprunteur, sans distinguer selon la qualité de profane ou de professionnel de l'emprunteur (V. par ex., Com. 24 sept. 2003, Bull. civ. IV, n° 137).

 

Mais, par trois arrêts du 3 mai 2006 (Bull. civ. IV, n° 101 à 103 ; D. 2006. 1445, note X. Delpech et 1618, note J. François), la chambre commerciale amorça un rapprochement avec la jurisprudence de la première chambre civile. Elle admit en effet l'existence d'un devoir de mise en garde des banques, tout en posant des critères restrictifs pour que soit engagée leur responsabilité (disproportion entre prêt et faculté des emprunteurs ; qualité ou situation de l'emprunteur). Par la suite, le rapprochement s'est confirmé et accentué (V., sur ce rapprochement, G. Viney, obs. RDC 2007. 300), la première chambre mettant systématiquement en oeuvre la distinction entre emprunteur profane et emprunteur averti (Civ. 1re, 21 févr. 2006, D. 2006. 1618, note J. François, préc. ; 27 juin 2006, Bull. civ. I, n° 331 ; RCA 2006. comm. 296 ; 12 juill. 2006, Bull. civ. I, n° 397 et 398 ; RCA 2006. comm. 344 ; 13 févr. 2007, Bull. civ. I, n° 59), tandis que la chambre commerciale imposait, en présence d'emprunteurs profanes, la recherche d'une proportion entre remboursements et capacités financières et cela même en l'absence d'asymétrie d'informations (Com. 20 juin 2006, Bull. civ. I, n° 145

 

Par deux arrêts du 29 juin 2007, cette formation a cherché non seulement à assurer l'unité de jurisprudence au sein de la Cour de cassation mais encore à préciser le domaine et l'étendue du devoir de mise en garde des banques lors de l'octroi d'un crédit.

 

Désormais, le banquier est tenu d'une « obligation de mise en garde » qui, à la différence de l'obligation de conseil visant à orienter positivement le cocontractant dans sa décision, n'entre aucunement en conflit avec le devoir de non-immixtion du banquier. Obligation dont seul le client non averti ou encore profane peut se prévaloir, étant précisé que le professionnel emprunteur n'est pas nécessairement un emprunteur averti.

 

C'est ainsi que la Cour de cassation consacre le devoir de mise en garde de la banque au profit de l'emprunteur profane - ou plutôt « non averti » -, et cela même en l'absence d'asymétrie d'informations. Ce faisant elle achève le rapprochement amorcé antérieurement par la Cour de cassation et confirme les acquis de la jurisprudence récente sans toutefois résoudre toutes les difficultés.

 

L'apport des arrêts concerne essentiellement le domaine de l'obligation de mise en garde. On remarquera que la chambre mixte ne reprend pas la référence à l'emprunteur profane - par opposition à l'emprunteur averti - que l'on trouvait dans les arrêts antérieurs. Elle préfère viser l'emprunteur non averti, sans doute pour mieux marquer l'exclusion de toute référence à la qualité de l'emprunteur et en particulier aux notions plus objectives de professionnel et de non professionnel ou consommateur que le législateur utilise en matière de protection des consommateurs de crédit.

 

Les juges du fond ne pourront pas s'appuyer sur une présomption d'emprunteur averti à l'égard des professionnels ni sur une présomption d'emprunteur profane ou non averti envers les non professionnels ; ils devront rechercher d'emblée si l'emprunteur était ou non averti. Ainsi dans l'affaire ou l'emprunteur était agriculteur, c'est-à-dire professionnel, ils ont été sanctionnés pour n'avoir pas recherché s'il était ou non averti ; pour la Cour de cassation, les juges ne pouvaient dispenser la banque de son devoir de mise en garde sans s'assurer que l'agriculteur était averti. Mais inversement, un consommateur (non professionnel) pourrait être considéré comme averti. Car le critère - subjectif - mis en oeuvre semble être celui des connaissances dont il dispose effectivement en matière économique et financière pour lui permettre d'apprécier si le prêt est proportionné à ses facultés contributives, et non celui des compétences supposées par l'exercice d'une profession

 

Pratiquement, l'absence toute présomption fondée sur la qualité de l'emprunteur conduit à faire peser la charge de la preuve de l'existence du devoir sur la banque : un emprunteur est présumé non averti (même s'il est professionnel) et c'est à la banque de prouver le contraire si elle veut s'exonérer de son devoir de mise en garde (contra, A. Gourio, note préc., qui estime que c'est l'emprunteur qui doit prouver qu'il est non averti et que le crédit présentait des risques). Tout au plus la qualité de professionnel sera-t-elle sans doute un indice de nature à faciliter la preuve - voir à présumer en fait ? - les connaissances et compétence de l'emprunteur en matière de crédit.

 

Enfin, il semble ressortir de l'un des arrêts (n° 05-11.673) qu'en cas d'emprunt fait par des époux, l'obligation de mise en garde profite au conjoint non averti d'un emprunteur expérimenté. L'affaire de l'institutrice le montre : alors que la cour d'appel avait retenu la compétence du mari pour débouter l'institutrice, la Cour de cassation estime qu'elle aurait dû préciser si l'épouse était avertie pour apprécier si la banque avait satisfait à son obligation (Attention cf. doc. 10).

 

* Quant au contenu du devoir de mise en garde, les arrêts fournissent là encore quelques précisions. La chambre mixte mentionne deux paramètres pour apprécier l'excès de crédit déclenchant l'obligation mise en garde : les capacités financières de l'emprunteur et les risques de l'endettement.

 

Ce faisant, la Cour de cassation reprend largement les acquis des arrêts antérieurs qui imposaient déjà à la banque de procéder à une comparaison entre d'une part les capacités contributives de l'emprunteur et d'autre part les risques découlant de l'endettement, le devoir d'« alerter » l'emprunteur sur ces risques ne s'actualisant qu'en cas de disproportion entre les capacités financières et l'importance de l'endettement (V., par ex. Com. 3 mai 2006, 3 arrêts, préc. ; Civ. 1re, 12 juill. 2006, 2 arrêts, préc. ; 13 févr. 2007, préc.). Conformément à ce qui s'induisait de la jurisprudence antérieure, lorsqu'une telle disproportion apparaîtra le devoir du banquier pourra aller jusqu'à dissuader l'emprunteur de s'engager, mais non sans doute à refuser le prêt car il y aurait là une atteinte manifeste au devoir de non-immixtion de la banque. Pourtant, on a pertinemment estimé que, par le devoir de mise en garde, la Cour de cassation incitait les banques à refuser les crédits lorsque les risques de l'endettement paraissent trop élevés (S. Hocquet-Berg, préc.). Car s'il n'est pas une obligation, le refus de prêt est certainement une sage mesure de précaution pour la banque en même temps qu'une preuve de l'exécution du devoir de mise en garde.

 

Tel qu'elle est conçue, cette obligation de mise en garde se rapproche sensiblement du devoir de conseil en ce sens que le banquier devra se substituer à l'emprunteur pour apprécier l'opportunité du crédit en fonction des risques de non remboursement. Bien que le communiqué de la Cour de cassation relatif aux arrêts de la chambre mixte prétende que la première se distingue du second et qu'elle ne porte pas atteinte au devoir de non-ingérence du banquier, il a lieu de penser qu'à tout le moins l'obligation de mise en garde empiète sur le devoir de conseil et rogne le devoir de non-ingérence


 

Doc. 10 : Cass. Civ. 1ère, 30 avril 2009

 

Il était reproché à une banque d’avoir consenti deux prêts, dont le remboursement était garanti par un cautionnement solidaire, excédant les capacités ou facultés contributives de l’emprunteur, qui a donc assigné la banque en réparation du préjudice subi.

Cette demande a été rejetée par la Cour d’appel au motif que bénéficiant lors de l’octroi de prêts de l’assistance de la caution, personne physique, qui de par sa profession de conseiller financier, l’emprunteur n’était pas dans une situation la qualifiant d’emprunteur profane, permettant de rechercher la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde.

 

Cassation au motif qu’en se déterminant ainsi, alors que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d’un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l’endettement né de l’octroi du prêt, dont elle ne peut être dispensée par la présence au côté de l’emprunteur d’une personne avertie, peu important qu’elle soit tiers ou partie, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil.

 

Commentaire :

 

La banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenue lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, dont elle ne peut être dispensée par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie.

 

La caution ou l'emprunteur conseillé ou à même de l'être pouvait-il être considéré comme non averti ?

 

Dans ses arrêts de principe, la chambre mixte avait, semble-t-il, considéré que cette faculté était indifférente. Mais la chambre commerciale avait, quant à elle, opté pour la solution opposée. Elle avait refusé le bénéfice du devoir de mise en garde à un emprunteur dont le conjoint était cadre supérieur de banque (Com. 3 mai 2006, JCP E 2006. 1890, obs. D. L.). La solution avait été confirmée par une décision en date du 12 novembre 2008 (RD banc. fin. 2009. comm. 9, obs. A. Cerles).

 

La Chambre civile se prononce, on ne peut plus clairement, dans une affaire exemplaire puisque l'emprunteur était assisté d'un conseil financier. La Cour de cassation se prononce par un attendu de principe qui lève toute incertitude. L'emprunteur doit être considéré comme non averti alors même qu'il est ou qu'il peut se faire conseiller. Il importe peu que le conseil soit aux côtés de l'emprunteur.

 

La solution appliquée à l'emprunteur vaut aussi pour les cautions.

 

La solution consacrée s'inspire de celle retenue pour la délimitation du devoir de conseil du notaire. La qualité de professionnel du client est alors indifférente. La solution consacrée doit être approuvée. Elle prévient des débats infinis sur la possibilité pour une personne d'avoir, ou non, été conseillée. La solution contraire aurait aussi vidé la jurisprudence protectrice de toute sa substance dans la mesure où toute personne a la possibilité de se faire conseiller.

 

Avec la réforme qui s'annonce du crédit à la consommation cette jurisprudence risque de perdre une part de son intérêt. C'est alors la qualité de consommateur qui commandera l'application des dispositions relatives au crédit à la consommation.

 



[1] Pour rejeter le pourvoi elle a posé en effet en principe « que le prêt consenti par un professionnel du crédit n'étant pas un contrat réel, c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause, dont l'existence, comme l'exactitude, doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat ». Elle a observé alors « qu'en l'espèce, ayant constaté qu'en exécution des contrats litigieux souscrits solidairement par les époux..., les sommes prêtées avaient été remises entre les mains de ceux-ci, la cour d'appel en a exactement déduit que l'utilisation de ces sommes par les emprunteurs, décidée postérieurement à l'exécution de son obligation par la (banque), était sans incidence sur la cause de l'obligation souscrite par (l'épouse)... ».

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1 Publié par Visiteur
31/08/2013 22:53

Bonjour
après avoir lu attentivement cette article je vous soumets ce cas véridique

des fonds correspondants à un prêt bancaire (donc consensuel si j'ai bien compris) ont étés versés avant que le contrat de prêt ne soit signé.

Ces fonds destinés à des travaux d'un fond de commerce ont été détournés par le premier associé de la société propriétaire du fdc a viré rapidement l'agent sur son compte personnel.

Le contrat de prêt sera ultérieurement signé par la banque et par le 1er associé plus habilité à engagé la société puisqu'il avait vendu ses parts avant la signature du dit contrat. Cette signature est intervenu sans que les nouveaux associés de la société de soient avertis par la banque.

La chronologie est la suivante :
1) versement des fonds
2) prélèvement 1ere échéance du prêt
3) signature de l'acte de prêt avec une personne non habilité

Dans le cadre d'une procédure un jugement a été rendu de la façon suivante :

« l'article 1328 du code civil étant inappliquable en matière commerciale il convient de donner à cet acte plein effet à partir de la date du versement des fonds »

Il résulte de cela que les associés de la société se voient dans l'obligation de rembourser ce prêt qu'ils n'ont pas demandé correspondant à un acte de prêt qu'ils n'ont pas signé.
Le montage financier de cette banque ne semble pas respecter les règles bancaires en matière d'octroi de prêt.

Une banque peut elle libérer des fonds sans qu'aucun contrat ou avant-contrat ne soit signé ?Quels seraient les moyens de défenses de ses associés .

Par avance merci pour les informations que vous pourrez me fournir

2 Publié par Visiteur
10/08/2016 14:53

Bonjour Mr/Mme, voici une opportunité pour les rachats de crédits et fiché bancaire de contracter un prêt financier sans aucun frais. Pour toutes personnes désireuses d'une aide financière n'hésiter pas à me solliciter par mail:patriciaceline248@gmail.com

3 Publié par Maria Cadelano
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4 Publié par Visiteur
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Blog de Le journal d'une doctorante

Actuellement doctorante en 1ère année, en droit de l'Union européenne et de la concurrence. je prépare activement mon CERFPA

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