Contrôle du renouvellement d’une mesure d’hospitalisation d’office : compétence administrative ou judiciaire ?

Publié le Modifié le 30/03/2014 Vu 4 032 fois 0
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Contrôle du renouvellement d’une mesure d’hospitalisation d’office : compétence administrative ou judiciaire ?

L’article L. 3213-1 du code de la santé publique permet au préfet de prononcer par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, l’hospitalisation d’office des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. L’article L. 3211-12 du même code prévoit que la personne ainsi hospitalisée peut, à tout moment, se pourvoir par simple requête devant le juge des libertés et de la détention (JLD), lequel ordonne alors, s’il y a lieu, sa sortie immédiate. Cependant, si le JLD est bien compétent pour s’assurer de la nécessité de la mesure, il en est autrement s’agissant de sa régularité, comme le révèle, à l’instar d’une jurisprudence déjà ancienne, l’arrêt rendu par la première chambre civile le 8 avril 2011.

En l’espèce, un individu ayant fait l’objet d’une hospitalisation d’office ordonnée par arrêté préfectoral a présenté une requête au JLD tendant à sa sortie immédiate. Cependant, ce dernier l’a rejetée, ce qu’une ordonnance du premier président de la cour d’appel a confirmé, au motif que la demande était fondée sur le caractère irrégulier de la mesure d’hospitalisation d’office, qui n’aurait pas été renouvelée dans les délais prévus par l’article L. 3213-4 du code de la santé publique, alors qu’une telle contestation, qui ne portait pas sur une nécessité médicale, relevait de la compétence de la juridiction administrative. Toutefois, la Cour de cassation censure la solution, après avoir relevé que le requérant soutenait également, dans ses conclusions, que son état ne présentait pas une quelconque dangerosité actuelle au sens de l’article L. 3213-1. Dès lors, le JLD était bien compétent.

Une telle solution illustre toute la difficulté qu’il y a à déterminer la juridiction compétente en matière de contrôle d’une mesure d’hospitalisation d’office. En effet, il est de jurisprudence constante que, s’il appartient à la juridiction administrative d’apprécier la régularité de la décision ordonnant une telle mesure, en application des dispositions de l’article L. 3213-1, l’autorité judiciaire est seule compétente pour apprécier la nécessité de l’hospitalisation d’office en hôpital psychiatrique. Telle est la solution dégagée par le Tribunal des conflits en 1946 (T. confl., 6 avr. 1946, Machinot c. Préfet de police, Lebon p. 326 ), et reprise par le conseil d’État (CE 1er avr. 2005, n° 264627, Mme Sylviane X.). D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas manqué de fustiger un tel dualisme juridictionnel : elle a jugé qu’en la matière, la séparation des compétences entre les juridictions françaises viole le droit au recours effectif de la personne internée (CEDH 18 nov. 2010, Baudoin c. France, n° 35935/03 ).

Certes, quelques jours plus tard, le Conseil constitutionnel n’a pas réitéré la solution européenne à l’occasion de la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été posée, estimant au contraire que la compétence du juge administratif pour contrôler la régularité des décisions d’hospitalisation sans consentement, laquelle ne limitait pas celle du juge judiciaire pour apprécier la nécessité de la privation de liberté en cause, se trouvait justifiée par le principe fondamental reconnu par les lois de la République réservant à la juridiction administrative la compétence pour annuler ou réformer les décisions prises dans l’exercice de prérogatives de puissance publique (Cons. const., 26 nov. 2010, n° 2010-71-QPC). Cependant, une telle solution reste regrettable au regard de sa complexité, ce qu’illustre parfaitement l’arrêt rendu par la première chambre civile. Gageons que le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, adopté à l’Assemblée nationale le 22 mars 2011 et actuellement en cours de discussion devant le Sénat, vienne remédier à cette situation.

 

Source  Dalloz Actualités Dalloz. fr

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