Le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs

Publié le Vu 3 057 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs

Le 19 mai 2011, le projet de loi présenté par le garde des Sceaux a été adopté par le Sénat par 171 voix contre 155 et est maintenant déposé à l’Assemblée nationale pour première lecture. Ce texte a pour volonté de répondre à deux objectifs : améliorer la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et renforcer l’efficacité de la procédure de jugement des mineurs.

Le 13 avril 2011, le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée d’adoption de la loi concernant le projet sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et sur le jugement des mineurs afin que celui-ci soit voté rapidement. Cette procédure prévue par l’article 45 de la Constitution a été introduite par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et vient remplacer l’ancienne procédure d’urgence. Elle permet, en l’espèce, une seule lecture du projet par chaque assemblée du Parlement. Il faut noter que le Conseil National des Barreaux, dans un communiqué de presse 18 mai 2011, dénonce que le choix de cette procédure accélérée démontrerait la volonté du gouvernement d’escamoter ce débat pourtant fondamental pour la société française.

I. La participation des citoyens à la justice pénale

Le projet de loi répond au vœu du Président de la République, Nicolas Sarkozy, de rapprocher les citoyens de la justice en les faisant participer au jugement des délits en correctionnelle.

Actuellement, il existe déjà de nombreuses juridictions au sein desquelles les citoyens participent au fonctionnement de la justice en matière civile et pénale, tel que le conseil de prud’hommes ou la cour d’assises, juridiction pénale devant laquelle des jurés populaires sont autorisés à siéger pour juger les crimes.

La réforme a pour objectif d’élargir le champ de participation des citoyens en leur permettant d’être appelés en tant que « citoyens assesseurs » afin de compléter le tribunal correctionnel, la chambre des appels correctionnels, le tribunal de l’application des peines et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel, dans des cas limitativement énumérés. Ainsi, il est proposé que deux "citoyens assesseurs", tirés au sort sur les listes électorales et choisis en fonction d’un critère d’aptitude, siègeront aux côtés de trois magistrats, en première instance et en appel, dans les affaires correctionnelles, pour huit jours d’audience maximum sur une année. Le Sénat, dans son vote, a suivi les recommandations de la Commission des lois en élargissant le périmètre de compétence du « tribunal correctionnel citoyen » aux atteintes à la personne humaine punies de cinq ans d’emprisonnement au moins ainsi qu’aux infractions au Code de l’environnement.

Néanmoins, le CNB estime que le texte est en contradiction avec l’objectif suivi. A ce titre, il s’oppose aux principales dispositions du texte notamment à celles qui consistent à faire siéger les "citoyens assesseurs" dans les tribunaux correctionnels pour les délits les plus graves et dans les juridictions d’application des peines.

De plus, le projet de loi modernise la composition des cours d’assises en fonction de l’importance de la durée de la peine. Sur ce point, le Sénat a également suivi les recommandations de la Commission des lois en supprimant les dispositions instituant une cour d’assises composée de trois magistrats et de "deux citoyens assesseurs", au bénéfice de la simplification du système actuel. De plus, il a ramené l’effectif des jurés de neuf à six en première instance et de douze à neuf en appel, ce qui permet de préserver la prépondérance du jury par rapport aux magistrats et la règle de majorité qualifiée pour condamner l’accusé.

Selon le Gouvernement, cette réforme a aussi été proposée afin d’accélérer le rythme de la justice pénale pour que la sanction suive, de façon rapprochée, la commission de l’infraction.

La portée du projet de loi doit être relativisée, notamment en ce qui concerne la participation de ces « citoyens assesseurs ». En effet, ces dispositions feront l’objet d’une expérimentation dans quelques cours d’appel (entre deux et dix) jusqu’au 1er janvier 2014, avant que le Parlement ne légifère définitivement.

II. La justice pénale des mineurs

Le second volet du texte a pour objectif d’améliorer l’efficacité de la procédure de jugement des mineurs en permettant des réponses pénales plus rapides et davantage adaptées à leur personnalité. Il organise à cette fin, d’importantes modifications de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

Le texte prévoit la création d’un « dossier unique » de personnalité des délinquants mineurs ainsi que l’élargissement des possibilités de placement des mineurs en centre éducatif fermé. De plus, afin que les mineurs soient jugés rapidement, la procédure de convocation par officier de police judiciaire leur est applicable. Enfin et surtout, le projet de loi prévoit que les mineurs de plus de seize ans en récidive seront jugés par un tribunal correctionnel pour mineurs . Cette juridiction serait composée de trois juges professionnels dont un juge pour enfants et appliquerait les règles de procédure actuelle concernant le jugement des mineurs. Cette disposition a pour but de donner plus de solennité à la réponse pénale et s’inscrit donc dans une politique de prévention de la récidive. Néanmoins, son existence démontre un oubli des principes fondamentaux et des traités internationaux ratifiés par la France et ne prend pas en compte les avertissements du Conseil constitutionnel comme le fait remarquer le CNB. Il estime principalement, avec d’autres acteurs de l’opposition, que la mise en place d’un tribunal correctionnel pour mineurs assimilant la justice pénale des mineurs à celle des majeurs en excluant les assesseurs spécialisés ne peut être acceptée en raison de sa spécificité constitutionnellement reconnue.

De plus, les parents des mineurs poursuivis sont davantage impliqués dans la procédure pénale puisqu’ils seront toujours informés des principales décisions concernant leurs enfants et qu’ils peuvent être contraints par la force publique, dans l’intérêt de l’enfant, à comparaître aux audiences devant un magistrat ou une juridiction pour mineurs, s’ils ne répondent pas aux convocations.

Le projet de loi est fortement critiqué au motif que les objectifs visés par le gouvernement ne seront pas atteints avec cette réforme. D’ailleurs, le CNB demande la mise en place rapide d’une véritable concertation et le report du texte.

Alors que de nombreuses personnes dans l’opposition se questionnent sur l’utilité de la réforme, Robert Badinter résume les commentaires en qualifiant le projet de « mauvais coup porté à la justice qui ploie déjà sous le fardeau ».

 

Source :

http://www.village-justice.com/articles/Focus-projet-participation-citoyens,10278.html
Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.