Internet / Presse : Quelles sanctions du non respect de la vie privée ou du droit à l’image ?

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 12 466 fois 1
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Le concept de dommages intérêts indemnitaires et non punitifs conduit à des situations particulièrement anormales et injustes qu’il convient de dénoncer et de changer s’agissant du non respect de la vie privée et du droit à l’image par la presse et aujourd’hui sur Internet par des professionnels qui font de ces violations un commerce.

Le concept de dommages intérêts indemnitaires et non punitifs conduit à des situations particulièrement an

Internet / Presse : Quelles sanctions du non respect de la vie privée ou du droit à l’image ?

Nous envisagerons ci-après :

- les fondements juridiques et les notions de « droit au respect de la vie privée » et de « droit à l’image » (I) ;

– Le problème des dommages intérêts indemnitaires et non punitifs s’agissant des atteintes à la vie privée ou au droit à l’image par la presse ou sur Internet (II).

I –Rappel des fondements juridiques et des notions de « droit au respect de la vie privée » et de « droit à l’image »

Les droits au respect de la vie privée et à l’image sont fondés sur l’article 9 du Code Civil, l’article 8 de la Convention Européenne des Droit de l’Homme et l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Sur le plan pénal, notre code pénal prévoit de nombreuses règles dans une partie intitulée « De l'atteinte à la vie privée » (article 226-1 et suivants)

Ainsi, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende :

- Le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :

1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

- Le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes précités.

Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende :

- La fabrication, l'importation, la détention, l'exposition, l'offre, la location ou la vente d'appareils ou de dispositifs techniques conçus pour, de mauvaise foi, intercepter, détourner, utiliser ou divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique ou de procéder à l'installation d'appareils conçus pour réaliser de telles interceptions.

- La fabrication, l'importation, la détention, l'exposition, l'offre, la location ou la vente d'appareils ou de dispositifs techniques conçus pour la détection à distance des conversations et permettent ainsi de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui

- La fabrication, l'importation, la détention, l'exposition, l'offre, la location ou la vente d'appareils ou de dispositifs techniques conçus la captation de données informatiques

Le principe est que chacun a le droit au respect de sa vie privée c'est-à-dire à jouir d’une existence paisible.

Ainsi, toute personne physique, connue ou inconnue, privée ou publique, est titulaire sur sa vie privée d’un droit exclusif lui permettant de s’opposer à la diffusion d’éléments de sa vie privée ou de son image s’il n’a pas donné son consentement préalable et exprès.

Les juges dressent donc les contours de la otion de vie privée au cas par cas, tels la révélation de :

  • relations amoureuses,
  • liens familiaux,
  • la santé d’une personne,
  • la fortune d’une personne,
  • coordonnées,
  • correspondances,
  • l’image
  • du véritable nom d’une personne qui en avait changé,
  • etc …

La jurisprudence étend le concept du droit au respect de la vie privée pour fonder d’autres droits tels :

  • Le droit à l’image ;
  • Le droit à la jouissance paisible d’un locataire victime des visites de l’appartement pris à bail ;
  • Le droit des salariés à ce que leur employeurs ne puissent pas consulter leurs fichiers informatique sur le matériel mis à leur disposition.

Enfin, la protection de la vie privée peut connaitre des limites, il en ira ainsi pour :

- les personnes publiques, la jurisprudence prend en considération leur complaisance à l’égard des organes de presse pour déterminer le montant de l’indemnisation à laquelle elles peuvent prétendre.

- le droit à l’information du public ou la révélation d’information en lien avec l’actualité,

- l’autorisation expresse et spéciale de la publication de l’image,

- l’image prise dans un lieu public, à condition que la personne ne soit pas prise en « gros plan »,

- l’image captée pour des raison d’ordre public (ex. : les radars routiers) ;

- l’image diffusée dans un intérêt historique (ex. : crime contre l’humanité)

Autrement, la victime d’une atteinte à la vie privée ou à son droit à l’image, peut agir en justice et indépendamment de tout dommage prouvé pour obtenir des dommages et intérêts, sous la forme d’une somme d’argent.

 

II – Le problème des dommages intérêts indemnitaires et non punitifs s’agissant des atteintes à la vie privée ou au droit à l’image par la presse ou sur Internet

En droit de la responsabilité civile en France, les dommages et intérêts ont une fonction réparatrice, il ne s’agit pas de sanctionner l’auteur.

La jurisprudence a toujours considéré que devaient être prises en considération les seules conséquences réellement subies par la victime à la suite du fait dommageable.

A l’inverse, la nature des dommages intérêts est punitive aux Etats Unis d’Amérique ou ailleurs en Europe, d’où un montant très conséquent de dommages et intérêts octroyés à la victime.

Ce concept de dommages intérêts indemnitaires et non punitifs conduit à des situations particulièrement anormales qu’il convient de dénoncer et de changer s’agissant des atteintes par la presse et aujourd’hui sur Internet.

Pour certains organes de presse ou éditeurs de contenus sur Internet, la faute est lucrative.

La faute lucrative est définie par la doctrine comme une faute qui, malgré les dommages-intérêts que le responsable est condamné à payer - et qui sont calculés sur le préjudice subi par la victime -laisse à son auteur une marge bénéficiaire suffisante pour qu'il n'ait aucune raison de ne pas la commettre à nouveau.

Il s'agit donc d'une faute dont les conséquences profitables, pour leur auteur, ne sont pas neutralisées par la simple réparation des dommages causés.

La faute engendre bien un dommage, mais le bénéfice en résultant est supérieur au coût de la réparation imposée à l’auteur.

Moralement et juridiquement une question se pose alors : comment l’auteur d’une faute peut-il en tirer un bénéfice tel qu’il la réitère au préjudice, aggravé, de la victime … ?

Comment admettre que, en application du principe des dommages et intérêts réparateurs, des fautes lucratives puissent constituer un simple élément du passif du bilan comptable et permette un calcul de rentabilité en matière d'atteinte à la vie privée et de violation du droit à l'image ?

En effet, le trop faible montant des dédommagements accordés par les juges à la victime permet, au final, à l’auteur de l’atteinte (prese et éditeur de contenu sur Internet) de retirer un avantage économique de cette même atteinte.

Dans un contexte économique, il semble que seuls des dommages-intérêts punitifs permettraient de dissuader les auteurs de récidiver, conformément à l'esprit de l’article 3 de la directive européenne n°2004/48 qui vise à instaurer des sanctions « dissuasives ».

Les dommages-intérêts punitifs auront ainsi pour effet de condamner l’auteur à une somme d’argent supplémentaire afin de le sanctionner de son comportement particulièrement grave.

Ils devront être calculés par rapport à la situation patrimoniale du responsable fautif et versés par lui-même.

Enfin, les dommages et intérêts punitifs existent depuis l’Ancien Testament où « Si quelqu’un vole un bœuf ou un agneau, puis l’abat et le vend, il rendra cinq têtes de gros bétail pour le bœuf et quatre têtes de petit bétail pour l’agneau. ».

En droit des contracts, la clause pénale prévoyant une indemnisation supérieure au préjudice résultant de l’inexécution contractuelle est une adapatation du principe de dommages et intérêts punitifs.

Les sénateurs Alain Anziani (PS, Gironde) et Laurent Béteille (UMP, Essonne) ont remis un rapport d’information intitulé « Responsabilité civile : des évolutions nécessaires », examiné par la commission des lois le 15 juillet 2009, aux termes duquel les sénateurs prônent l'instauration des dommages et intérêts punitifs sanctionnant le comportement de l’auteur du dommage à la façon anglo-saxonne, mais sans enrichir la victime. 
 

Une proposition de loi n° 657 (2009-2010), déposée le 9 juillet 2010, par Monsieur Laurent Béteille, portant réforme de la responsabilité civile a vainement proposé d'inscrire le principe dans le code civil.

Pour l'heure, en l'attente d'une intervention législative sur ce point, je conserve l'espoir qu'un juge accordera un jour en France des dommages et intérêts punitifs à une victime d'atteinte au respect de sa vie privée et de son droit à l'image de la part de professionnels du genre.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
16/08/2012 21:45

Je viens d'apprendre que ma fille de 12 ans a été photographiée (et la photographie publiée),sans mon accord, en gros plan,en maillot de bain, à la piscine municipale, par le journal régional.
Puis-je engager une procédure pour atteinte du droit à l'image? Si oui, à combien puis-je chiffrer le préjudice moral?

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