Protection du salarié auteur contre l'utilisation non consentie de son œuvre par l'employeur

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 4 116 fois 0
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Le 30 septembre 2011, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que la musique d’un jeu vidéo en ligne créé par un salarié pour le compte de son employeur constitue une œuvre de collaboration audiovisuelle protégé par le droit d’auteur dont l’employé est en droit d’obtenir réparation des préjudices subis à défaut de cession valable de ses droits d'auteur.

Le 30 septembre 2011, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que la musique d’un jeu vidéo en lign

Protection du salarié auteur contre l'utilisation non consentie de son œuvre par l'employeur

En l'espèce, Monsieur F est un graphiste et compositeur musical de formation qui avait été embauché par la société Prizee.com en qualité de “sound designer ”.

La société Prizee.com a pour activité l’édition de sites internet, l’organisation de jeux concours, le développement et la vente de jeux vidéos, la conception et la vente de tous produits ayant trait à ses activités et l’accomplissement de prestations en informatique.

Elle exploite une plate-forme de jeux en ligne  dont l’accès est gratuit et qui permettent au joueur d’accumuler des points gagnants qui peuvent être convertis en cadeaux (console de jeux, CD…).

Le nombre de parties gratuites est limité et les joueurs doivent, pour poursuivre leurs parties, faire l’achat de « Pack+ ».

La société Prizee.com revendique 11,4 millions de joueurs actifs.

Suite à son licenciement, Monsieur F a constaté que les musiques dont il est l’auteur et rassemblées dans un CD de compilation “Prizee.music” étaient téléchargeables sur internet et proposées sur comme cadeau aux internautes.

Dans ce contexte, Monsieur F a demandé au tribunal de juger que, d'une part, les 21 compositions musicales constituant le CD compilation ainsi que toutes ses œuvres accompagnant les jeux en ligne sont des œuvres originales protégées par le droit d’auteur et, d'autre part la société Prizee.com a commis des actes de contrefaçon en utilisant ses compositions musicales pour les jeux en ligne sans son autorisation.

Par voie de conséquence, il a demandé la condamnation de la société Prizee.com à lui verser des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices subis ainsi que l'interdiction de l’exploitation de ses œuvres.

Pour mémoire, l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

« l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».

De plus, l’article L.112-1 du même code prévoit que ce droit bénéficie à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination et en particulier les compositions musicales avec ou sans parole.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

L’originalité d’une œuvre doit être explicitée par celui qui revendique des droits d’auteur, seule cette partie étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.

Bien que la société Prizee.com ai dénié la qualité d’auteur à Monsieur F au motif qu’il n’aurait eu aucune liberté de création, son travail consistant en celui d’un exécutant, une fiche de poste indiquait qu’il définissait l’identité sonore qui convient le mieux au site pour mettre en valeur les contenus visuels et les jeux.

Concrètement, cela consistait à trouver le meilleur accompagnement sonore et adapter les sons à des images.

En tant que “créatif”, il créait les sons, bruitages, mélodies, musiques et atmosphère des jeux en ligne.

Par ailleurs, le tribunal a relevé que la société Prizee ne produit aucun document qui établirait que Monsieur F réalisait les compositions musicales litigieuses sur instructions.

Enfin des attestations établissaient que Monsieur F avait créé les musiques et bruitages à partir des “sound design” (document de production) qu’il rédigeait lui-même, son travail était validé par sa hiérarchie et qu'il jouissait d’une liberté dans la création.

Le tribunal considère donc que :

- la musique ne se fond pas dans l’ensemble que constitue le jeu vidéo, puisqu’on peut l’écouter sans jouer, ainsi que l’établit d’ailleurs la commercialisation par la société Prizee.com d’un CD contenant les créations musicales.

- il est tout à fait possible d’attribuer un droit distinct à Monsieur F dont la contribution par le biais de la composition musicale peut être séparée. Les autres coauteurs, qui ne sont pas identifiés et n’ont pas été mis en cause

- les jeux en ligne constituent une œuvre de collaboration audiovisuelle au sens de l’article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle qui dispose qu’ « est dite de collaboration l'œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques  ».

Or, aux termes de l’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite, et il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

Par conséquent, en l’absence de cession des droits de Monsieur F sur l’exploitation de ses œuvres alors que dans le cadre d’un œuvre de collaboration, cette cession est impérative, le tribunal a jugé que la société Prizee.com a commis des actes de contrefaçon au préjudice de Monsieur F.

En vertu de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l’atteinte.

Le préjudice patrimonial de l’auteur est constitué par le fait qu’en l’absence de cession de droit, il n’a pu bénéficier d’une rémunération au titre de l’exploitation de ses œuvres musicales pour une durée et une aire géographique déterminées.

Ainsi, le tribunal estime que « Monsieur F a donc subi un manque à gagner et son préjudice moral est lié au fait qu’il n’a pas cédé ses œuvres à son ancien employeur et que celles-ci ont été diffusées sur le site internet Prizee.com dans les jeux, dans le CD, dans le restaurant exploité par cette société et à l’occasion d’une conférence de presse et commercialisées en ligne sans son autorisation  ».

Le salarié a notamment perçu la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice fondé sur ses droits patrimoniaux d’auteur.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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