Sanction du choix des marques de ses concurrents comme mots clés pour son référencement internet

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 6 771 fois 0
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Le 22 septembre 2011, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire afficher, à partir d’un mot clé identique à cette marque, que ce concurrent a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, une annonce pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée car l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers et ainsi porte atteinte à la fonction d’indication, d’origine ou d’investissement de la marque (CJUE, 22 septembre 2011, Interflora c/ Marks & Spencer et autres)

Le 22 septembre 2011, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que le titulaire d’une marque est

Sanction du choix des marques de ses concurrents comme mots clés pour son référencement internet

Nous envisagerons ci-après les points suivants :

- L'importance du référencement payant Adwords de Google (1) ;

- Les faits à l'origine de l'affaire Interflora c/ Marks & Spencer et autres (2) ;

- Le droit communautaire applicable à la protection des marques enregistrées (3) ;

- La position de la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après CJUE) (4) ;

- La jurisprudence française relative à la concurrence déloyale entre entreprises par le biais du référencement parasitaire sur internet (5).

 

1) L'importance du référencement payant Adwords de Google

Le référencement et le positionnement des marques, produits et services des annonceurs sur Internet sont essentiels pour de nombreuses sociétés dont la toile est devenue la vitrine de communication, de publicité et de vente.

Ainsi, certains annonceurs « parasites » choisissent volontairement dans le cadre de leur campagne de publicité Adwords de Google des mots clés de leur concurrent qui leur permettront d’avoir une visibilité supplémentaire sur Internet et d’apparaitre en bonne place dès qu’un internaute tapera les mots clés de la concurrence.

Pour mémoire, il y a deux types de référencement sur Internet :

Le référencement naturel  : lorsqu’un internaute effectue une recherche à partir d’un ou de plusieurs mots sur le moteur de recherche Google, celui-ci va afficher les sites qui paraissent le mieux correspondre à ces mots par ordre décroissant de pertinence.

Le référencement payant des campagnes « Adwords » de Google  : il s’agit concrètement des liens internet de publicité affichés en haut ou à droite d’une page de résultats des requêtes sur le moteur de recherche. Google a changé progressivement leurs présentation et leurs dénominations, ainsi ils se sont successivement appelés « liens commerciaux », « annonces publicitaires » et aujourd’hui « annonces ».

Google permet ainsi à tout operateur économique, moyennant la sélection d’un ou de plusieurs mots clés, de faire apparaitre, en cas de concordance entre ce ou ces mots et celui ou ceux contenus dans la requête adressée par un internaute au moteur de recherche, un lien promotionnel vers son site.

Ce lien promotionnel apparait dans la rubrique des liens commerciaux, qui est affichée soit en partie droite de l’écran, à droite des résultats naturels, soit en partie supérieure de l’écran, au-dessus desdits résultats.

Ledit lien promotionnel est accompagne d’un bref message commercial. Ensemble, ce lien et ce message constituent l’annonce affichée dans la rubrique susvisée.

Une rémunération du service de référencement est due par l’annonceur pour chaque clic sur le lien promotionnel.

Cette rémunération est calculée en fonction, notamment, du prix maximal par clic que l’annonceur a, lors de la conclusion du contrat de service de référencement avec Google, déclare être prêt à payer, ainsi que du nombre de clics sur ledit lien par les internautes.

 

2) Les faits à l'origine de l'affaire Interflora c/ Marks & Spencer et autres

En l’espèce, le réseau Interflora est constitué de fleuristes auprès desquels les clients peuvent, en personne ou par téléphone, effectuer des commandes.

Interflora dispose également de sites web qui permettent de passer des commandes par Internet, qui sont alors exécutées par le membre du réseau le plus proche du lieu de livraison des fleurs.

L’adresse du site principal est www.interflora.com.

Ce site se décline en versions nationales, telles que www.interflora.co.uk et Interflora est une marque nationale au Royaume-Uni ainsi qu’une marque communautaire.

M & S distribue un large éventail de produits et propose des services via son réseau de magasins et via son site www.marksandspencer.com et un de ces services consiste dans la vente et la livraison de fleurs.

Cette activité commerciale est en concurrence avec celle d’Interflora.

Dans le cadre du service de référencement AdWords, M & S a électionné le terme Interflora et des variantes constituées de ce terme avec de petites erreurs, ainsi que des expressions comportant le mot Interfloraà savoir notamment Interflora Flowers, Interflora Delivery, Interflora.com, Interflora en tant que mots clés.

Par conséquent, lorsqu’un internaute entrait le mot Interflora ou l’une desdites variantes ou expressions comme terme de recherche dans le moteur de recherche Google, l’annonce suivante de M & S apparaissait dans la rubrique « liens commerciaux » :

« M & S Flowers Online www.marksandspencer.com/flowers Magnifiques fleurs et plantes fraîches Commandez jusqu’à 17 heures pour une livraison le lendemain »(« M & S Flowers Onlinewww.marksandspencer.com/flowers Gorgeous fresh flowers & plants Order by 5 pm for next day delivery »).

Dans ce contexte, Interflora a introduit en Grande Bretagne un recours pour violation de ses droits de marque contre M & S.

La High Court of Justice a cependant décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l’Union Européenne notamment les questions préjudicielles suivantes :

Lorsqu’un commerçant, concurrent du titulaire d’une marque enregistrée et qui vend des produits et des services identiques à ceux couverts par la marque au moyen de son site Internet:

  • choisit un signe qui est identique à la marque comme mot clé pour le service de lien sponsorisé propose par l’operateur d’un moteur de recherche,
  • désigne ce signe comme un mot clé,
  • associe le signe avec l’URL de son site Internet,
  • déterminé le cout par clic qu’il paiera en relation avec ce mot clé,
  • programme le moment ou s’affichera le lien sponsorise,
  • utilise le siene dans des correspondances commerciales relatives à la facturation et au paiement des droits ou à la gestion de son compte auprès de l’operateur du moteur de recherche, mais que le lien sponsorise n’inclut pas lui-même le signe ou tout signe similaire, l’un quelconque de ces actes ou tous ces actes constituent-ils un usage illicite du signe par le concurrent au sens de la directive 89/104 et du règlement 40/94 précités ?

Un tel usage tombe-t-il dans le champ d’application de l’une ou des deux dispositions précitées ?

Ainsi, la juridiction britannique demande à la CJUE si le droit communautaire doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire afficher, à partir d’un mot clé identique à cette marque que ce concurrent à sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, une annonce pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée ?

 

3) Le droit communautaire applicable à la protection des marques enregistrées

Le dixième considérant de la directive 89/104 et le septième considérant du règlement n° 40/94 énonçaient que :

- la protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, est absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services :

- la protection vaut également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services :

- il est indispensable d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion ;

- le risque de confusion [...] constitue la condition spécifique de la protection.

De plus, l’article 5 de la directive 89/104 posait le principe que la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif.

Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :

- d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;

- d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

Tout Etat membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Etat membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indument profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

Si les conditions énoncées ci-dessus sont remplies, il peut notamment être interdit:

a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b) d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

  

4) La position de la CJUE

La CJUE considère notamment que le titulaire d’une marque renommée est habilité à interdire à un concurrent de faire de la publicité à partir d’un mot clé correspondant à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, lorsque ledit concurrent tire ainsi un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque (parasitisme) ou lorsque ladite publicité porte préjudice à ce caractère distinctif (dilution) ou à cette renommée (ternissement).

Ainsi, un annonceur ayant sélectionné, dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, un mot clé correspondant à une marque d’autrui profite indument du caractère distinctif ou de la renommée de la marque et engage sa responsabilité pour parasitisme.

En effet, les internautes introduisant ce mot en tant que terme de recherche cliqueront non seulement sur les liens affichés qui proviennent du titulaire de ladite marque, mais également sur le lien promotionnel dudit annonceur.

De plus, selon la CJUE, la protection octroyée par le droit communautaire

- ne vise que à permettre au titulaire de la marque de protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de celle-ci et assurer que la marque puisse remplir ses fonctions propres

- doit être réservée aux cas dans lesquels l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service couvert par la marque ou de l’une des autres fonctions de celle-ci, telles que celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d’investissement ou de publicité.

- est un « instrument de stratégie commerciale » pour acquérir une réputation afin de fidéliser le consommateur.

C’est dans ces conditions que la CJUE a statué et dit pour droit :

« Les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire, à partir d’un mot clé identique à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque cet usage est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque.

Un tel usage :

– porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque la publicité affichée à partir dudit mot clé ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ;

– ne porte pas atteinte, dans le cadre d’un service de référencement ayant les caractéristiques de celui en cause au principal, à la fonction de publicité de la marque ;

– porte atteinte à la fonction d’investissement de la marque s’il gêne de manière substantielle l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs.

Les articles 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 et 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque renommée est habilité à interdire à un concurrent de faire de la publicité à partir d’un mot clé correspondant à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, lorsque ledit concurrent tire ainsi un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque (parasitisme) ou lorsque ladite publicité porte préjudice à ce caractère distinctif (dilution) ou à cette renommée (ternissement).

Une publicité à partir d’un tel mot clé porte préjudice au caractère distinctif de la marque renommée (dilution), notamment, si elle contribue à une dénaturation de cette marque en terme générique.

En revanche, le titulaire d’une marque renommée n’est pas habilité à interdire, notamment, des publicités affichées par des concurrents à partir de mots clés correspondant à cette marque et proposant, sans offrir une simple imitation des produits ou des services du titulaire de ladite marque, sans causer une dilution ou un ternissement et sans au demeurant porter atteinte aux fonctions de la marque renommée, une alternative par rapport aux produits ou aux services du titulaire de celle-ci »

S'agissant des atteintes aux marques par l’usage de mots clés identiques dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, la CJUE a déjà eu l’occasion de constater que l’usage d’un signe identique à une marque d’autrui dans le cadre d’un service de référencement tel qu’AdWords ne porte pas atteinte à la fonction de publicité de la marque.

Ainsi, le seul fait que l’usage, par un tiers, d’un signe identique à une marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquelles cette marque est enregistrée contraigne le titulaire de cette marque à intensifier ses efforts publicitaires pour maintenir ou augmenter sa visibilité auprès des consommateurs, ne suffit pas, dans tous les cas, pour conclure qu’il y a atteinte à la fonction de publicité de ladite marque.

Cependant, la CJUE a jugé qu'« Il y a atteinte à cette fonction [la fonction d’indication d’origine d’une marque] lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers. Ce qui est le cas lorsque « l’annonce apparait tout de suite après l’introduction de la marque en tant que mot de recherche et est affichée a un moment ou la marque est, dans sa qualité de mot de recherche, également indiquée sur l’écran, l’internaute peut se méprendre sur l’origine des produits ou des services en cause  ». En effet, « il peut être particulièrement difficile pour l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir, en l’absence d’indication donnée par l’annonceur, si ce dernier, dont la publicité est affichée en réponse a une requête utilisant ladite marque comme terme de recherche, fait ou non partie dudit réseau ».

Enfin, selon la CJUE, l’atteinte à la fonction d’investissement de la marque sera caractérisée lorsqu’un tiers :

- fera un sage d’un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;

- gène de manière substantielle l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs ;

- affecte cette réputation et met ainsi en péril le maintien de celle-ci.

Ainsi, les juges britanniques et les juridictions nationales à qui il appartiendra de se prononcer à la lumière de cette décision, devront vérifier si :

- la publicité Adwords ne permette pas de savoir si M & S est un tiers par rapport au titulaire de la marque ou si, au contraire, cette dernière société est économiquement liée à celui-ci, autrement dit si l’annonce de M & S permettait audit internaute de comprendre que ce service n’appartient pas au réseau Interflora.

- l’usage, par M & S, du signe identique à la marque Interflora :

- met en péril le maintien, par cette dernière société d’une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs par un usage du signe sans juste motif ;

- tire indument profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque Interflora ;

- porte atteinte à l’une des fonctions de la marque.

 

5) La jurisprudence française relative à la concurrence déloyale entre entreprises par le biais du référencement parasitaire sur internet

5.1 - L’affaire Mutuelle civile de la défense / Cabinet Wilhelm du 3 mars 2011

Le 3 mars 2011, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé qu’en utilisant la marque et la dénomination sociale d'une mutuelle pour son propre « référencement naturel » dans les résultats du moteur de recherche de Google, un courtier en assurance a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de cette mutuelle.

En l'espèce, la Mutuelle civile de la défense est une personne morale de droit privé à but non lucratif qui offre une protection sociale complémentaire essentiellement aux personnels civils du ministère de la Défense et des entreprises actives dans le secteur de la défense.

Elle a déposé la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef" pour les assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières, en classe 36.

La société Cabinet Wilhelm est un Cabinet de courtage en assurance qui exploite deux sites internet www.courtage.com et www.mutuelle.com.

Sur ce dernier site, il propose des prestations de mutuelle santé, complémentaire et assurance santé en établissant des devis notamment pour les mutuelles Myriade, MPGS et France Mutuelle.

La Mutuelle civile de la défense a fait dresser des procès-verbaux de constat par un huissier de justice desquels il ressort qu’à partir de la saisie d’une requête “mutuelle civile de la défense” sur le moteur de recherche Google, l’huissier de justice parvient sur une page du site internet www.mutuelle.com sous titrée “mutuelle civile de la défense” avec la mention “nous ne travaillons pas avec cette mutuelle mais nous vous proposons un article sur cette mutuelle de qualité” suivie d’une présentation de la mutuelle puis qu’à partir de cette page, il aboutit à des pages relatives à d’autres mutuelles et aux coordonnées du Cabinet Wilhelm.

Ainsi, la Mutuelle civile de la défense a assigné en référé le Cabinet Wilhelm pour faire notamment constater l'usage non autorisé de sa marque et de son identité afin de conduire des clients potentiels à s’intéresser aux tarifs d’entreprises concurrentes.

Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a constaté que la défenderesse avait mis fin à l’utilisation du nom des mutuelles concernées et il l’a condamnée à payer la somme provisionnelle d’un euro.

Par la suite, la Mutuelle civile de la défense a fait dresser un second procès-verbal de constat afin de démontrer la persistance des faits commis à son encontre et a assigné la société Cabinet Wilhelm devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de la contrefaçon de sa marque et sur celui de la concurrence déloyale et du parasitisme.

Le tribunal de grande instance de Paris a jugé que les résultats litigieux de requête Google « apparaissent dans le cadre du référencement naturel et il appartient à la demanderesse d’établir que celui-ci est réalisé à partir de méta tags reprenant sa marque. Faute par la Mutuelle civile de la défense d’avoir fait constater par huissier de justice quels étaient les mots choisis par le défendeur pour déclencher le référencement de son site internet par le moteur de recherche Google, le tribunal ne peut se fonder sur une simple probabilité pour retenir une contrefaçon de la marque “mutuelle civile de la défense”. Il n’y a donc pas lieu de retenir la contrefaçon par un usage de la marque pour le référencement du site www.mutuelle.com ».

Par ailleurs, s'agissant de la reproduction de la marque le tribunal de grande instance de Paris a relevé que le second procès-verbal de constat produit par la demanderesse révèle que :

« la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef" apparaît dans les mentions figurant sur la page de résultat dont la rédaction et le contenu sont de la responsabilité du défendeur ».

« le site litigieux n’a pas une vocation purement informative mais qu’il sert à promouvoir les mutuelles au bénéfice desquelles le défendeur exerce son activité de courtage. Il ne constitue pas, par ailleurs, un comparateur de devis alors que le Cabinet Wilhelm n’est pas en mesure de faire connaître aux internautes quelles sont les conditions que leur proposerait la demanderesse et qu’il met seulement en ligne une page de présentation générale de la mutuelle et de ses produits sans fournir aucune donnée chiffrée susceptible d’être comparée »

« la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef" sert à attirer le consommateur sur le site www.mutuelle.com alors même que ce site ne propose pas les prestations de la demanderesse et que contrairement à ses affirmations, elle ne peut offrir aucune comparaison entre ses devis et ceux d’autres mutuelles. Il apparaît donc que le Cabinet Wilhelm utilise la marque de la demanderesse comme une marque d’appel afin de diriger les internautes vers le site mutuelle.com qui effectue la promotion d’autres mutuelles, concurrentes de la Mutuelle civile de la défense … et que l’utilisation de la marque a produit son effet en attirant un client potentiel sur un site proposant des produits concurrents ».

Ainsi, le tribunal a jugé que :

- l’usage non autorisé d’un « nom de domaine qui ne permet pas à l’internaute de se rendre compte facilement et immédiatement que la marque est détournée de son objectif qui est de désigner les produits de la mutuelle » et qui sert « d’appât pour des produits concurrents » constitue un acte fautif de contrefaçon .

- « le fait d’utiliser la dénomination sociale d’un tiers [pour le référencement de son site Internet] afin d’attirer les clients potentiels vers des produits concurrents constitue un acte de concurrence déloyale ».

 

5.2 - L’affaire Google France et Inc / Cobrason, Home Cine Solutions du 11 mai 2011

Le 11 mai 2011, la Cour d’appel de Paris a condamné Google dans le cadre de son activité de commercialisation de liens sponsorisés dénommé Adwords et une société utilisatrice du système d'annonces publicitaires Adwords, pour concurrence déloyale et publicité mensongère (Cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 4, 11 mai 2011, Google France et Inc / Cobrason, Home Cine Solutions).

Le référencement et le positionnement des marques, produits et services des annonceurs sur Internet sont essentiels pour de nombreuses sociétés dont la toile est devenue la vitrine de communication, de publicité et de vente.

Ainsi, certains annonceurs « parasites » choisissent volontairement dans le cadre de leur campagne de publicité Adwords de Google des mots clés de leur concurrent qui leur permettront d’avoir une visibilité supplémentaire sur Internet et d’apparaitre en bonne place dès qu’un internaute tapera les mots clés de leur concurrent.

Pour mémoire, les « Adwords » de Google sont les liens internet de publicité affichés en haut ou à droite d’une page de résultats des requêtes sur le moteur de recherche de Google, sur fond rose pâle aujourd'hui.

Google a changé progressivement leurs dénominations, ainsi ils se sont successivement appelés « liens commerciaux », « annonces publicitaires » et aujourd’hui « annonces ».

S'agissant des faits à l'origine de l’affaire jugée par la cour d'appel de Paris, le 11 mai 2011, la société Cobrason vend en ligne, sur catalogue, et en magasin des produits Hi-fi Vidéo de marque haut de gamme.

La vente de ses produits en ligne s’effectue grâce à son site internet : www.cobrason.com accessible également grâce à l’adresse www.cobrason.fr.

La société Home Cine Solutions, ci-après Solutions, exerce à partir de son site internet la même activité de vente au détail des produits audio-vidéo et Hi-fi que la société Cobrason.

Elle exploite, pour sa part, le site "www.homecinesolutions.fr".

Or à chaque fois qu’un internaute effectuait une recherche avec le mot clé « Cobrason » dans le moteur de recherche de Google, il accédait automatiquement à une page de résultat diffusant une annonce publicitaire renvoyant vers le site d’une société concurrente dénommée Solution.

Alors que la CJUE a rendu, le 23 mars 2010, un arrêt empêchant pratiquement les titulaires de marque d’engager la responsabilité de Google et des annonceurs en cas d’utilisation d’une marque à titre de mot-clé, la solution rendue par la Cour d’appel de Paris, le 11 mai 2011, contourne intelligemment la décision de la CJUE en faveur des professionnels victimes de concurrence déloyale sur Internet.

En effet, la Cour d’appel de Paris sanctionne, d'une part, les annonceurs et Google Inc au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme économique (a) et, en plus, Google Inc du chef de publicité trompeuse (b), en éludant la question de la responsabilité limitée appliquée aux hébergeurs (c).

a - Condamnation de Google Inc et de l’annonceur pour concurrence déloyale et parasitisme économique

Dans un premier temps, la Cour d'appel de Paris rappelle que :

« Le parasitisme économique doit s’entendre comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer partie, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ».

Ainsi, ce n’est pas sur le fondement de la violation du droit sur la marque Cobrason que les sociétés Solution et Google Inc ont été condamnées mais sur ceux de la protection offerte par le droit de la concurrence et celui relatif à la dénomination commerciale et au nom de domaine dont dispose notamment et surtout les entreprises de commerce en ligne.

La cour d'appel de Paris a expressément posé le principe selon lequel :

« l’apparition de ce lien commercial avait nécessairement généré une confusion dans l’esprit de la clientèle potentielle et provoqué, de ce seul fait, un détournement déloyal de clientèle ainsi qu’une utilisation parasitaire de l’investissement effectué par Cobrason au travers de son site et de l’organisation de ses campagnes publicitaires ».

Pour engager la responsabilité de Google Inc, la Cour ajoute que :

« en proposant le mot-clé “Cobrason” dans le programme Adwords et en faisant ensuite apparaitre sur la page de recherche s’ouvrant à la suite d’un clic sur ledit mot clé, sous l’intitulé “liens commerciaux”, le site d’un concurrent à celui correspondant au mot-clé sélectionné, la société Google Inc a également contribué techniquement à la confusion générée dans l’esprit du public intéressé ; qu’il y a lieu, dès lors, de dire que les sociétés Google Inc et Solutions ont toutes au travers de manquements à la loyauté commerciale spécifiques et propres, contribué à l’entier dommage subi de ce chef par la société Cobrason».

Ainsi, en manquant aux exigences de loyauté en matière commerciale, la société Google et l’annonceur ont été condamnés à réparer l’entier préjudice subi par la société demanderesse, plus de 100.000 euros en l'espèce.

La faute de Google, au sens de l’article 1382 du Code civil, est d’avoir proposé le mot clé Cobrason et ainsi d'avoir « également contribué techniquement à la confusion générée dans l’esprit du public intéressé ».

La cour admet donc qu'une confusion dans l’esprit du public intéressé existe du seul fait d'utiliser le nom commercial appartenant à un de ses concurrents.

b - Condamnation de la société Google Inc pour publicité trompeuse

L’intérêt juridique de cet arrêt prend une dimension supérieure dans la mesure où il s'appuie sur le fondement de la publicité mensongère pour sanctionner une seconde fois Google Inc.

En effet, Google Inc est condamnée, d’une part, sur le fondement de la concurrence déloyale et, d’autre part, sur le fondement de publicité trompeuse.

Les juges d’appel rappellent qu’aux termes de l’article L 121-1 du Code de la consommation :

« I- Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu‘elle crée une confusion avec un autre bien au service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ; 2° Lorsqu‘elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service à savoir ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectuées sur le bien ou le service ;

c) le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;

b) Le service après-vente, la nécessité d’un service, d’une pièce détachée, d’un remplacement ou d’une réparation ;

e) La portée des engagements de l‘annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;

f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;

g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3°) Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n‘est pas clairement identifiable..."

De plus, l’article 20 de la loi du 21 juin 2004 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, rappelé par la Cour, dispose que :

« Toute publicité, sous quelques formes que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. L‘alinéa précédent s‘applique sans préjudice des dispositions réprimant la publicité trompeuse, prévues à l’article L 12-1 du code de la consommation ».

Or, si en matière de contrefaçon de marque, il est de jurisprudence constante que pour de mêmes faits de contrefaçon, il n’est envisageable d’agir sur le fondement de la concurrence déloyale qu’à la condition de pouvoir démontrer un préjudice distinct.

Cependant, puisque la Cour d’appel n'a pas exigé une telle démonstration dans la présente affaire, les sociétés d'e-commerce victimes de concurrence déloyale disposent d’une possibilité d'action et d'indemnisation plus importante.

Ainsi, s'agissant de la présentation du site concurrent à la suite d'une requête Google avec le mot-clé Cobrason, la Cour d'appel a considéré qu’elle était constitutive en elle-même d’une publicité trompeuse « dès lors que l’internaute, client potentiel, ne peut qu’être porté à croire à l’existence d’un lien commercial particulier entre les sites des sociétés Cobrason et Solutions au travers, entre autres, d’une possible identité des produits offerts à la vente ; que le lien litigieux présentant le site concerné de la société Solutions et contenant la formule ‘‘pourquoi payer plus cher” est aussi, eu égard à la terminologie employée, susceptible d’induire en erreur l’internaute en prenant connaissance et d’entraîner un détournement de la clientèle considérée ».

Une autre solution aurait sans doute été rendue si les sociétés en cause n’avaient pas été concurrentes et n'exerçaient pas la même activité car, a priori, le «public intéressé» est le public ciblé par un marché spécifique (en l’espèce, il s’agissait de matériel Hifi).

c - Le non-bénéfice du régime de responsabilité limitée des hébergeurs de contenus au profit de la société Google

Google, en tant qu'hébergeur de contenus, a l'habitude de se prévaloir du régime de responsabilité limitée prévue par la Loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 (aussi dénommée la LCEN).

En effet, profitant de ce régime responsabilité allégée, les hébergeurs de contenus peuvent voir leur responsabilité écartée au motif qu'il n'ont pas à surveiller a priori l'ensemble des activités sur leur service.

Or, en l'espèce, l'application de ce régime aurait sans doute permis à Google d'échapper à une telle condamnation.

En effet, cet arrêt oblige désormais Google à vérifier, au préalable, que toute personne qui utilise un mot-clé sur son service Adwords n'est pas dans une situation de concurrence éventuelle avec une autre entreprise.

Le respect d’une telle obligation à la charge de Google Inc est quasiment intenable en pratique, voir impossible à mettre en place.

En l'absence de précision sur ce point dans l'arrêt de la Cour d'appel de Paris précité, il convient de ne pas aller plus loin dans l'interprétation de cette absence remarquée du régime de responsabilité limitée applicable aux hébergeurs.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01

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