TÉLÉTRAVAIL ET ORDONNANCE MACRON

Publié le 12/09/2018 Vu 3 777 fois 0
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Selon une enquête publiée par l’IFOP en Janvier 2018, un quart des salariés ont aujourd’hui recours au télétravail en France. Toutefois, seuls 6% des salariés le pratiquent de manière contractuelle.

Selon une enquête publiée par l’IFOP en Janvier 2018, un quart des salariés ont aujourd’hui recours au

TÉLÉTRAVAIL ET ORDONNANCE MACRON

L’ordonnance dite « Macron » en vigueur depuis le 24 septembre 2017 a assoupli le régime juridique du télétravail dans un objectif de développer le recours à ce mode d’organisation du travail. Mais qu’en est-il concrètement ?

DÉFINITION DU TÉLÉTRAVAIL 

Le télétravail est défini par l’article L.1222-9 du Code du Travail. Il désigne :

« toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication »

Depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, cette définition vise le télétravail régulier, mais également le télétravail occasionnel lequel se trouve donc désormais légalement reconnu.

Il en résulte que :

Le télétravail est basé sur le volontariat, il suppose donc l’accord de l’employeur et du salarié


Il peut être mis en place dès l’embauche ou ultérieurement au cours de la relation de travail


Il peut être exercé sous plusieurs formes : à domicile, dans un centre d’affaires etc.

MISE EN PLACE DU TÉLÉTRAVAIL 

Accord collectif ou charte de l’employeur

Le télétravail peut être mis en place par accord collectif ou à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe.

Si l’entreprise ne dispose pas d’un comité social et économique au moment de sa mise en place, il convient de procéder à l’information et à la consultation du comité d’entreprise (ou de la délégation unique du personnel) mais également, d’informer et de consulter le CHSCT au titre des conditions de travail.

L’accord ou la charte doit prévoir les mentions suivantes :

  • Les conditions de passage en télétravail, ce qui implique de définir notamment les cas de recours au télétravail régulier, occasionnel ou en cas de circonstances particulières
  • Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail
  • Les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail
  • Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail
  • La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le télétravailleur
  • Les conditions de passage en télétravail en cas d’épisode de pollution de l’air ayant conduit le préfet à prendre des mesures pour en limiter l’ampleur et les effets

Les salariés soumis à un forfait jours disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, devraient donc également être soumis à des plages horaires durant lesquelles ils pourront être contactés par leur employeur.

La conclusion d’un contrat ou d’un avenant n’est donc en théorie plus exigée.

Dans la mesure où le télétravail reste basé sur le principe du volontariat, l’employeur doit cependant continuer à se ménager une preuve incontestable de l’accord du salarié.

L’accord collectif ou la charte pourront prévoir d’autres modalités d’acceptation des conditions et mise en œuvre du télétravail.

En d’autres termes, le contrat ou l’avenant au contrat ne constitueront plus les seuls moyens de preuve.

A titre d’exemple, un courrier remis en mains propres contre décharge pourrait formaliser un tel accord.

Toutefois, il n’est pas du tout certain que les spécificités individuelles liées au télétravail puissent être traitées dans leur intégralité de manière collective uniquement.

Enfin, on peut s’interroger sur la nécessité d’élaborer une norme collective puisque, in fine, qu’il soit irrégulier ou occasionnel, depuis le 1er avril 2018 le télétravail peut être mis en place par un simple accord entre le salarié et l’employeur.

En effet, il résulte des textes amendés que le recours à un accord collectif ou à défaut à une charte, n’est plus obligatoire pour le télétravail régulier (loi du 29 mars 2018 réformant l’ordonnance du 27 septembre 2017).

A défaut d’accord collectif ou de charte : l’accord de gré à gré

En l’absence d’accord collectif ou de charte, le salarié et l’employeur peuvent toujours convenir de recourir au télétravail. Dans ce cas, ils formalisent leur accord « par tout moyen ».  

Il en ressort là encore qu’aucun avenant au contrat n’est exigé.

Toutefois, compte tenu de l’imprécision des textes et des enjeux, il est vivement recommandé de formaliser l’accord du salarié et d’encadrer les modalités de mise en œuvre du télétravail.

LE TÉLÉTRAVAIL N’EST PAS UN DROIT ABSOLU DU SALARIÉ

Si le salarié peut demander à bénéficier du télétravail, l’employeur conserve la possibilité de s’opposer à sa demande.

Désormais, lorsque l’employeur refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste qui y est éligible dans les conditions prévues par l’accord ou la charte, il doit motiver sa réponse.

Cela suppose que les conditions et modalités du télétravail aient été préalablement définies dans le cadre d’un dispositif.

En dehors de tout accord ou de charte, et sous réserve de l’interprétation et de l’appréciation des textes par les Juges, l’employeur ne serait donc pas tenu de motiver son refus.

En dépit du silence des textes sur ce point, l’employeur devrait privilégier une réponse écrite des raisons de son refus.

LE TÉLÉTRAVAIL NE PEUT ÊTRE IMPOSÉ AU SALARIÉ SAUF EXCEPTIONS

L’employeur ne peut pas imposer au salarié le télétravail.

Par conséquent, le refus du salarié d’un poste en télétravail n’est pas fautif et ne constitue pas un motif de rupture du contrat de travail.

Une exception au caractère volontaire a toutefois été prévue à l’article L. 1222-11 du Code du travail en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie ou en cas de force majeure.

La mise en œuvre du télétravail peut alors être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.

L’accord du salarié ne semble dans pareille situation pas requis.

LES OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR VIS-A-VIS DU SALARIÉ EN TÉLÉTRAVAIL

Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise.

Comme auparavant, l’employeur est par ailleurs tenu à des obligations particulières à l’égard du salarié en télétravail :

De l’informer de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions

De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature

D’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur ses conditions d’activité et sa charge de travail

Il est à noter que le code du travail ne prévoit plus de règle expresse imposant à l’employeur de prendre en charge des coûts liés au télétravail.

Toutefois, selon le rapport relatif à l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’accord collectif ou la charte, doit préciser les modalités de prise en charge des coûts découlant directement de l’exercice « régulier » du télétravail exercé « à la demande de l’employeur ».

En outre, les employeurs relevant de l’ANI du 19 juillet 2005 sur le télétravail devraient en principe continuer à prendre en compte ses dispositions et notamment celles imposant la fourniture, l’installation et l’entretien des équipements nécessaires au télétravail en cas de télétravail au domicile et une prise en charge de certains coûts.

Cet ANI ne vise cependant que les situations de télétravail « régulier ».

Il reste, que la jurisprudence selon laquelle les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier trouve à s’appliquer.

TÉLÉTRAVAIL ET PRÉSOMPTION D’ACCIDENT DU TRAVAIL

Depuis le 24 septembre 2017, il est expressément prévu que l’accident qui survient sur le lieu et au temps du télétravail est présumé être un accident de travail.

Cette présomption s’applique aussi bien au télétravail régulier qu’occasionnel.

Marie-Laure ARBEZ-NICOLAS

Avocat en Droit social

Barreau de Paris

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