Garantie décennale des constructeurs et responsabilité du vendeur : quoi de neuf ?

Publié le Modifié le 12/10/2013 Vu 19 400 fois 2
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Par décision rendue le 10 octobre 2012, la 3ème Chambre civile Cour de cassation affirme qu’en matière de garantie décennale, et s'agissant de l'isolation phonique d'un immeuble, l'impropriété à la destination ne doit pas s'apprécier au regard des normes minimales, mais au regard de la qualité de construction promise.

Par décision rendue le 10 octobre 2012, la 3ème Chambre civile Cour de cassation affirme qu’en matière de

Garantie décennale des constructeurs et responsabilité du vendeur : quoi de neuf ?

Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui, l'affectent dans l'un de ses éléments constitutifs et le rendent impropre à sa destination (art. 1792, Code civil).

C'est l'ouvrage dans son entier qui doit être rendu impropre à sa destination, et non pas seulement l'élément constitutif ou l'élément d'équipement (Cass. civ. 3, 26-02-2003).

Faisons le point sur la jurisprudence.

I - QUELS SONT LES DÉSORDRES COUVERTS PAR LA GARANTIE DÉCENNALE ?

Citons quelques exemples de désordres pouvant rendre l'ouvrage impropre à sa destination :

  • Le défaut d'isolation phonique rend l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 01-04-1992) ;
  • Le défaut d'étanchéité, provenant de fissures, d'un défaut des peintures extérieures et d'un défaut des toitures des terrasses rend l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 08-04-1987) ;
  • La fissure au sol entraînant une dénivellation du plancher rend l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 1, 09-07-1985) ;
  • Les décollements de dalles thermoplastiques rendent l'ouvrage impropre à sa destination (CE Contentieux) ;
  • Les cloquages et les décollements de sols en résine de balcons constituent une atteinte à la destination, qui peut donc se manifester à l'extérieur (CA Paris, 19e, A, 25-03-2009) ;
  • Le chauffage présentant des risques d'explosion, ne chauffant pas l'immeuble ou créant une nuisance sonore intolérable, rend l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 10-03-1981, Cass. civ. 3, 10-07-1984) ;
  • L'importante condensation sur les murs rend l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 02-11-1982) ;
  • L'exiguïté d'une rampe d'accès aux garages rend l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 09-06-1999) ;
  • L'inondation d'un parking extérieur rendant impossible l'accès aux voitures par les propriétaires a été jugée comme constituant une atteinte à la destination de l'ouvrage (CA Paris, 30-06-2010) ;
  • L'embuage des vitrages dû à un défaut d'isolation rend l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 09-01-1991).
  • L'ouverture défectueuse des baies d'une piscine empêchant une utilisation de plein air rend l'ouvrage impropre à sa destination (CE Contentieux, 03-03-1982).

II - QUELS SONT LES DÉSORDRES QUI NE SONT PAS COUVERTS PAR LA GARANTIE DÉCENNALE ?

Citons quelques décisions dans lesquelles les tribunaux ont écarté l'atteinte à la destination de l'immeuble.

  • l'absence d'étanchéité des joints d'un balcon n'entraînant aucune infiltration (Cass. civ. 3, 12-03-1986) ;
  • l'installation d'une centrale de climatisation défectueuse qui ne peut être qualifiée de gros ouvrage, n'affectant en rien, la solidité de l'édifice (Cass. civ. 3, 12-01-2010).

III - COMMENT LE DÉSORDRE S'APPRÉCIE-T'IL ? 

L'appréciation de l'impropriété de l’ouvrage s’effectue par référence à la destination convenue.

1. Solution qui se dégage de l’arrêt rendu le 10 octobre 2012

La Cour de cassation affirme qu’en matière de garantie décennale, et s'agissant de l'isolation phonique, l'impropriété à destination ne doit pas s'apprécier au regard des normes minimales, mais au regard de la qualité de construction promise » (Cass. civ. 3, 10 octobre 2012).

Quels étaient les faits de cette espèce ?

Pour débouter le maître d'ouvrage vendeur de son appel en garantie des condamnations prononcées au profit des acquéreurs de différents appartements, la cour d'appel avait retenu qu'en livrant un appartement ne répondant pas aux normes de la nouvelle réglementation acoustique alors qu'elle avait fait croire le contraire aux acquéreurs, le vendeur avait manqué à son obligation contractuelle de livrer un immeuble conforme à celui constituant l'objet de la vente.

La Cour d’appel estimait que cette non-conformité contractuelle n'entraînait pas de désordre de nature décennale dans la mesure où les cloisons étaient conformes aux normes en vigueur pour un logement de moindre qualité, le seul problème, qui ne concernait que les rapports entre le vendeur et l'acquéreur, concernant la qualité de l'isolation phonique, qui était moyenne ou de qualité inférieure, sans que l'appartement soit inhabitable, alors qu'elle aurait dû être de grande qualité.

La décision de la Cour d’Appel est censurée pour les motifs suivants :

« En appréciant l'impropriété à destination par rapport aux cloisons conformes aux normes en vigueur pour un logement de moindre qualité, tout en relevant que le vendeur s'était engagé à vendre un appartement présenté comme devant être d'exception et alors que le contrat de maîtrise d'œuvre stipulait que le maître d'œuvre devait fournir au maître d'ouvrage la notice descriptive sommaire, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil ».

2. Autres solutions jurisprudentielles

En dépit de son intégration au gros œuvre, l'installation de climatisation n'a été prévue qu'en option, de sorte que la panne de l'installation n'a entraîné qu'un inconfort n'impliquant pas une impropriété à destination (Cass. civ. 3, 10-05-2007).

L'immeuble est rendu impropre à sa destination par le non-fonctionnement du chauffage solaire dès lors que les objectifs d'économies d'énergie promis aux utilisateurs ne sont pas atteints.

Mais, en sens inverse, le défaut de performance d'une installation de géothermie ne l'empêchant pas de fonctionner, ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 12-05-2004).

La cause de l'impropriété peut être également juridique, notamment en cas de non-respect des règles d'urbanisme (Cass. civ. 3, 28-02-2006).

La dangerosité de l'ouvrage rend l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 23-05-2007).

Les boursouflures et le décollement de la presque totalité des revêtements de façade, qui ont une fonction d'étanchéité, rendent, en créant un danger permanent pour les résidents, l'ouvrage impropre à sa destination normale dans son entier (Cass. civ. 3, 12-01-2005).

L'absence de dispositif de protection contre les chutes de glace provenant de la toiture, ayant mortellement blessé une personne, fonde l'action en garantie décennale (Cass. civ. 3, 10-04-1996).

La largeur insuffisante du passage piéton le long de la porte basculante du garage, et le défaut de report d'alarme de la porte basculante vers la loge du gardien, qui s'avèrent dangereux pour les utilisateurs, rendent l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 03-03-2010).

La responsabilité d'un constructeur est engagée, pour avoir érigé un immeuble sans tenir compte des contraintes techniques inhérentes au site, créant un risque d'éboulement mettant en péril la sécurité des occupants (Cass. civ. 3, 12-09-2012).

Il ressort de ces décisions que le risque, même non réalisé, constitue en lui-même une impropriété à la destination.

Les dommages causés aux tiers peuvent relever de la garantie décennale lorsqu'ils compromettent l'utilisation normale de l'ouvrage.

C’est ainsi que les nuisances olfactives et auditives causées aux voisins, nécessitant des travaux de reprise de l'ouvrage, sont de nature décennale dès lors que le dommage trouve son origine dans des défauts de conception et d'exécution des travaux (CE 2/7 SSR., 09-05-2012, Cass. civ. 3, 31-03-2005).

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Claudia CANINI

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1 Publié par prieroux
24/10/2012 14:15

outre la garantie décennale il est bon de rappeler l'importance de la non conformité qui sera de plus en plus évoqué dans l'isolation phonique et surtout thermique (cas du respect de normes RT 2005, 2012 etc) dont la réalité peu être contrôlée par thermographie après coup

2 Publié par Visiteur
10/07/2015 17:12

Bonjour Maître,
votre article se réfère à une jurisprudence du 28-02-2006 qui concerne une cause d'impropriété en cas de non respect des règles urbanisme. Cependant après recherche de cette jurisprudence très intéressante dans legifrance, aucune JP de ce type à cette date n'apparait. N'y aurait il pas une erreur de date ?

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