DONNER EN SE RESERVANT L'USUFRUIT: POURQUOI ?

Publié le 03/02/2016 Vu 5 228 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

L'usufruit, en tant que droit démembré du droit de propriété peut être cédé ou donné. Pourquoi donner avec réserve d'usufruit?

L'usufruit, en tant que droit démembré du droit de propriété peut être cédé ou donné. Pourquoi donner

DONNER EN SE RESERVANT L'USUFRUIT: POURQUOI ?

L’article 544  du code civil dispose:

La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Ce droit comporte 3 prérogatives :

- L’usage, le droit d’utiliser la chose, ou usus

- Le droit de bénéficier des revenus de la chose, d’en percevoir les fruits ou fructus,

- Le droit de la céder, de la donner, de l’hypothéquer ou abusus

Il peut être démembré c'est-à-dire divisé en

-  nu-propriété ( droit de disposer de la chose) et

- usufruit ( droit de jouir d'un bien dont un autre a la propriété, à charge d'en assurer sa conservation.)

Concrètement, cela signifie qu’une personne  pourra habiter le bien, mais aussi pourra en percevoir les fruits, revenus, intérêts.

Le démembrement de ce droit peut être cédé ou donné.

C’est ainsi que souvent un donateur donnera son bien avec une  réserve d’usufruit.

I- Pourquoi donner avec réserve d’usufruit ?

A) Petit rappel : la donation avec réserve d'usufruit, ne doit pas se confondre avec la donation d'usufruit.

La donation avec réserve d'usufruit,  fait don de la nu-propriété au donataire, et opère un transfert de propriété  laissant au donateur la possibilité de conserver l'usufruit  ( usage et jouissance du bien)

La donation d'usufruit. porte une donation de l'usufruit faite au donataire, le donateur conservant la nu propriété.

Elle permet au donateur de se libérer de la gestion sur le bien en permettant à un tiers de l’utiliser ou d’en percevoir les loyers. le donateur, qui est aussi nu-propriétaire gardera le contrôle de son bien;lequel ne pourra être aliéné par le donataire.

B) Un avantage pour le donateur

1°- porté dans un acte notarié

Lorsque la donation même démembrée porte sur un bien immobilier, elle doit être authentique .

Le  notaire la publiera au bureau des hypothèques, déduction des frais de notaire viennent diminuer le capital transmis.

Cette donation entraînera un transfert définitif de propriété au bénéfice du donataire.

Une clause insérée dans l'acte permettra au donateur de conserver la  jouissance du bien donné durant toute sa vie.

2°- … qui lui permet tout en  se dépouillant de son vivant  de:

--organiser sa succession de son vivant

--utiliser le bien et percevoir les fruits ( ex loyers)

Ainsi, elle permet de transmettre un bien tout en gardant l'usage et les intérêts de  ce bien jusqu'au décès.

Une personne pourra continuer à habiter son domicile  après l'avoir donnée ou mettre celle-ci en location pour percevoir un loyer.

--réduire les droits de mutation qui seront alors calculés sur la part de la nue-propriété, à savoir sur une assiette taxable  réduite.

° une valeur de nue-propriété, fixée forfaitairement à une fraction de la valeur de la propriété du bien en fonction de l'âge de l'usufruitier.

En effet, plus l’usufruitier est âgé et moins l’usufruit aura de valeur économique.

Jusqu'à 20 ans ; l’usufruit vaudra 90 % de la valeur de la pleine propriété
De 21 à 30 ans 80 %
De 31 à 40 ans 70 %
De 41 à 50 ans 60 %
De 51 à 60 ans 50 %
De 61 à 70 ans 40 %
De 71 à 80 ans 30 %
De 81 à 90 ans 20 %
A partir de 91 ans 10 %

° en cas d'usufruit temporaire

L’usufruit peut être limité à une durée de quelques années .

Cependant  en cas de décès de l’’usufruitier avant l’arrivée du terme, cet usufruit s’éteindra, ce qui fait que le nu-propriétaire deviendra alors  le propriétaire du bien ( usus, fructus, abusus réuni)

On ne tient pas compte de l'âge de l'usufruitier.

Ce dernier  est estimé à 23 % de la valeur de la pleine propriété pour chaque période de dix ans et sans fraction , laquelle ne peut être supérieure à celle qu'aurait l'usufruit viager. (cf 60% de l’usufruit viager)

A noter que p une personne morale ou une entreprise privée la durée de l’usufruit ne peut dépasser 30 ans.

Exemple pour une donation en usufruit  faite à son enfant sur 10 ans d’une valeur fiscale de 100.000  euros, la valeur de l’usufruit sera de 100.000 x 23% = 23.000 euros.  ( Pas de droits de donation à payer du fait de l’abattement )

II- Sort de la valeur de la donation  avec réserve d'usufruit  à rapporter au  décès du donateur :

Au décès du donateur, (usufruitier)  l’usufruit s’éteint si bien que  le donataire sera  investi de la pleine propriété de l’immeuble si  l'usufruit est viager.

S’il est temporaire : il prendra alors fin à un terme convenu.

A) Il conviendra de savoir si la donation a été faite en avancement sur part successorale  ou non.

En effet au décès du donateur, l’avance sera rapportée lors du partage   successoral.

Il faut rappeler que toutes les donations sont réputées être faites en avancement de part successorale, sauf disposition contraire mentionnée dans l’acte de donation.

1°- en cas de  donation faite hors part

Celle-ci sera un moyen d'avantager un héritier par rapport à un autre, si bien que la  donation s'ajoutera à la part de l’héritier sans pouvoir excéder  le montant de la quotité disponible.

Cette  donation ne sera pas rapportable à  la succession, mais pourra être réduite si elle est excessive.

Ainsi, en tant que donation destinée à avantager le donataire, elle  sera dispensée de  rapport lors de l’ouverture de la succession.

En revanche, elle ne devra pas porter atteinte à la réserve des éventuels autres héritiers.

La quotité disponible correspond à:

1/2 des biens du donateur en présence d’un seul enfant,

1/3 en présence de deux enfants

1/4 quart en présence de trois enfants et plus.

En l’absence d’enfants et en présence d’un conjoint survivant, elle est de 3/4 des biens figurant à l’inventaire patrimonial global du foyer fiscal. La situation du conjoint survivant présente un caractère spécifique.

2°- donation en avancement de part successorale

Sa valeur est rapportable fictivement à la succession. Il s’agira de voir si la réserve a été atteinte.

Elle a donc pour but de faire à un héritier une avance sur sa part d’héritage sans pour cela porter atteinte à l’égalité entre tous les héritiers.

B) La valeur à prendre en compte lors du partage successoral : 1ère Civ, 28 septembre 2011, pourvoi N° 10-203.54

1°- La valeur de la pleine propriété sera prise en compte

En principe la valeur que devrait rapporter à la succession le donataire,bénéficiaire du démembrement devrait être celle  de la nue-propriété, portant sur le don obtenu.

Cependant 1ère Civ,28 septembre 2011,pourvoi N° 10-203.54 en a jugé autrement.

Lors du partage successoral, la valeur à prendre en compte pour une donation en nue-propriété, avec réserve d'usufruit au profit du donateur, est celle de la pleine propriété du bien objet de ladite donation.

En l’espèce, un donateur était décédé en laissant pour lui succéder deux enfants, un fils et une fille ayant pris soin de doner la nu propriété de sa maison avec réserve d'usufruit à son fils.

L'évaluation de l'usufruit du père avait été portée à 3/10èmes de la valeur du bien en  propriété.

C'est dans ce contexte que la fille a assigné son frère en liquidation successorale.

Pour la cour d'Appel de Douai, par arrêt du 29 mars 2010, le fils doit  rapporter à la succession la valeur de la nue-propriété de l’immeuble reçue de son père au jour de l’acte notarié.

Cassation car dans le "cas de donation en nue-propriété avec réserve d’usufruit au profit du donateur, la valeur à prendre en compte est celle de la pleine propriété du bien ".

2°- ... pour le rapport du bien à l’époque du partage et d’après l'état  du bien à l’époque de la donation

Rappel des textes en matière.

article 843, alinéa 1er, du code civil

« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

article 860 du Code civil

« Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation »

article 922  du code civil

La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur.

Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation. S'il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession, d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation.

On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer.

Demeurant à votre disposition.

Maître HADDAD Sabine

Vous avez une question ?
Blog de Maître HADDAD Sabine

Sabine HADDAD

209 € TTC

2651 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

A propos de l'auteur
Blog de Maître HADDAD Sabine

AVOCATE - ENSEIGNANTE

PLUS DE 3.000 PUBLICATIONS ET ARTICLES JURIDIQUES- VU SUR FRANCE2, M6, BFM TV, LE FIGARO , L'EXPRESS etc...

Je traite personnellement toutes vos questions.

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

209 € Ttc

Rép : 24h max.

2651 évaluations positives

Note : (5/5)
Informations

 

L’Avocate vous fait Juge” Copyright Sabine HADDAD Première Edition : décembre 2013 ISBN: 978-1-291-48466-3 -330 pages

book_blue2.gif?20131216165508

Rechercher
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles