FEMME ENCEINTE : OU LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL AVORTEE

Publié le Modifié le 27/01/2013 Vu 6 245 fois 3
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L'employeur qui licencie une femme enceinte prend de gros risques de sanctions. Quelles sont les conséquences liées au licenciement d'une femme enceinte ? Le risque d'un licenciement avorté n'est pas loin dans ce cas, la sanction aussi...

L'employeur qui licencie une femme enceinte prend de gros risques de sanctions. Quelles sont les conséquence

FEMME ENCEINTE : OU LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL AVORTEE

Dans un précédent article, j'ai envisagé les textes protecteurs prenant en compte la vulnérabilité de l'état de grossesse, insérés dans le code pénal et le code du travail http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/rompre-contrat-travail-femme-enceinte-1630.htm

Le défenseur des droits doit surveller les discriminations liées au contrat de  travail d'une femme enceinte.

Dans cet article, je me pencherai sur les conséquences de son licenciement et analyserai la jurisprudence.


I-  Le principe: Pas de licenciement

A) Impossibilité de licencier pendant la période de suspension liée à la grossesse et 4 semaines après la reprise effective.

Arrêt Nadine PAQUAY, CJCE, 11 octobre 2007, C-460/06

Concrètement, (même en cas de faute grave ou d'impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat de travail exposé au B)  aucun licenciement ne peut avoir lieu ou être notifié pendant le congé de maternité, Si ce n’est à l’envisager antérieurement au congé  de maternité ou postérieurement, au terme du préavis, mais jamais pendant.

Une notification du licenciement au cours du congé de maternité donnera lieu, même en cas de motif économiques  à l'attribution de dommages et intérêts, en plus de l'indemnité de licenciement.

La salariée pourrait alors se pourvoir devant le conseil de prud'hommes, afin de demander soit sa réintégration, dans son poste ou un poste équivalent, soit des dommages et intérêts, en sus de ses indemnités de licenciement…

Si  la réintégration de la salariée est ordonnée sur sa demande, l’employeur ne peut s’y opposer.

Soc 30 avril 1983, pourvoi n°00-44.811

«  Attendu, cependant, que lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent ; qu’il en résulte qu’en cas de licenciement d’une salariée en état de grossesse, nul en application de l’article L. 122-25-2 du Code du travail, sa réintégration doit être ordonnée si elle le demande. »

B) Annulation de plein droit de tout licenciement notifié sur cette période avec réintégration possible

Article L1225-5 CT "Le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte.

Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l'état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement »

Par deux arrêts : Soc 7 avril 2004, Arrêt n°02-40-333 et Soc 6 juin 2004, Arrêt n°02-42-315

La chambre sociale de la cour de cassation a précisé que ce délai est exprimé en jours, le jour de la notification ne comptant pas et que le certificat de grossesse ne suspend pas le licenciement mais l'annule de plein droit.

Cela signifie concrètement qu’en cas de refus de réintégration, l’employeur devra verser le montant des rémunérations dues à la salariée jusqu’à la fin de son congé maternité, auquel s’ajoutent les indemnités légales :   préavis, licenciement, congés payés, nonobstant  des dommages-intérêts.

Ainsi, la protection va très loin, puisqu’il résulte de l'article L 1225-5 du code du travail, que lorsqu'une salariée notifie à l'employeur qu'elle est en état de grossesse, son licenciement doit être annulé et que lorsque l'employeur, à la suite de la notification, ne revient que tardivement sur sa décision de licencier, la salariée n'est pas tenue d'accepter la réintégration proposée.

C’est ce qui a été jugé par Soc  9 juillet 2008, pourvoi n°  07-41927 .

II- Les exceptions : la faute grave, ou  l’impossibilité de maintenir le contrat pour motif étranger à la grossesse arguées en dehors de la période protection.

Selon l'article L 12225-2 du code du travail : un employeur ne peut résilier le contrat d'une femme enceinte (état de grossesse médicalement constaté) que s'il justifie d'une faute grave de la salariée enceinte, non liée à l'état de grossesse, ou s'il lui est impossible de maintenir le contrat, pour une raison étrangère à la grossesse, l'accouchement ou l'adoption.

Or même dans ces situations, le licenciement ne pourra  prendre effet ou être signifié pendant le congé de maternité.

A) La faute grave

l'article L. 1232-6 du code du travail, rappelle que l'employeur doit énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement

Cette faute devra être établie par l’employeur par tous moyens.

Elle résidera par exemple dans un comportement violent ou injurieux, des voies de fait contre le supérieur hiérarchique ; des absences injustifiées, une insuffisance professionnelle grave, des malversations seraient tant de motifs susceptibles d’être argués etc…

Soc 18 avril 2008, pourvoi n° 06-46.119

a considéré sans cause réelle et sérieuse, le licenciement pour faute grave d’une, une caissière enceinte à qui il était reproché d'avoir quitté son poste à deux reprises: la première fois pour passer une visite médicale de reprise en laissant sa caisse en grand désordre, la seconde fois sans avoir arrêté sa caisse et justifié son solde. Pour la cour, ces absences reprochées à la salariée ne caractérisaient pas un manquement sans lien avec sa grossesse et rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Rappelons que pendant toute la durée de la grossesse, l’article L 1225-16 du code du travail fait bénéficier la salariée d'une autorisation d'absence pour se rendre aux examens médicaux obligatoires… dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse et des suites de l'accouchement. Ces absences n'entraînent aucune diminution de la rémunération et sont assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par la salariée au titre de son ancienneté dans l'entreprise.


L’état de grossesse pourra être plaidé comme constituant une circonstance atténuante dans la gravité de la faute, sans pour autant interdire le licenciement de la salariée.

B)   l'impossibilité de maintenir le contrat de travail

L'employeur devra justifier des difficultés effectives de son entreprise ou la nécessaire réorganisation, telle une  suppression d'emploi liée à une réorganisation de service nécessitée par la situation financière de l'entreprise ;  des réalités économiques qui y sont liées…

Soc 17 janvier 2006, arrêt n°04-41-413

« le motif économique ne constitue pas en soit une impossibilité de maintenir le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse ».

Le reclassement est un préalable nécessaire à tout licenciement économique.
 

Mais rappelons le, même dans ces cas, le licenciement ne peut être notifié pendant la période de suspension de contrat de travail consécutif au congé maternité.


Soc 19 mars 2008 ,n° de pourvoi: 07-40599

après avoir relevé que le licenciement avait été notifié pendant le congé de maternité de la salariée et alors que, d'une part, la résiliation du contrat de travail par l'employeur, même s'il justifie de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, à l'accouchement ou à l'adoption, de maintenir ledit contrat, ne peut prendre effet ou être signifiée pendant la période de suspension du contrat de travail résultant du congé de maternité et que, d'autre part, la salariée victime d'un licenciement nul avait droit au paiement d'une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

A noter qu’une femme en état de grossesse apparente peut démissionner de l’entreprise sans avoir à respecter un quelconque délai de préavis.

le licenciement  d'une femme intervenu peu à peu sa grossesse pourrait aussi être jugé  discriminatoire Soc 6 janvier 2010. n° de pourvoi : 08-44117. Cela sera une question de fait à examinier par les juges du fond.

Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm

Sabine HADDAD

Avocat au barreau de Paris

 

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1 Publié par Visiteur
27/01/2013 02:28

Je suis navré une seconde question concernant votre article cette fois. Si il est évident que le licenciement pour motif non personnelle est interdit pendant la période de protection qu'en est il de la convocation à un entretien préalable ? En effet l'employeur qui envisage un licenciement éco doit effectuer la convocation avant de tenter un reclassement.
Dans le cas où on ne peut démarrer la procédure du fait e la protection cela reporte d'autant la mise en place de la dite procédure.
Merci

2 Publié par Me Haddad Sabine
27/01/2013 15:28

A Arg...

Cet article a été republié après 2 ans.
Effectivement la HALDE disparaît au profit du défenseur des droits.

Bien à vous et merci de votre remarque judicieuse.

Maître HADDAD Sabine

3 Publié par Visiteur
27/03/2018 11:42

Bonjour,
Quelles indemnités peut on demande pour discrimination de femme enceinte quand le dossier est dans les clou dû défenseurs des droitsquàd il s’agit d’une collectivité? Et les dommages et intérêts ? (Séjour à l’hôpital accouchement prématuré ?

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