Conseil de prud'hommes et renvoi en départage : un deni de justice ?

Publié le Modifié le 21/01/2015 Vu 27 790 fois 13
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En 2011, plus de soixante salariés, éprouvés par la lenteur de la justice prud’homale, ont saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris d’une action en responsabilité à l’encontre de l’Etat en raison du délai déraisonnable constaté entre la saisine du conseil de prud'hommes et la notification du jugement de première instance.

En 2011, plus de soixante salariés, éprouvés par la lenteur de la justice prud’homale, ont saisi le Trib

Conseil de prud'hommes  et renvoi en départage : un deni de justice ?

En 2011, plus de soixante salariés, éprouvés par la lenteur de la justice prud’homale,  ont saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris d’une action en responsabilité à l’encontre de l’Etat en raison du délai déraisonnable constaté entre la saisine du conseil de prud'hommes et la notification du jugement de première instance.

De très nombreux jugements condamnant l’Etat pour déni de justice ont été rendus le 18 janvier 2012 dans le cadre de cette action collective initiée par des avocats du Syndicat des Avocats de France.  

Le Tribunal  a jugé qu'il " relève du devoir de l’État de mettre à la disposition des juridictions les moyens nécessaires à assurer le service de la justice dans des délais raisonnables et ce délai résulte manifestement du manque de moyens alloués à la juridiction prud’homale. Le déni de justice invoqué par le demandeur est caractérisé.(...)"

le Tribunal a considéré que le déni de justice était caractérisé tant il apparaissait que l’Etat avait manqué à « son devoir de protection juridique de l’individu et notamment du justiciable en droit de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable » conformément à l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CESDH).

Ainsi, chacun des seize salariés s’est vu octroyer entre 1 500 € et 8 500 €, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral causé par l’ « attente » et l’ « incertitude » du résultat de la procédure en justice qu’ils avaient engagée. Jugements du TGI de PARIS du 18 janvier 2012, n°11/02506 et autres

Disposition légale : un mois pour rejuger l'affaire devant le juge départiteur.

Il convient de rappeler que premier alinéa de l'article R. 1454-29 du Code du travail précise que : « en cas de partage des voix, l'affaire est renvoyée à une audience ultérieure du bureau de conciliation ou du bureau de jugement. Cette audience, présidée par le juge départiteur, est tenue dans le mois du renvoi ».

Toutefois, ce délai imparti par le législateur n'est pas prescrit à peine de nullité (Cass. soc., 6 oct. 1977, no 76-40.783), ce qui, dans les faits, conduit le conseil de prud'hommes à tenir l'audience selon ses propres possibilités et celles du juge d'instance. En pratique, il n'est pas rare que l'audience de départage en bureau de jugement soit fixée sous un délai de plusieurs mois.

Ainsi sur Bordeaux, ce délai de renvoi en départage devant un magistrat professionnel peut durer jusqu'à 18 mois compte tenu de l'importance des dossiers renvoyés en départage et le manque de magistrats mobilisables  .

 Le Non-respect par les juridictions du délai de renvoi  de un mois en pratique.

L'écart entre le délai d'un mois, fixé par le premier alinéa de l'article R. 1454-29 du Code du travail, et les très nombreux mois observés dans la réalité, constitue aux yeux des juridictions civiles un déni de justice au sens de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire.

Ainsi, dans un jugement de première instance, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a octroyé au salarié demandeur 5 000 € de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral (TGI Bordeaux, 1re ch. civ., 12 déc. 2006, no 3168/2006).

En  l'espèce, le délai de renvoi était plus que déraisonnable puisque  le conseil de prud'hommes de bordeaux  avait été saisi le 14 octobre 2002, la conciliation était intervenue le 22 novembre 2002, le bureau du jugement s'était tenu le 30 septembre 2003.

Or,le 17 novembre 2003, le conseil se déclarait en partage de voix et l'audience de départage n'était fixée au 28 mars 2006, soit 28 mois plus tard, un cas extreme cependant.

 À l'appui de sa décision, le TGI de Bordeaux a constaté que l'attitude du salarié ne pouvait être mise en cause et qu'il ne disposait d'aucun moyen procédural pour accélérer la procédure.

Le délai qui lui était imposé constituait bien un déni de justice au sens de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire.

Le non-respect du délai de renvoi en audience de départage n'est pas prescrit à peine de nullité, mais la violation de la règle peut faire l'objet d'un recours en dommages et intérêts devant le tribunal de grande instance.

Les décisions s'appuient, pour condamner l'État, sur le droit pour toute personne à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable.( artticle 6.1 de la CEDH)

Pour une autre affaire dans laquelle la Cour d'appel d'Amiens a condamné l'État à verser 8 000 € de dommages et intérêts à un salarié, (voir CA Amiens, 7 déc. 2004, RPDS 2006, p. 369)

LES MESURES EVOQUEES  POUR RÉDUIRE LES DÉLAIS DE PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL DE PRUD'HOMMES

Pour répondre à l’urgence de la situation des conseils de prud’hommes et améliorer les délais de procédure, devenus intenables, le rapport de M. Lacabarats, président de chambre à la Cour de cassation préconise l’adoption de « mesures provisoires ».

• Le renforcement de l’efficacité de la phase de conciliation

La phase de conciliation pourrait être menée par « des conseillers spécialement formés. Les parties ou leurs représentants doivent y assister et y communiquer leurs pièces sous peine que la procédure soit immédiatement transmise au bureau de jugement qui peut statuer sur les seuls éléments présentés lors de cette tentative de conciliation».

 La question de la suppression de la conciliation s’est posée, compte tenu de son faible taux, aujourd’hui inférieur à 7 %.

Elle constitue pourtant la première mission du juge prud’homal. Pour qu’elle soit pleinement efficace, les rôles d’audience doivent être désencombrés.

Or, aucune précision n’est par ailleurs apportée quant au rôle du juge en matière d’instruction et de mise en état des dossiers. Les sanctions qui pourraient être prononcées à l’encontre des parties non diligentes ne sont par ailleurs pas évoquées.

  • L’amélioration du suivi de la procédure

Le rapport propose egalement de renforcer le suivi de la procédure en cas d’échec de la tentative de conciliation, et hors cas de défaillance d’une partie à cette occasion. Un « calendrier de procédure » pourrait être élaboré par le greffier.

Le greffier serait donc compétent pour « vérifier l’échange des pièces et des écritures, [fixer] les délais pour qu’il y soit procédé et fixer la date de l’audience de jugement Aucune pièce ni aucune écriture ne pourraient être communiquées passé un délai d’un mois précédant la date de l’audience de jugement. ».

 Enfin, lors de l’audience du bureau de conciliation ou du bureau de jugement, le conseiller qui préside l’audience aurait voix prépondérante pour statuer sur le suivi de la procédure (audition des parties, renvoi ou radiation).

Maître JALAIN, avocat en Droit du Travail

Barreau de Bordeaux

Plus d'inforations sur www.avocat-jalain.fr

Jugements consultables sur le site du SAF ;

cf.http://www.lesaf.org/blog-document-du-saf.html   

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1 Publié par miyako
20/01/2015 19:16

Bonsoir Maître,
Je suis moi même un ancien conseiller prud'homal et j'ai toujours veiller particulièrement à l'observation du délai de communication des pièce par les deux parties ,du délai de délibéré ,du délais de rédaction des jugements ,sur la motivation précise des renvois,sur la non présence physique des parties (surtout en conciliation).Dès le BC,je demandais souvent une mise en état du dossier pour le BJ et surtout la nomination de conseillers rapporteurs lors de dossiers complexes.Certaines mesures pouvant être prises dès le BC sans passer par la case référés.C'était difficile de faire comprendre à mes collègues conseillers qu'une bonne administration de la justice passait par des règles simples de respect des plaideurs et l'acceptation pleine et entière de la fonction pour laquelle nous avions été élus(salariés et employeurs).Le départage ,j'y était opposé ,sauf pour des questions d'interprétation d'un texte .Jamais je n'ai considéré le BC comme une simple chambre d'enregistrement du bureaux de jugement .En BJ ,je posais des questions aux parties ,certains conseillers restaient muets comme des carpes .En délibéré j'allais toujours à l'essentiel .Malheureusement dans certains conseils comme ceux de l'IDF certains conseillers patrons comme salariés se comportaient en mandat exclusif confondants syndicalisme militants et impartialité des magistrats que nous étions .J'ai toujours été un militant syndical ,j'ai fait aussi de la défense(j'en fait encore de temps en temps) ,mais je n'ai jamais confondu justice et délégué syndical ou membre d'un parti politique .Quand on ait conseiller CPH,il faut laisser au vestiaire ses autres casquettes.j'ai heureusement siégé avec des employeurs qui partageaient également les mêmes valeurs d'une bonne administration de la justice .Malheureusement dans les formation prud'homales organisées par les syndicats ont n'enseigne pas la stricte neutralité et l'impartialité du juge.D'où la nécessaire réforme des conseils de prud'hommes .
Le manque de moyens de notre justice actuelle n'explique pas tous les dysfonctionnements,l'attitude des magistrats et de certains avocats procéduriers restent des points essentiels de la réforme .
Amicalement vôtre
suji KENZO

2 Publié par Visiteur
01/10/2015 10:53

Bonjour

Lors de mon audience aux prud'hommes les présidents on renvoyée mon dossier en départage j ai attendu 20 mois pour avoir une date je ne trouve pas cela normal que dois je faire

Merci

3 Publié par Visiteur
01/10/2015 10:54

Dois je porter plainte contre l état pour délais illégale?

4 Publié par Visiteur
24/02/2016 12:09

Bonjour
Moi aussi j ai été renvoyé devant le juge de départage.
j attend la date de l'audience depuis le 03/04/2015.
j'ai été déclaré en invalidité depuis le 31/12/2015.
reconnue avec 6 maladies professionnelles sur l'employeur visé a ce-jour,j'ai 421 euros brut pour vivre et l employeur ne me verse meme pas le complément par GPS

5 Publié par Visiteur
20/05/2016 09:47

Bonjour Maître,
Saisine du Conseil faite en 09/2013 ; passée la "conciliation" (avril 2014), l'audience de jugement était fixée au 02/04/2015. Pièces envoyées par le demandeur en octobre 2014 ; pièces du défendeur reçues le... 02/04/2015, après l'audience de jugement. Le défendeur, après qu'ait débuté le "débat contradictoire", sollicite un "renvoi" au prétexte qu'il a bien reçu les "pièces" mais pas les "conclusions" du demandeur ! Et le demandeur obtient ce renvoi et l'audience est reportée au 19 mai 2016 ! Ce 19 mai 2016, le défendeur fait savoir que 2 pièces (deux complémentaires... sur plus de 50 !) lui sont parvenues en début mai 2016, accompagnées de 24 feuillets de "notes de plaidoirie" et qu'il demande donc un nouveau renvoi de la cause ! Le demandeur fait savoir que le défendeur dispose de TOUTES les pièces, sauf 2 (reçues en mai 2016 du Conseil départemental...), depuis octobre 2014 et que le "conclusions" ne sont pas de Droit mais seulement d'usage... Le Conseil délibère et se prononce pour une "radiation de l'affaire" au motif de "défaut de diligence" pour les "deux pièces" (reçues et envoyées tardivement)!
Quel recours, à part la ré-introduction de cette affaire ? Y a-t-il, ou pas véritable "déni de justice" ?

6 Publié par Visiteur
26/08/2016 18:58

Bonjour Maître, comme les exemples ci-dessus je me trouve en audience de départage en février 2017 alors que la conciliation a eu lieu en mai 2016, je me pose la question de savoir ce qu'il va se passer à mon égard. Mon avocat était persuadé qu'il n'y aurait aucun souci lors de la conciliation. Je vous remercie pour votre réponse

7 Publié par Visiteur
26/09/2016 04:08

Bonjour
Afin d'apporter ma pierre à "l'édifice" (...) je vous expose ma situation similaire sur Bordeaux: licenciement en 10.2014 sans aucune procédure respectée. L'employeur réfute ma condition de salarié après 5 ans en CDI. Donc C.P.H. en 02.2015. Audience en 04.2016 (...) et renvoi vers le juge de départage. Voici l'extrait du mail envoyé par le gereffe des départages le 25.05.2016 à mon intention:
"Bonjour Monsieur,
Comme je vous l'ai indiqué lors de notre entretien,
j'ai le regret de vous informer qu’en raison d’un nombre important de dossiers à fixer, à ce jour les délais avoisinent les 24 mois. Ce délai est susceptible d’évoluer.
Vous recevrez une convocation dès qu'une date sera disponible.
Salutations
Emmanuelle ANDRE
Greffe des départages"

je me suis donc retrouvé au RSA en 01.2014 et aucune indemnité depuis (...). Ni pole emploi ni la sécu (qui me doivent des indemnités journalières) ne peuvent reconnaître mes droits sans les documents nécessaires à mon licenciement. Je me suis retrouvé en surendettement, en situation d'expulsion de mon logement à l'age de 57 ans. Bravo la justice...

8 Publié par Visiteur
02/01/2017 15:16

La justice, dont les pouvoirs publics sont responsables, par sa lenteur torture littéralement les victimes et parfois les responsables s'en réjouissent et exploitent cette situation.

9 Publié par Visiteur
07/03/2017 20:29

Bonjour,
À bordeaux, je suis également dans ce cas de "déni de justice" la première audience de mon dossier a eu lieu en decembre 2015, résultat le 29 février 2016 : renvoi en départage. Mon avocate me prévient que le délai pour avoir une date est de 9 mois (contrairement au 1 mois annoncé en règle générale). Au final n'ayant toujours pas de nouvelles (aucune lettre reçue contrairement à certains) j'appelle fin 2016 le tribunal. La secrétaire était désolée de m'annoncer que je n'aurai pas de date avant fevrier 2018...
je trouve ça assez grave d'avoir des délais aussi longs et suis prête à me réunir avec d'autres pour envoyer un dossier au TGi de bordeaux pour non respect des délais.

10 Publié par Visiteur
10/04/2017 10:35

Bonjour,
Je suis actuellement en attente d'une audience de départage qui devrais intervenir le 18 avril au conseil des prudhommes après plus de 18 mois d'attente, et également dans l'attente des résultats d'une plainte au parquet de Paris déposé le 15 juin 2015.
Dans le cas du conseil des prudhommes j'ai porté l'affaire en référé le 2 septembre 2014 !
Je suis aujourd’hui toujours sans revenu, et éprouve de sérieuses difficultés financières dû à l'absence de décision dans ses 2 affaires.
D'autre part le TGI n'a toujours pas reçu le retour d'enquête pourtant envoyé par le commissariat le 3 août 2016.
Je me retrouve donc dans l'impossibilité de me défendre en audience de départage de manière satisfaisante.
Qu'elles sont mes alternatives ? Puis-je poursuivre l'état pour ses manquements ?
Comment dois-je procéder ?
Merci d'avance de ce que vous pourriez faire.
Bien à vous.
Mr Bechdolff Franck

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