Loi Carrez : la sanction du mesurage erroné

Publié le Modifié le 23/04/2015 Vu 11 848 fois 0
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Par un arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de cassation admet que le vendeur peut se prévaloir, à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre.

Par un arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de cassation admet que le vendeur peut se prévaloir, à l’encontr

Loi Carrez : la sanction du mesurage erroné

Par un arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de cassation admet que le vendeur peut se prévaloir, à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre.

Dans un précédent article, nous avions étudié les surfaces qui doivent être incluses dans le mesurage dit « Carrez ».

Pour rappel, la loi no 96-1107 du 18 décembre 1996 dite « Carrez » impose, pour la vente d'un bien en copropriété, le mesurage de la superficie privative.

Ainsi, les lots de faibles superficie et les lots accessoires expressément exclu par l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, ne doivent pas être indiqués dans ce mesurage.

Tandis que la loi impose que soit comprise dans la surface des parties privatives les lieux clos et couverts.

L’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que : « La nullité de l'acte peut être invoquée sur le fondement de l'absence de toute mention de la superficie de la partie privative ».

Les alinéas 6 à 8 de cet article prévoient le cas où la superficie « indiquée dans l'acte » est erronée.

Le recours est différent selon que la superficie est supérieure ou inférieure à celle indiquée dans l’acte.

Le premier cas, posant peu de problèmes pratiques, doit être évoqué à titre liminaire.

  • La superficie inférieure à celle indiquée dans l’acte :

Lorsque la superficie réelle est supérieure à celle exprimée dans l'acte, l'excédent de mesure ne donne lieu à aucun supplément de prix.

Ainsi, l'erreur de mesurage commise par le vendeur à son détriment ne lui ouvre aucun recours, la loi ne protégeant que l'acquéreur.

Le vendeur dispose alors des actions de droit commun et en particulier, de l'action en rescision pour lésion des sept douzièmes.

L’hypothèse la plus fréquente est celle où la superficie du lot est inférieure à celle indiquée dans l'acte.

Aux termes de l’article 46 alinéa 7 : « Si la superficie de la partie privative est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure »

L'article 46 ouvre donc à l'acquéreur une action en diminution de prix, dont nous étudierons les conditions (I), ainsi que les effets (II).

I – Les conditions de l’action en diminution du prix

 Le dernier alinéa de l’article 46 dispose que : « L'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance ».

  • L’exercice de l’action :

La Cour de cassation énonce que la connaissance par l'acquéreur avant la vente de la superficie réelle du bien vendu ne le prive pas de son droit à la diminution du prix, qui n'est pas subordonné à la preuve d'un préjudice (Cass. 3e civ., 5 déc. 2007 : JurisData n° 2007-041774).

Si les conditions d'une action en réduction du prix sont réunies, cette action est recevable alors même que l'acquéreur a revendu le bien en réalisant une plus-value, toute référence à un éventuel préjudice étant indifférente à cet égard (CA Versailles, 1er avr. 2005 : RJDA 8-9/2005, n° 958).

L'acquéreur dispose d'un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente pour agir en diminution du prix, et ce à peine de déchéance.

Il a été jugé que l’action exercée devant un juge incompétent interrompt la prescription (Cass. ch. mixte, 24 nov. 2006 : Bull. civ. ch. mixte, n° 11 ; JurisData n° 2006-036120).

  • ­L’importance de l’erreur :

L'erreur de mesurage n'est prise en compte que si la superficie du lot ou de la fraction du lot est « inférieure de plus de 1/20e » à celle exprimée dans l'acte. (la tolérance est donc de 5 m2 pour un lot d'une surface de 100 m2).

Pour condamner le vendeur à payer une somme en déduction du prix stipulé, un tribunal doit obligatoirement caractériser la nature des surfaces déduites, à défaut sa décision viole la loi (Cass. 3e civ., 7 nov. 2001 : JurisData n° 2001-011610).

II – Les conséquences de l’action en diminution du prix

  • La réduction du prix :

L'acquéreur se voit autorisé à réclamer au vendeur une restitution partielle du prix, le montant de la restitution étant « proportionnel à la moindre mesure ».

Cela signifie que la réduction du prix est proportionnelle à l'écart de superficie ; au prix stipulé dans l'acte il faut faire application du pourcentage d'insuffisance de superficie.

Il a récemment été jugé par application littérale de l'article 46 qu'une demande de restitution des frais afférents au surplus indu du prix de vente n'était pas recevable (Cass. 3e civ., 25 sept. 2012, n° 11-21.321).

  • L’octroi de dommages et intérêts :

Certaines décisions admettaient la recevabilité d'une demande de dommages-intérêts fondée sur le droit commun de la responsabilité, l’acquéreur est tenu de démontrer l'existence d'une faute du vendeur en lien direct avec les dommages invoqués (CA Aix-en-Provence, 1re ch. civ. B, 21 oct. 2004 : JurisData n° 2004-256260).

Toutefois, la Cour de Cassation a tranché le débat, en estimant que l'acquéreur n'était pas en droit d'obtenir des dommages et intérêts, la réduction du prix étant la seule sanction prévue par l'article 46 de la loi (Cass. 3e civ., 22 sept. 2010, n° 09-68.469).

III – L’action en responsabilité du vendeur contre le mesureur

La Cour de cassation s’était avec constance opposée à toute action en garantie du vendeur contre le mesureur professionnel en affirmant que « la diminution du prix de vente ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable » (Civ. 3e, 25 oct. 2006, n° 05-17.427).

Selon cette conception objective, la réduction du prix de vente que doit supporter le vendeur n’a pour seul effet que de ramener le prix de vente au juste prix du bien vendu.

Il s'agirait non pas d'un préjudice mais d'un simple rééquilibrage du contrat.

Par un arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de cassation réaffirme ce principe et énonçant que « la diminution du prix résultant d’une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie » (Civ. 3e, 28 janv. 2015, FS-P+B+R+I, n° 13-27.397).

Cependant, la troisième chambre civile, pour la première fois, ouvre une action au profit du cédant et juge que « le vendeur peut se prévaloir à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre ».

La Cour de cassation admet donc que le vendeur pourra se voir indemnisé de la perte d’une chance d’avoir pu vendre son bien au même prix.

Cette solution permet de remettre la négociation du prix de vente au cœur des rapports entre l’acquéreur et le vendeur, qui aurait eu la possibilité de maintenir ledit prix en dépit d’une superficie moindre, à l’égard de cet acquéreur ou d’un autre acheteur potentiel.

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.

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Joan DRAY
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