Déclaration de créance munie d'une sûreté publiée et avertissement hors délai par le mandataire

Publié le Modifié le 12/10/2014 Vu 11 470 fois 0
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Que faire lorsque le mandataire judiciaire envoie trop tôt ou trop tard l'avertissement d'avoir à déclarer la créance munie d'une sûreté publiée ou résultant d'un contrat publié ?

Que faire lorsque le mandataire judiciaire envoie trop tôt ou trop tard l'avertissement d'avoir à déclarer

Déclaration de créance munie d'une sûreté publiée et avertissement hors délai par le mandataire

Depuis la réforme du 10 juin 1994, les créanciers titulaires d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publication ou d'un contrat publié sont avertis personnellement ou à domicile élu qu'ils doivent déclarer leur créance à la procédure collective dirigée à l'encontre de leur débiteur (article L.622-24 alinéa 1er du Code de commerce). 

Cet avertissement doit être fait par le mandataire de justice dans un délai de quinze jour à compter du jugement d'ouverture, par lettre recommandée avec avis de réception (article R.622-21 alinéa 3). 

Il résulte de l'article R.622-24 que tout créancier doit déclarer sa créance dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales). C'est un délai de droit commun. 

Or, pour les créanciers munis de sûretés publiées ou parties à un contrat publié, le point de départ de ce délai est reporté au jour de la notification de l'avertissement fait par le mandataire judiciaire (article L.622-24 alinéa 1er). 

En d'autres termes, les créanciers chirographaires doivent déclarer leur créance dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, alors que les créanciers munis de sûretés publiées ou parties à un contrat publié doivent déclarer leur créance dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'avertissement par le mandataire, lequel doit intervenir dans les 15 jours du jugement d'ouverture. 

Ainsi, il résulte de l'esprit des textes que les créanciers munis de sûretés publiées bénéficient d'un allongement du délai pour déclarer du fait du report dans le temps de ce point de départ du délai. 

Cependant, il existe de nombreuses situations problématiques pour calculer le délai de déclaration des créanciers munis de sûretés publiées. 

I/ Avertissement antérieur à la publication du jugement d'ouverture au BODACC

Le mandataire judiciaire peut avoir averti le créancier muni d'une sûreté publiée avant la publication du jugement d'ouverture au BODACC. Or, l'avertissement fait courir le délai de déclaration. Donc, il résultait de cette situation que le créancier muni d'une sûreté publiée avait moins de temps pour déclarer que le créancier chirographaire (moins de deux mois après publication au BODACC) ! 

La jurisprudence a donc régularisé la situation en jugeant que le point de départ du délai de déclaration, s'il est reporté dans le temps par la loi, ne peut être avancé dans le temps. En effet, par un arrêt du 18 juin 2013, la chambre commerciale affirme que le créancier titulaire d'une sûreté publiée qui a déclaré sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC ne peut encourir de forclusion. Peu importe qu'il ait été averti personnellement avant cette publication par le mandataire judiciaire (Cassation, chambre commerciale, 18 juin 2013, n° 12-20.615).

II/ Avertissement tardif par le mandataire judiciaire 

Que se passe-t-il si le mandataire judiciaire tarde à avertir le créancier bénéficiant d'une sûreté publiée ? Il dispose en principe d'un délai de 15 jours à compter du jugement d'ouverture pour effectuer cet avertissement.

Il a été jugé que lorsque le mandataire avertit tardivement le créancier régulièrement inscrit, le point de départ du délai de déclaration est retardé. En effet, le délai de déclaration de deux mois ne commence à courir qu'à compter de la réception de l'avertissement, et ce quelle que soit la connaissance personnelle de l'ouverture de la procédure par le créancier (Cour de cassation, chambre commerciale, 14 mars 2000, N°97-20.715).


Dans une récente affaire, une situation originale et complexe s'est présentée devant la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence : une banque était titulaire d'une créance en partie chirographaire et en partie garantie par une hypothèque (sûreté réelle publiée). Le mandataire avait émis tardivement l'avertissement à la banque (après le délai habituel de 15 jours). De ce fait, la banque avait déclaré la totalité de sa créance à une date qui était postérieure au délai de deux mois après la publication du jugement d'ouverture, mais antérieure au délai de deux mois après réception de l'avertissement par le mandataire judiciaire. 

Qu'advient-il alors de cette créance ?

Dans un arrêt du 15 novembre 2013, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence fait une application distributive des règles relatives au délai pour déclarer la créance. Elle juge en effet que l'avertissement tardif du créancier muni de sûreté est source de forclusion pour la partie chirographaire de la créance, mais autorise la déclaration de la partie privilégiée.

Rappelons les faits pour bien comprendre le calcul des délais : une banque bénéficiant d'une créance dont le paiement est garanti pour partie par une hypothèque conventionnelle. Elle est informée par le mandataire judiciaire plus de quarante jours après la publication du jugement d'ouverture. Or, les dispositions de l'article L. 622-26 du Code de commerce n'exonèrent pas la banque d'avoir à produire sa créance dans le délai de deux mois à compter de cette publication sous peine de forclusion pour la partie chirographaire. Pour la partie privilégiée, en vertu de la règle énoncée dans l'article L. 622-24 du Code de commerce, le délai commence à courir à partir de la notification de l'avertissement (Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre, section C, 15 novembre 2013, n° 11/18908).

Ainsi, les juges du fond rappellent aux créanciers qu'ils doivent faire preuve de diligence; la banque n'aurait pas dû attendre l'avertissement du mandataire pour déclarer sa créance, en sachant que celle-ci n'était garantie que pour partie. 

La banque peut-elle demander un relevé de forclusion pour la partie chirographaire ? Si l'absence d'avertissement ou l'avertissement tardif permet au créancier forclos de solliciter un relevé de forclusion (dans le délai légal de 6 mois à compter de la publication du jugement d'ouverture), le créancier doit prouver que sa défaillance n'est pas due à son fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste (article L. 622-26 du Code de commerce).

Or, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le défaut d'avertissement par le mandataire d'un créancier ordinaire n'est pas un motif recevable pour obtenir le relevé de forclusion (Chambre commerciale, 14 janvier 2004, N°01-03.384).
De plus, le créancier, étant un établissement bancaire, il est tenu d'une obligation de se tenir informé, et notamment de lire le BODACC. Il semble que le relevé de forclusion pour la partie chirographaire soit difficile à obtenir. 

En revanche, pour la partie garantie par l'hypothèque, la déclaration de créance est recevable car elle est intervenue moins de deux mois après la réception de l'avertissement du mandataire. Ainsi, la situation de la banque, créancière privilégiée, est malgré tout favorable.


En cas d'absence totale d'avertissement du créancier muni de sûreté publiée par le mandataire judiciaire, aucune sanction n'est clairement établie par la loi. Si l'avertissement est l'acte qui commence à faire courir le délai de déclaration, il faut conclure qu'à défaut d'avertissement, le délai n'a pas commencé à courir. Ainsi, il semble que le créancier puisse déclarer sa créance au passif, à n'importe quel moment sans se voir opposer sa forclusion. Il a été jugé qu'à défaut d'avertissement, le créancier qui veut se retourner contre la caution doit néanmoins avoir préalablement déclaré (Cassation, chambre commerciale, 30 janvier 2007, N° 05-13.751).

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.


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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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