Les refus de nouvelles conditions d’opposabilité d’une cession de créance

Publié le 06/02/2016 Vu 6 557 fois 0
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Dans un précédent article, j’évoquais le formalisme lourd de la cession de créance contenu à l’article 1690 du Code civil. Il convient aujourd’hui de revenir sur les différentes décisions refusant de nouvelles conditions d’opposabilité à la cession de créance, se grevant ainsi à la stricte lettre de la loi.

Dans un précédent article, j’évoquais le formalisme lourd de la cession de créance contenu à l’articl

Les refus de nouvelles conditions d’opposabilité d’une cession de créance

Dans un précédent article, j’évoquais le formalisme lourd de la cession de créance contenu à l’article 1690 du Code civil.

Il convient aujourd’hui de revenir sur les différentes décisions refusant de nouvelles conditions d’opposabilité à la cession de créance, se grevant ainsi à la stricte lettre de la loi.

L’article 1690 est pourtant limpide, « le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ».

Ainsi, pour qu’une cession de créance soit opposable aux tiers, et notamment au débiteur, le cédant doit « signifier » la créance cédée au débiteur lui-même par exploit d’huissier, ou par « acceptation » de la cession par acte authentique.

C’est ainsi que la Cour de Cassation vient  de refuser toute autre condition supplémentaire permettant l’opposabilité d’une cession de créance.

Dans une jurisprudence récente (Cass. 1ere civ. 12 novembre 2015, Sté DSO Interactive c/ G), la Cour de Cassation est venue rappeler que le prix de la cession de créance ne constitue pas un élément nécessaire à l'information du débiteur cédé quant au transport de la créance.

Par ailleurs, les conditions d'exercice du droit de retrait sont sans incidence sur l'opposabilité de la cession de créance, subordonnée à la seule signification du transport faite au débiteur.

L’absence du prix de cession de la créance dans la signification : aucune incidence sur l’opposabilité

Dans les faits de l’espèce, le locataire d’un véhicule avait été condamné à verser au loueur les loyers impayés par une ordonnance d’injonction de payer. Le loueur avait cédé sa créance à un tiers qui avait signifié au locataire cette ordonnance ainsi que la cession de portefeuille de créances conclue avec le loueur.

La Cour d’appel de Rennes avait tenté, en vain, de rendre inopposable la cession au motif la signification de l'acte de cession opérée par le tiers était irrégulière, en ce qu'elle ne comportait pas le prix global de la cession.

La Cour de cassation casse en venant promptement rappeler que la mention du prix de la cession n’était pas une condition à l’opposabilité.

Cette décision des juges du Quai de l’Horloge permet de réaffirmer une considération jurisprudentielle ancienne (CA Paris – 14 mars 1984) en maintenant que la signification de la cession de créance est en effet valable dès lors qu’elle contient les éléments nécessaires à une exacte information quant au transfert de la créance (Cass. 1ere civ. - 8 octobre 1980).

Il convient par ailleurs de rappeler qu’il suffit que l’acte contienne les éléments permettant une individualisation de la créance pour que la cession soit opposable (Cass. com. – 4 novembre 2014) et que l’absence même de montant ne saurait justifier une nullité quelconque.

Les conditions d'exercice du droit de retrait : sans incidence sur l’opposabilité

Qu’en est-il lorsqu’un seul prix de cession global a été mentionné pour un ensemble de créances ?

La Cour d’appel avait entendu, là encore en vain, qu'en prévoyant un prix de cession global pour un ensemble de créances et en ne donnant aucun élément permettant d'individualiser et de déterminer le prix de cession de la créance, la société cessionnaire avait privé le débiteur cédé de la possibilité d'exercer son droit de retrait litigieux.

La Cour de cassation retient que les conditions d'exercice du droit de retrait litigieux étaient sans incidence sur l'opposabilité de la cession de créance, subordonnée à la seule signification du transport faite au débiteur.

Les juges viennent encore une fois rappeler une jurisprudence constante, en établissant que la cession en bloc d'un grand nombre de droits et créances ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de retrait litigieux à l'égard d'une créance qui y est incluse dès lors que la détermination de son prix est possible (Cass. 1ere civ. – 4 juin 2007 / Cass. Com. 15 janvier 2013).

Dès lors en pratique, le débiteur cédé devra s’informer lui-même du prix de la cession s’il veut exercer son droit de retrait litigieux.

Pour rappel, une créance est litigieuse au sens de l'article 1700 du Code civil lorsqu'il y a procès et contestation sur le fond du droit, et le droit au retrait ne peut être exercé que si un procès portant sur le bien-fondé de la créance a été engagé avant la cession de celle-ci (Cass. 1ere Civ. – 6 janvier 2010 / Cass. Com. 12 juillet 2011)

La notification : attention à l’incompétence du destinataire

Rappelons que lorsque le titulaire d'un marché règle son fournisseur en lui cédant la créance qu'il détient sur le maître de l'ouvrage, la cession est régie par les articles 1689 et suivants du Code civil (CAA Nancy, 9 janv. 2006, Sté Forbo Sarlino – CAA Lyon, 29 mai 2008, Ville de Lyon).

C’est ainsi que dans une autre affaire récente (CAA Bordeaux, 3 nov. 2015, Sté Négoce Matériaux Constructions), une société chargée de l'exécution d'un marché public de travaux avait cédé à son fournisseur une partie de la créance détenue sur le maître de l'ouvrage.

Le fournisseur, cessionnaire de la créance, avait pris soin de signifier celle-ci au débiteur cédé afin d'en obtenir directement le paiement par le comptable assignataire. Cependant, l'auteur de la signification l'avait adressée au maire de la commune.

Le comptable public, laissé dans l'ignorance de cette signification, avait donc réglé le prix des travaux à la société titulaire du marché.

La cour administrative d’appel a ainsi jugé qu’il ne pèse sur le maire de la commune aucune obligation de transmettre au comptable public l'assignation qui lui aurait été adressée au lieu et place du comptable assignataire, seul compétent pour en connaître.

Ainsi, les paiements effectués au profit de l'entreprise cédante conservent un caractère libératoire et que la responsabilité délictuelle de la collectivité publique ne peut être valablement recherchée pour le préjudice subi par le cessionnaire qui n'aurait finalement pas été réglé.

Bien que rendue dans le cadre d’un marché public, cette solution prend néanmoins tout son sens en ce qu’elle s’appuie sur l’article 1690 du Code civil, lui conférant ainsi un caractère général d’application.

Il faudra dès lors veiller, lorsque vous souhaiterez signifier une cession de créance, à en vérifier le destinataire, au regard notamment à ses compétences. 

Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan DRAY

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