LA REVOCATION DU GERANT ET SON DROIT À INDEMNISATION.

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En principe, la révocation du gérant est libre selon l’article L223-25 du Code de commerce mais celui d'une société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) est contrôlé. Le gérant peut être révoqué à tout moment par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte, conformément à l’article L223-29 du même code.

En principe, la révocation du gérant est libre selon l’article L223-25 du Code de commerce mais celui d'un

LA REVOCATION DU GERANT ET SON DROIT À INDEMNISATION.

LA REVOCATION DU GERANT ET SON DROIT À INDEMNISATION.

En principe, la révocation du gérant est libre selon l’article L223-25 du Code de commerce mais celui d'une société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) est contrôlé.

Le gérant peut être révoqué à tout moment par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte, conformément à l’article L223-29 du même code.

Cependant, la révocation doit être d’une part, basée sur de justes motifs. Aux termes de l’article L223-25, si la révocation n’est pas fondée sur un juste motif alors le gérant est en droit de demander des dommages et intérêts.

D’autre part, elle ne doit pas intervenir brutalement, dans des circonstances injurieuses ou vexatoires ou sans que le dirigeant ait été mis en mesure de faire valoir ses explications, autrement dit la révocation doit être régulière et non abusive.

Ici aussi, si ces conditions ne sont pas respectées, alors le gérant peut se voir octroyer des dommages et intérêts comme l’énonce la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 1er février 1994 (n˚ 92-11.1771).

  1. L’appréciation du juste motif de révocation

Toute révocation du gérant de SARL doit être fondée sur un juste motif.

  • Fautes présentant une certaine gravité par l’intéressé dans l’exercice de ses fonctions.

En pratique, il doit s'agir d'une faute présentant une certaine gravité commise par l'intéressé dans l'exercice de ses fonctions.

Le juste motif traditionnellement retenu est la faute de gestion : irrégularités graves et répétées, actes de concurrence déloyale, violation des statuts, agissements frauduleux, par exemple.

Mais les tribunaux admettent également la révocation pour d’autres motifs.

Ainsi constitue également un juste motif de révocation le refus du gérant de respecter des dispositions légales réglementaires ou statutaires comme par exemple :

— le refus persistant du gérant de convoquer l'assemblée générale annuelle de la société (CA Paris, 28 oct. 1980, JCP G 1981, IV);

— le non-respect par le gérant d'une clause statutaire limitant ses pouvoirs dans le cadre interne (T. com. Toulouse, 13 nov. 1940, JCP 1941, I, no 1591) ;

— le non-respect par le gérant de la procédure des conventions réglementées lors de la conclusion d'un contrat de travail avec la société (CA Poitiers, 2e ch. civ., 29 août 2002, SARL Alpha B c/Craon);

— le fait de ne pas satisfaire aux conditions légales d'exercice de l'activité d'agent immobilier, conditions qu'un gérant de SARL exploitant une agence immobilière doit remplir personnellement (CA Paris, 3e ch. A, 30 oct. 2007, no RG : 06/14260).

En outre, le juste motif ne se définit pas seulement en fonction de l'activité ou du comportement du gérant mais aussi, et surtout, en considération de l'intérêt social. En d'autres termes, les associés peuvent valablement révoquer un gérant qui n'a pas eu vraiment un comportement personnel répréhensible, mais dont la présence ne correspond plus à l'intérêt social (cf. Cass. com., 4 fevr. 2014, no 13-10.778, censurant une cour d'appel pour avoir jugé que la mésintelligence entre les associés ne constituait pas, à elle seule, un juste motif, la société n'ayant pas démontré l'existence d'une faute de gestion).

Il en est ainsi d'une révocation justifiée par l'incapacité physique du gérant à exercer ses fonctions. En ce sens l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 5 mars 2004 (n°RG : 02/10745), considérant que l'intéressé, qui était en arrêt maladie depuis dix-huit mois, n'avait pas justifié à la date de l'assemblée le révoquant son aptitude à reprendre ses fonctions.

L'expression « juste motif » n'implique pas nécessairement une faute de l'intéressé, mais peut aussi correspondre au désir des associés d'améliorer la gestion sociale ou de l'orienter dans un sens déterminé auquel le gérant se révèle opposé (CA Paris, 3 nov. 1995, Potvin c/Petit).

Au titre de cette jurisprudence, on peut citer notamment les cas suivants :

— le désir d'alléger les frais de gestion, en substituant à une pluralité de gérants un gérant unique, et ce d'autant plus que les gérants en place ne s'entendaient pas, constitue une cause légitime de révocation (CA Montpellier, 14 déc. 1949);

— la perte de la confiance des associés, des créanciers et des administrations, et l'incapacité du gérant à conduire le redressement de la société (CA Reims, 10 mars 1975).

— le fait pour un gérant minoritaire d'être en profonde mésintelligence avec les associés majoritaires auxquels l'opposaient de nombreux griefs (CA Paris, 14 oct. 1986) ;

— la politique personnelle du gérant s'opposant aux intérêts des associés, le désaccord constant sur la restructuration de la société, le personnel et sa formation, les méthodes publicitaires à employer (CA Paris, 26 janv. 1987) ;

— le souci de réorganiser la gestion de la société, d'autant plus que s'y ajoutait une perte de confiance des associés envers le gérant, lesquels avaient d'ailleurs répondu à une méfiance initiale du gérant, qui avait cherché en vain à faire nommer en justice un administrateur provisoire (CA Versailles, 12e ch., 11 févr. 1988);

— la perte de confiance entre le gérant d'une filiale et la société mère dont il était également le salarié, ce dernier ayant saisi le conseil des prud'hommes à la suite d'une réorganisation du groupe, pour faire juger qu'une désignation en tant que directeur général délégué dans l'attente d'une réaffectation constituait une modification de son contrat de travail (Cass. com., 12 juin 2007, no 06-13.900).

  • La révocation ne doit pas être abusive.

Par ailleurs, la révocation ne doit pas être abusive, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas intervenir brutalement ou dans des circonstances injurieuses ou vexatoires.

Ce peut être le cas si le gérant est révoqué sans pouvoir faire valoir ses explications ou de façon précipitée. Lorsque la révocation intervient dans ces circonstances, elle reste valable, mais donne droit au profit du gérant à des dommages et intérêts.

Ces indemnités pour révocation abusive peuvent bien entendu être cumulées avec celles allouées lorsque la révocation n'est pas décidée pour un juste motif.

  • Appréciation du juste motif de révocation.

L’existence d’un juste motif de révocation doit être appréciée « à la date à laquelle il a été procédé au vote ».

Ce principe relève d’une jurisprudence constante (voir Cour de cassation, chambre commerciale., 29 sept. 2015, n° 14-11491).

II – Les modalités de l’indemnisation.

Fournir un juste motif n'est pas obligatoire pour procéder à la révocation d'un gérant de SARL. Mais la loi (art. L223-25 du Code de commerce) prévoit que la révocation sans juste motif peut donner lieu au versement de dommages et intérêts en faveur du gérant révoqué. Il est important de se référer aux statuts de la société car ceux-ci peuvent prévoir des règles particulières en la matière.

  • Versement d'indemnités et liberté des statuts

La loi n'interdit pas expressément aux statuts d'exclure l'attribution de dommages-intérêts en cas de révocation sans juste motif. Il est donc possible de prévoir une clause statutaire excluant le versement de dommages-intérêts au gérant que la révocation soit justifiée ou non.

Inversement, il est possible de prévoir dans les statuts le versement d'indemnités de départ dans tous les cas de révocation, que cette dernière soit fondée ou non sur un juste motif. Cependant, le montant des indemnités prévues ne doit pas représenter une charge financière trop importante car elle pourrait alors être de nature à dissuader la société de révoquer tout gérant. Dans ce cas, la clause prévoyant un tel montant serait réputée nulle.

Mais dans le silence des statuts, c'est la loi qui s'applique : le gérant révoqué pourra alors toucher des indemnités si sa révocation est sans juste motif.

  • Calcul des intérêts.

L’article L. 223-25 du Code de commerce prévoit en effet seulement que « si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts ». Une fois l’absence de justes motifs caractérisée, la discussion se déplace logiquement sur la détermination du préjudice réparable.

Les dommages et intérêts sont en principe versés par la société. Cependant, si dans les faits il s'avère que le préjudice subi par le gérant est dû personnellement à un ou plusieurs associés, alors ces derniers sont susceptibles de devoir l'indemniser.

Que la révocation soit abusive ou sans juste motif, les dommages-intérêt à verser au gérant doivent être calculés en fonction du préjudice subi. C'est au juge de fixer le montant des indemnités. La somme ne sera pas nécessairement égale à la rémunération que le gérant aurait dû percevoir entre la date de sa révocation et celle de l'arrivée du terme. En cas de révocation abusive, les indemnités sont déterminées au cas par cas en fonction du préjudice subi et ne peuvent être fixées de manière forfaitaire.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 octobre 2007, concernant le président d'une société par actions simplifiée mais dont la solution est transposable au gérant d'une SARL,  a ainsi annulé un arrêt de cour d'appel ayant prévu un dédommagement par une allocation forfaitaire et totale représentant un an de salaire.

En cas de révocation sans juste motif, il est à noter que les statuts ou une convention conclue entre le gérant et la société peuvent néanmoins fixer au préalable le montant de l'indemnité à verser au gérant.

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Joan DRAY

Avocat à la Cour

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