L’INFORMATION DU PATIENT DES RISQUES ENCOURUS EST INDISPENSABLE

Publié le 29/01/2013 Vu 3 327 fois 0
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Toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci; son consentement doit être recueilli par le praticien, sauf exception liée à l’urgence et à l’impossibilité de recueillir ce consentement.

Toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de pr

L’INFORMATION DU PATIENT DES RISQUES ENCOURUS EST INDISPENSABLE

Un chirurgien pratique sur une de ses patientes l’exérèse de la glande thyroide. Mais il omet de l’informer, avant l’intervention des risques importants de cancer thyroidien que révèlaient les examens pratiqués et l’éventualité d’une thyroidectomie totale avec ses conséquences fonctionnelles.

En outre, il ne lui a indiqué le diagnostic de cancer que 10 jours après l’intervention .

La patiente recherche la responsabilité de son médecin. 

Elle est déboutée en appel, l’expertise concluant au caractère indispensable de l’intervention et à l’absence corrélative de perte de chance de pouvoir choisir entre une technique opératoire et un traitement médicamenteux.

L’arrêt est cassé au visa des articles 1147 du Code Civil et 35 du Code de déontologie médicale, alors applicable.

En effet, toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci; son consentement doit être recueilli par le praticien, sauf exception liée à l’urgence et à l’impossibilité de recueillir ce consentement.

 

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 26 janvier 2012
N° de pourvoi: 10-26705
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Charruault (président), président
Me Le Prado, SCP Ghestin, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur la seconde branche du moyen unique, qui est recevable :

Vu l’article 1147 du code civil, ensemble l’article 35 du code de déontologie médicale alors applicable ;

Attendu qu’après avoir rejeté la demande de Mme X… en annulation du rapport d’expertise et constaté que, selon ce rapport, M. Y…, médecin qui avait pratiqué sur elle, en février 1989, l’exérèse de la glande thyroïde, ne l’avait pas informée, avant l’intervention, des risques importants de cancer thyroïdien que révélaient les examens pratiqués, n’avait pas évoqué l’éventualité d’une thyroïdectomie totale avec ses conséquences, information qu’il aurait dû, avec prudence compte tenu de ses incidences émotionnelles, lui fournir afin qu’elle puisse donner un consentement éclairé, et ne lui avait indiqué le diagnostic de cancer que dix jours après l’intervention, la cour d’appel a estimé que la responsabilité de M. Y… ne pouvait être retenue à ce titre, Mme X…, qui n’avait perdu aucune chance de pouvoir choisir entre une technique opératoire et un traitement médicamenteux puisque l’intervention était médicalement indispensable, ne rapportant pas la preuve d’un préjudice en lien de causalité avec le défaut d’information imputable au médecin ;

Qu’en statuant ainsi, alors que toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir et que le non-respect du devoir d’information qui en découle cause à celui auquel l’information était légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a rejeté la demande en annulation du rapport de M. Z… et la demande de nouvelle expertise de Mme X…, l’arrêt rendu le 23 février 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

Condamne M. Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille douze.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour Mme X….

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Madame X… de sa demande en paiement de dommages et intérêts dirigée contre le Docteur Y… ;

AUX MOTIFS QU’il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien « obligation de donner des soins consciencieux, attentifs et, sous réserve de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; que cette obligation concerne également le diagnostic du médecin, ses investigations ou mesures préalables, le traitement et le suivi du traitement ; que la violation même involontaire de cette obligation engage la responsabilité du médecin sur le fondement de l’article 1147 du code civil et du nouvel article L 1141-1 du code de la santé publique ; qu’il s’agit d’une obligation de moyen dont le non respect ne peut engager la responsabilité du médecin que pour faute prouvée ; qu’en l’espèce il résulte du rapport d’expertise que lorsque mademoiselle X… a consulté le docteur Y… il existait un faisceau d’arguments qui évoquaient très fortement un cancer du lobe gauche de la thyroïde avec métastases ganglionnaires ; que lorsqu’un tel diagnostic est envisagé, la stratégie thérapeutique consiste en une lobo-isthmectomie avec examen anapath extemporané suivie en fonction du résultat anapath d’une thyroïdectomie avec curage ganglionnaire si des adénopathies sont mises en évidence ; que l’expert estime que cette stratégie a été appliquée dans tous ses détails avec une- rigueur parfaite par le docteur Y… pour lequel aucune faute, erreur, négligence ou maladresse ne peut être retenue en pré-per ou post- opératoire et/ou dans la surveillance ; que l’examen anapath extemporané a confirmé l’existence d’un carcinome thyroïdien papillaire avec métastases massives ganglionnaires ; que l’expert explique qu’en théorie le docteur Y… aurait pu remettre l’hémi-thyroïdectomie droite à une date ultérieure, mais que dans la pratique cette fragmentation en deux temps n’est pas faite car elle représente deux interventions chirurgicales successives, donc deux anesthésies, impliquant une reprise chirurgicale dans un tissu post-opératoire récent inflammatoire avec une dissection plus difficile et donc un risque plus important de traumatisme au niveau des récurrents et/ou des parathyroïdes ; que le docteur Z… conclut que cette thyroïdectomie était médicalement parfaitement justifiée, et carcinologiquement indispensable ; que les extraits de littérature médicale produits par madame X… ne viennent pas contredire l’appréciation de l’expert, puisqu’il en ressort une concordance sur la nécessité de pratiquer une thyroïdectomie dans le cas d’un cancer papillaire, tel que celui diagnostiqué chez l’appelante, même s’il existe une discussion sur l’opportunité de retirer le lobe non touché par la tumeur, le professeur A… étant favorable à une exérèsetotale tandis que le professeur B… estime préférable d’éviter de prendre des mesures trop énergiques ; que le rapport du docteur C…, médecin dont les premiers juges ont souligné qu’il n’était pas inscrit sur la liste des experts de la cour, est évoqué par madame X… dans ses écritures mais il n’est pas versé au dossier et ne figure pas sur le bordereau de communication de pièces annexé aux dernières écritures déposées par l’appelante : que ce document ne peut fonder utilement les critiques adressées au rapport d’expertise judiciaire ; que le tribunal a justement considéré que la preuve d’une faute du docteur Y… dans la mise en place des soins apportés à madame X… n’était pas rapportée ; qu’en ce qui concerne l’obligation d’information incombant au praticien, l’expert judiciaire indique qu’il y a eu un malentendu entre la patiente et le chirurgien ; que pour mademoiselle X…, l’élément palpé correspondait à une adénopathie cervicale banal alors que pour le docteur Y… il correspondait au lobe gauche hétérogène de la thyroïde contigu d’adénopathies cervicales ; qu’il ya eu accord sur l’exérèse de l’anomalie palpée en région cervico-susclaviculaire, mais qu’il semble qu’il y ait eu un défaut de compréhension sur les implications secondaires liées à cette chirurgie ; qu’il apparaît certain que le docteur Y… n’a pas informé mademoiselle X… des risques importants de cancer thyroïdien que révélaient les examens pratiqués depuis plusieurs mois, et qu’il n’a pas évoqué l’éventualité d’une thyroïdectomie totale avec ses conséquences ; que l’information sur le diagnostic du cancer a été donnée dix jours après l’intervention ; que s’il ne peut être reproché au chirurgien de ne pas avoir posé avant l’intervention un diagnostic qui ne pouvait être connu qu’après analyse des tissus retirés, il aurait dû, avec prudence compte tenu des incidences émotionnelles d’une telle information, lui exposer l’éventualité d’une exérèse totale de la thyroïde au regard des résultats des analyses effectuées, lui en préciser les conséquences afin qu’elle puisse donner un consentement éclairé que le manquement à l’obligation d’information est établi ; qu’il appartient à madame X… de rapporter la preuve qu’elle a subi un préjudice en relation de causalité avec la faute du médecin ; que l’expert Z… explique que la thyroïdectomie était carcinologiquement indispensable, qu’on ne peut administrer de l’iode radioactive à but thérapeutique si du tissu thyroïdien est laissé en place, et qu’il n’y avait aucune chance pour la patiente de se soustraire à terme à cette chirurgie d’exérèse avec son corollaire d’hormonothérapie substitutive à vie ; qu’il mentionne qu’en avril 1990, madame X… a vu le docteur D… à l’Hôpital Américain de NEUILLY, qui aurait lui aussi préconisé un traitement hormonal substitutif ; qu’elle a débuté à cette période un syndrome dépressif grave, réactionnel selon ses dires à l’opération, dans la mesure où elle n’accepte pas l’idée de ne plus avoir de thyroïde et de devoir prendre un traitement substitutif à vie ; qu’elle a décidé en novembre 1991 d’arrêter de prendre des extraits thyroïdien, ce qui n’a pas fait disparaître son syndrome dépressif mais l’a amenée à un état de récrimination vis à vis de ce qu’elle considère comme une mutilation inacceptable sur son corps ; qu’elle convient cependant de ne ressentir aucun symptôme secondaire à cette opération ; qu’il résulte de ce qui précède que mademoiselle X… n’a perdu aucune chance de pouvoir choisir entre une technique opératoire et un traitement médicamenteux puisque l’intervention était médicalement indispensable, et son refus de suivre le traitement substitutif préconisé ne peut être imputé au médecin ; qu’en l’absence de démonstration d’un préjudice en lien de causalité avec le défaut d’information imputable au docteur Y… la responsabilité de ce dernier ne peut être retenue (arrêt attaqué p. 5, 6, 7).

1°) ALORS QUE Mademoiselle X… avait soutenu dans ses conclusions d’appel avoir subi une grave dépression réactionnelle suite à l’information qui lui a été donnée, après l’opération chirurgicale, de l’exérèse de la thyroïde et de l’obligation consécutive d’un traitement substitutif à vie d’extraits thyroïdien, ce qui a été d’ailleurs rappelé par le Docteur Z… dans son rapport d’expertise ; que l’arrêt attaqué fait état des incidences émotionnelles de l’information tardivement donnée par le docteur Y… et relève que « le manquement à l’obligation d’information est établi », ce qui établissait que le fait pour Mademoiselle X… d’avoir été placée devant le fait accompli, de n’avoir pas pu donner son consentement préalable à cette opération chirurgicale mutilante et handicapante et d’avoir été privée de la possibilité de recueillir d’autres avis médicaux préalables et à tout le moins de se préparer à l’éventualité de cette opération, avait causé un grave préjudice moral ayant eu des répercussions sur son équilibre psychologique ; qu’en se bornant à affirmer que Mademoiselle X… n’avait de toute façon pas le choix car l’exérèse de la thyroïde était nécessaire pour en déduire l’absence de préjudice en relation causale avec le manquement du chirurgien à l’obligation d’information, la Cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient en violation des articles 1147 du Code civil ensemble les articles L 111-2 du Code de la santé publique et 35 du Code de déontologie médicale ;

2°) ALORS QUE sauf cas d’urgence, le patient doit pouvoir conserver le choix entre une opération chirurgicale invalidante, même nécessaire, et la tentative d’une autre thérapie ; que la privation de ce choix résultant du manquement du chirurgien à son devoir d’information préalable caractérise une atteinte au libre choix du malade qui cause nécessairement un préjudice ; que l’arrêt attaqué qui constate que Mademoiselle X… a été privée de la possibilité de donner un consentement éclairé à l’opération chirurgicale pratiquée par le docteur Y… ne pouvait pas en déduire l’absence de tout préjudice en résultant sans violer les articles 1147 du Code civil, L 111-2 du Code de la santé publique et 35 du Code de déontologie médicale.

 

 
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A propos de l'auteur
Blog de MAITRE JONATHAN  SAADA

Avocat inscrit au Barreau de Paris depuis plus de dix ans, j'interviens au quotidien dans les domaines suivants : 

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