Caducité des autorisations médico-sociales : Un cadre et des interrogations.

Publié le Modifié le 17/06/2019 Vu 4 095 fois 0
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La caducité des autorisations médico-sociale dispose désormais d’un cadre juridique précis. Néanmoins, l’application dans le années à venir de ces dispositions engendrent des interrogations juridiques majeures qui pourraient en contrarier très fortement la portée.

La caducité des autorisations médico-sociale dispose désormais d’un cadre juridique précis. Néanmoins,

Caducité des autorisations médico-sociales :  Un cadre et des interrogations.

Le décret du 28 novembre 2017, complétant la loi du 23 décembre 2016, instaure un cadre précis en ce qui concerne la caducité des autorisations médico-sociale, question jusqu’ici sujette à caution.

Ses dispositions transitoires rendent néanmoins son application dans les années à venir très complexe… au point de s’interroger sur son applicabilité concrète.

I)Sur le critère matériel de la caducité

Jusqu’à la loi du 23 décembre 2016 (LFSS 2016), l’article L.313-1 du CASF énonçait que l’autorisation était réputée caduque faute de commencement d’exécution dans un délai fixé par décret.

Le décret en question, en date du 26 juillet 2010, est codifié à l’article D. 313-7-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles.

Jusqu’alors, cet article disposait que l’autorisation qui n’a pas reçu de commencement d’exécution est caduque au bout de trois ans.

Quand au commencement d’exécution, il était caractérisé par « tout élément de réalisation tendant à rendre l’autorisation effective ». Le début d’exécution faisait donc l’objet d’une définition extensive.

La loi du 23 décembre 2016 avait modifié  l’article L.313-1 du CASF qui énonce désormais que « toute autorisation est réputée caduque si l’établissement ou le service n’est pas ouvert au public dans un délai et selon des conditions fixées par décret ».

Depuis cette loi, c’est donc le critère de l’ouverture au public qui détermine désormais la date de la caducité, et non un simple commencement d’exécution. Le délai est donc très clairement raccourci.

Le décret du 28 novembre 2017 a aligné les dispositions de l’article D.313-7-2 du CASF à l’article L.313-1 sur ce point, en bonne orthodoxie juridique, puisqu’ aux termes de l’article 1 du Code Civil, l’entrée en vigueur d’une loi complétée par un décret n’est effective qu’à la publication du décret concerné.

Il est également venu modifier substantiellement la question des délais.

 

II)Sur la computation des délais de caducité

Le point de départ du délai de caducité est la notification de la décision d’autorisation. En ce qui concerne le terme de ce délai, désormais, il convient de distinguer deux cas de figure.

Si le projet d’établissement ou de service nécessite la construction d’un immeuble bâti ou des travaux sur des constructions existantes soumis à permis de construire le délai de caducité est de 4 ans.

En l’absence de tels aménagements, le délai de caducité peut être inférieur à quatre ans. En ce cas, ledit délai doit figurer dans la décision d’autorisation. Il est déterminé en fonction de l’importance du projet et de la nature des prestations fournies et ne peut être inférieur à trois mois.

L’article D.313-7-2 du CASF nouvelle version pose une première exception : l’autorisation n’est pas considérée comme caduque même si l’ouverture au public est faite « hors délai » si la visite de conformité prévue à l’article D.313-11 du CASF a été effectuée dans les délais.

Le décret énonce en outre deux possibilités de prorogation en cas d’absence d’ouverture au public:

  • 3 ans maximum lorsque la ou les autorités constatent que le défaut d’ouverture au public provient d’un motif non-imputable au gestionnaire
  • 1 an maximum lorsque la ou les autorités constatent que l’ouverture complète au public de la capacité est en mesure d’être achevée dans ce délai.

 

III)Sur la procédure

Les procédures de prorogation et de constatation de la caducité sont désormais strictement encadrées et doivent faire l’objet de rigueur optimale au risque de désagréments majeurs.

La demande de prorogation doit être adressée à l’autorité ou aux autorités compétentes par tout moyen permettant d’attester de la date de sa réception au plus tard deux mois avant l’expiration des délais mentionnés ci-dessus. La demande doit être accompagnée de tout document justificatif.

Le défaut de réponse de l’administration dans un délai de deux mois vaut prorogation.

En ce qui concerne la caducité, elle est constatée par l’autorité ou les autorités dans un délai de deux mois suivant le délai initial ou prorogé le cas échéant. Elle est publiée et notifiée dans les mêmes conditions que l’autorisation.

On notera que désormais la caducité qui frappe un établissement peut n'être que partielle.

 

IV)Sur l’applicabilité de ces dispositions

La question de l’application du décret est une source d’interrogations fondamentales en terme juridique, à tel point qu’il convient de se demander si cette question n’annihile pas totalement les apports du décret du 28 novembre 2017, du moins à moyen terme.

En effet, le décret a créé une sorte de régime transitoire, vraisemblablement au nom du principe de non-réactivité du règlement.

Par principe, le décret du 28 novembre 2017 n’est applicable qu’aux seules autorisations accordées à compter du 1er janvier 2018.

En outre, il n’est pas applicable aux autorisations postérieures au 1er janvier 2018 dont l’appel à projet a été engagé avant le 1er janvier 2018.

Il n’est pas applicable non plus aux autorisations ne faisant pas l’objet d’appel à projet dont la demande d’autorisation a été déposée avant le 1er janvier 2018.

***

Or, en pratique, cette situation transitoire laisse présager de nombreuses difficultés sur le plan juridique.

Imaginons par exemple une autorisation en date du 15 mars 2018 avec appel à projet engagé en septembre 2017.

Les dispositions du décret ne sont pas applicables.

L’ancien article D.313-7-2 du CASF s’applique, lequel frappait de caducité l’autorisation qui n’a pas reçu de commencement d’exécution, et non pas en raison du défaut d’ouverture au public.

Mais, comme il a été vu, l’article L.313-1 du CASF évoque depuis la loi du 23 décembre 2016 le critère de l’ouverture au public comme critère matériel de la caducité.

La loi est donc contraire au règlement alors applicable… et renvoie à un autre.

Dès lors, la question est de savoir quelle disposition est applicable en l’espèce. Faut-il appliquer un règlement contra legem ? Une loi qui renvoie à un décret conforme mais non applicable en l’espèce ? Au final, la loi du 23 décembre 2016 est-elle réellement entrée en vigueur ? En pratique, in fine, quel est le délai applicable, d’une part, et, d’autre part, le terme de ce délai est-il le commencement d’exécution, favorable au gestionnaire, ou l’ouverture au public, favorable à l’administration ?

Imaginons -simple hypothèse- que l’on conclue de ces questions juridiques que l’ancienne règlementation demeure applicable à toutes les autorisations de tous les ESMS soumis à une procédure d’appel à projet engagée avant le 1er janvier 2018 -ainsi d’ailleurs qu’à tous les ESMS non soumis à la procédure d’appel à projet qui ont déposé une demande d’autorisation au plus tard le 31 décembre 2017.  

Cela signifierait potentiellement qu’une autorisation accordée le 1er janvier 2019 suite à un appel à projet engagé en décembre 2017 serait encore régie par l’ancien régime. Par conséquent, la caducité ne pourrait être prononcée que le 1er janvier 2022, et tout commencement d’exécution (la pose d’une première pierre, par exemple ?) empêcherait la constatation de la caducité.

La question de l’applicabilité du décret dans le temps présente donc un intérêt tout à fait majeur et un risque de contentieux avéré.

 

Mon cabinet se tient à votre disposition pour toute précision

 

 

Maître Sylvain Bouchon

Avocat à la Cour

Droit médico-social

https://www.sylvainbouchon.fr/

 

bouchonavocat@gmail.com

 

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