Que sont les prescriptions d’un permis de construire ?

Publié le Modifié le 07/11/2017 Vu 54 493 fois 8
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Il est fréquent que les permis de construire ou les décisions de non-opposition à déclaration préalable soient assortis de prescriptions qui ont pour objet de modifier le projet ou d’imposer des obligations complémentaires. Ces prescriptions présentent un caractère obligatoire pour le demandeur. Aussi, elles peuvent être gênantes pour le pétitionnaire qui n’a pas prévu ces modifications. Dès lors, il est important de se poser trois questions : quel est le fondement des prescriptions d’un permis de construire ? peuvent-elles être contestées ? quelles critiques peuvent être soulevées à leur encontre ?

Il est fréquent que les permis de construire ou les décisions de non-opposition à déclaration préalable s

Que sont les prescriptions d’un permis de construire ?

I. Quel est le fondement des prescriptions d’un permis de construire ?

Les prescriptions dont sont éventuellement assortis les permis de construire sont, pour certaines, prévues par les articles R. 111-1 et suivants du code de l’urbanisme, relatifs au règlement national d’urbanisme.

Ces dispositions prévoient que le permis de construire peut n’être accordé que sous réserve du respect de certaines prescriptions afin d’assurer la sécurité publique, de respecter le caractère des lieux avoisinants, etc.

En revanche, aucune disposition ne prévoit que de telles prescriptions peuvent être imposées pour assurer le respect des plans locaux d’urbanisme (ou autres documents d’urbanisme locaux).

En effet, sur ce point, les prescriptions ressortent de la pratique et du principe selon lequel les autorisations d’urbanisme ne peuvent être accordées que si elles sont « conformes aux dispositions législatives et réglementaires » applicables en matière d’urbanisme (article L. 421-6 du code de l’urbanisme).

Plus précisément, dans la mesure où le projet doit être conforme aux dispositions d’urbanisme (notamment le plan local d’urbanisme), il est préférable, afin d’éviter un refus fondé sur une non-conformité marginale, de l’assortir de prescriptions. C’est la raison pour laquelle l’administration impose, en pratique, des prescriptions aux permis de construire et décisions de non-opposition à déclaration préalable pour faire l’économie d’un refus et du dépôt consécutif d’un nouveau dossier presque identique au précédent.

En l’absence de définition législative ou réglementaire de ces prescriptions, le juge administratif est venu préciser les éléments constitutifs de la prescription d’urbanisme. Ainsi, le Conseil d’Etat a pu juger : « que l’administration ne peut assortir une autorisation d’urbanisme de prescriptions qu’à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, aient pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect […] » (CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677, publiée au Recueil).

La Haute juridiction définit donc :

  • Leur objet → assurer la conformité des travaux aux dispositions d’urbanisme.

  • Leur limite → des modifications précises et limitées ne nécessitant pas le dépôt d’un nouveau dossier.

C’est donc au vu de cette définition que les services en charge d’une autorisation d’urbanisme doivent décider d’imposer ou non des prescriptions.

II. Les prescriptions peuvent-elle être contestées ?

Si les prescriptions des permis de construire sont anciennes, le recours direct contre ces prescriptions par le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme est, quant à lui, récent.

En effet, le Conseil d’Etat considérait initialement que les prescriptions dont sont assortis un permis de construire ou une décision de non-opposition à déclaration préalable formaient un tout indivisible avec l’autorisation.

Aussi, le recours dirigé contre ces seuls prescriptions (et non contre l’autorisation dans sa totalité) était jugé irrecevable. Cette position de principe ancienne (CE. Sect. 12 octobre 1962, Ministre de la construction c. Compagnie immobilière de la région parisienne, n° 55655, publiée au Recueil) était rappelée régulièrement (voir, par exemple en ce sens : CE. SSR. 22 avril 1988, M. Michault, n° 75755, mentionnée aux tables).

Or, par la décision précitée, le Conseil d’Etat est revenu sur cette position. Il a considéré que : « le titulaire d’une autorisation d’urbanisme est recevable à demander l’annulation d’une ou de plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie ; qu’il peut utilement soulever à l’appui de telles conclusions tout moyen relatif au bien-fondé des prescriptions qu’il critique ou au respect des exigences procédurales propres à leur édiction […] » (CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677, publiée au Recueil).

Dès lors, le recours formé contre les prescriptions d’urbanisme est désormais recevable et le bénéficiaire de l’autorisation peut critiquer le fond, la forme et la procédure d’adoption de ces prescriptions.

Le recours est donc possible. Le Conseil d’Etat pose néanmoins une limite à l’annulation de ces prescriptions.

En effet, même si le recours est recevable et si la prescription est jugée illégale, elle n’est pas automatiquement annulée. La Haute juridiction impose au juge de vérifier que leur « annulation n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme et qu’ainsi ces prescriptions ne forment pas avec elle un ensemble indivisible » (CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677, publiée au Recueil).

Ainsi, le juge doit vérifier qu’en supprimant une illégalité, il n’en crée pas une – plus grave – tenant à l’illégalité de l’autorisation d’urbanisme dans son ensemble.

En effet, en principe la prescription est vouée à assurer la légalité de l’autorisation. Dans ces conditions, même illégale, cette prescription peut remédier à une non-conformité du dossier de demande aux dispositions d’urbanisme. Dès lors, dans cette hypothèse, il est logique que le juge ne puisse pas prononcer l’annulation des prescriptions.

La solution inverse aurait été pour le moins dangereuse puisqu’elle aurait pu conduire à créer des autorisations (amputées de leurs prescriptions) contraires aux dispositions d’urbanisme.

Cette réserve est donc sage.

Il n’en demeure pas moins que les prescriptions peuvent être contestées et que tout moyen peut être soulevé à leur encontre.

III. Quels moyens peuvent être soulevés contre les prescriptions ?

Différents moyens peuvent être soulevés contre les prescriptions d’une autorisation d’urbanisme.

  • Légalité externe

Concernant la légalité externe, tous les moyens classiques de forme peuvent être soulevés (compétence, signature, nom, prénom et qualité de leur auteur, etc.).

Néanmoins, il convient de se pencher sur la nécessité de motiver ou non les prescriptions d’urbanisme.

En effet, ces prescriptions doivent en principe être motivées. Sur ce point, l’article R. 424-3 du code de l’urbanisme dispose :

« Lorsque la décision rejette la demande ou s’oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. […] Il en est de même lorsqu’elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d’urbanisme applicables ».

Toutefois, la jurisprudence administrative a en pratique neutralisé cette obligation de motivation en considérant que celle-ci pouvait ressortir des prescriptions en elles-mêmes. Plus précisément, le Conseil d’Etat a jugé :

« Considérant […] que si l’arrêté litigieux en date du 17 août 1988 est assorti de prescriptions […] les motifs de cet arrêté résultent directement du contenu même desdites prescriptions » (CE. SSR. 17 juin 1996, SARL Scierie du Ternois, n° 108304, mentionné aux tables).

Ainsi, il considère que la motivation des prescriptions ressort de leur contenu même.

Or, cette position est appliquée avec constance depuis lors (voir, pour un exemple récent : CAA Douai, 23 février 2017, n° 15DA01271).

De la sorte, si le moyen tiré de l’insuffisance de motivation peut être soulevé, il a peu de chances de prospérer dans la mesure où les juridictions ont des exigences limitées quant à la teneur de cette motivation.

  • Légalité interne

Sur le fond, les prescriptions peuvent être critiquées pour tout motif.

Parmi les moyens susceptibles d’être soulevés, l’on peut trouver notamment les critiques suivantes.

En premier lieu, la circonstance que les prescriptions aillent au-delà de l’objet qui leur est assigné (à savoir assurer la conformité du projet aux dispositions d’urbanisme) peut conduire à leur annulation. Il en va ainsi lorsque :

  • La prescription réglemente pour l’avenir et de manière générale l’implantation des constructions dans le voisinage (CAA Nancy, 26 juin 2012, M. Jean-Louis A et a., n° 11NC01209).

  • La prescription conditionne le début des travaux à la conclusion d’une convention avec la commune pour l’indemniser du préjudice qu’elle estime subir du fait de la construction (CAA Nancy, 20 janvier 2011, S.C.I. TED, n° 10NC00074).

En deuxième lieu, la circonstance que les prescriptions soient imprécises peut en principe conduire à son annulation (CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677, publiée au Recueil ; CAA Nantes, 30 janvier 2015, n° 14NT01065).

Il pourrait en aller ainsi dans l’hypothèse où le pétitionnaire ne serait pas en mesure de déterminer quelles modifications il doit apporter à son projet.

En troisième lieu, le maire ne peut utiliser les prescriptions pour reporter à une concertation ou une instruction ultérieure une décision qu’il était tenu de prendre en refusant de prendre parti sur le projet qui lui est soumis (CAA Nantes, 30 janvier 2015, n° 14NT01065).

Ainsi, il a pu être jugé que des prescriptions renvoyant aux services techniques de la collectivité, au moment du début des travaux, le soin de déterminer les modalités de raccordement de la construction étaient illégales (CE. SSJS. 16 janvier 1987, S.C.I. ASCODIF, n° 64032).

En quatrième lieu, il est nécessaire que les prescriptions soient justifiées. Aussi, une prescription qui ne serait pas exigée par le respect d’un article du code de l’urbanisme ou du plan local d’urbanisme est illégale.

A titre d’exemple, il a pu être jugé que la prescription tenant à la pose de tuiles d’un certain type, qui n’était pas rendu nécessaire par l’intérêt des lieux avoisinants (article R. 111-27 du code de l’urbanisme), était illégale (CAA Nantes, 25 juillet 2017, n° 16NT01670).

Dans ces conditions, il apparaît que de nombreux moyens de fond sont susceptibles d’être soulevés contre les prescriptions imposées aux permis de construire et déclarations préalable.

Septembre 2017

Bruno Roze

Avocat au Barreau de Paris

5, rue Cambon 75001 Paris

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1 Publié par Visiteur
19/05/2018 07:54

Bonjour à côté de chez moi il y a des permis de construire qui vont être délivré sur un secteur où il y a pas un îlot de 5 maisons dont qui rentre dans la loi montagne mais étant donné que le la personne qui vend les terrains et à la mairie et fais partie de l'urbanisme le maire lui a fait un papier de prescription donc il peut effacer la loi montagne et se permettre de vente des terrains constructibles est-ce normal

2 Publié par Me Bruno ROZE
21/05/2018 10:10

Bonjour, il n'est pas possible d'effacer la loi montagne. Il s'agit de dispositions impératives du code de l'urbanisme. Si les permis de construire ne la respectent pas, il est possible de les déférer au tribunal administratif. Si vous souhaitez m'en dire davantage, je vous invite à me contacter à l'adresse suivante : contact@bruno-roze-avocat.com

3 Publié par Visiteur
03/08/2018 10:09

Bonjour,
Nous avons obtenu un PC assorti d'une prescription sur le stationnement des vélos. En effet, la prescription prévoit que la construction nécessite 180m² de local vélo, alors que le projet en comporte 87m². A noter que le PLU en prévoit 74m². A noter que la demande de la mairie est justifiée par le fait que le futur PLU oblige à 180m².
Ma question est la suivante: Afin de répondre à cette prescription doit-on déposer un permis de construire modificatif?
Vous remerciant par avance

4 Publié par Visiteur
14/11/2018 10:22

mon appartement dispose d'une petite cour(4ou 5 m2) sans autre acces que mon appartement et dont j'ai l'usage exclusif dans mon acte de propriete
lors de l'acquisition il y a 20 ans j'ai realisé, sans declaration de travaux une verriere de cette meme surface afin de pouvoir jouir de cet espace ...cela s'est passé sans opposition des coproprietaires de l epoque ...mais actuellement la copro me reclame 40.000 € pour regulariser qu'en pensez vous

5 Publié par Edd78
04/04/2019 19:35

Bonjour

Merci pour votre article très intéressant. J'ai commandé une installation de piscine et je souhaite me rétracter. J'ai eu la non opposition de la mairie pour le projet, mais avec la prescription que la piscine doit être à 4m au lieu de 3m de la maison. Dans le bon de commande que j'ai signé avec le pisciniste il y a mentionné que le bon n'est valable qu' après l'obtention des autorisations administratives. La prescription ci-dessous est-elle suffisante pour annuler la commande? Merci par avance pour votre retour. Edd

6 Publié par CP
18/09/2019 09:25

Que signifie la prescription "catégorie 1 et 2" sur un permis de construire

7 Publié par Ahlam
17/02/2020 23:38

Bonjour
J’esper Avoir une réponse à ma question car sa fait 2 mois qu’on cherche des repod’e Exprès de la mairaie qui veut pas forcément nous entendre
On a signer une promesse de vente sur un terrain le 4 avril 2019
Dépôt demande de permis le 25 juillet pendant 3 mois la mairaie nous a demandé de faire des modifications par à port à l’éduit Chose qui est faite sauf le 12 décembre on reçoit notre permis favorable avec prescription(les travaux ne peuvent pas commencer avant qu’une bouche d’incendie soit faite )compter un délais de 18 mois
A priori il y’a une nouvelle loi qui impose 200m alors que nous on est à 206
Nous évidemment on peut pas attendre 18 mois on veut faire un retrait de permis pas annuler car sa nous engage à payer des frais auprès de propriétaires
La mairaie nous dit que ce n’est pas possible fait respecter et attendre
Que ce qu’on peut faire dans ce cas là ?
Merci d’av

8 Publié par VK
07/10/2021 12:42

Bonjour,

Notre permis initial a été accepté en 2019 pour une maison sur la limite séparative. Après un soucis avec notre voisin ( de limite séparative) Maire nous a assuré que le permis modif va être accordé si on décale la maison un peu de la limite séparative et même si on n'arrive pas laisser distance égale à moitié d' hauteur de la maison chaque coté ( réglements RNU) . Nous avons déposé le permis modif, après l'instruction de deux mois par communautés de commune, le permis modif a été accepté par le Maire 1 Aout 2021. (Il a simplement enrayé la prescription disant "a moins que le batiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizantelement ....." et marqué à la main qui il autorise la construction comme dans le plan fourni attaché avec son arreté. Le permis et le plan est bien signé et tamponné par le Maire.

Est ce que cela change quel que chose pour nous ? Est ce que nous devons consulter la préfecture (pour un deuxième avis) avant de démarrer les travaux? Ou Il faut attendre combien de temps avant de démarrer les travaux dans notre cas?

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