Le cadre normatif de lutte contre le blanchiment en droit français

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Le cadre normatif de lutte contre le blanchiment en droit français

INTRODUCTION

La mondialisation des échanges et la libération des mouvements de capitaux en l’absence de toutes nouvelles régulations au niveau international se sont accompagnées depuis vingt ans d’une accélération et d’un accroissement sans précédent de la vitesse et du volume des capitaux d’origine criminelle.

La France n’est pas épargnée, en effet, par le blanchiment des capitaux notamment dans le sud-est où il est préoccupant de constater le peu de résistance du tissu social et des institutions républicaines à cette criminalité discrète et élaborée.

Par sa nature même, le blanchiment de capitaux est en dehors du champ normal couvert par les statistiques économiques.

Néanmoins, comme pour d’autres aspects de l’activité économique souterraine, certaines estimations grossières donnent l’ampleur du problème.

Ainsi, le Fond monétaire international (FMI) évalue dans une fourchette de 2 à 5% du produit intérieur brut le volume cumulé de blanchiment de capitaux dans le monde. Suivant une statistique maintenant un peu ancienne, puisqu’elle date de 1996, le blanchiment de capitaux représenterait entre 600 et 1 500 milliards de dollars qui proviennent: de la contrefaçon, du vol, du recel, de la contrebande, de la corruption en tous genres, des ventes illégales d’armes, de l’économie souterraine noire avec le travail des clandestins et les problèmes liés à l’immigration, des activités de la criminalité organisée notamment le trafic de stupéfiants et des réseaux de prostitution, des délits d’initiés, des escroqueries informatiques, des sectes, etc...

Les conséquences macro-économiques peuvent être potentiellement désastreuses.

Le Conseil de l’Europe définit le blanchiment à partir de sa finalité qui se résume par à la transformation de fonds illicites en argent licite donc réinvestissable dans des secteurs légaux ou utilisables à des fins personnelles.

En droit français, le blanchiment est défini à l'article 324-1 alinéa 1 du Code pénal. Selon l'article 324-1 alinéa 1 «Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.». L'alinéa suivant poursuit «Constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit».

Ainsi, le blanchiment consiste à dissimuler l'origine de fonds provenant d'une infraction, afin de les faire circuler à nouveau pour des activités licites.

C'est donc une infraction de conséquence, puisqu'elle suit la commission d'une autre infraction. Concernant l'infraction préalable, tous les crimes ou délits sont potentiellement concernés.

Le blanchiment porte sur le produit d'une infraction préalable, qu'il s'agisse du produit direct ou indirect de cette infraction.

Il n'est pas besoin que l'auteur de l'infraction primaire ait été préalablement poursuivi et condamné. Il peut donc être inconnu ou en fuite. Mais, il faut toujours que le fait initial délictueux puisse être objectivement qualifié de crime ou délit.

Pour que l'infraction de blanchiment soit constituée, il faut un élément matériel et un élément intentionnel.

Concernant l'élément matériel, le Code pénal prévoit deux formes de blanchiment:

  • La justification mensongère de l'origine des biens provenant d'une infraction : il y aura ainsi blanchiment dans le fait d'émettre de faux documents destinés à dissimuler l'origine des fonds.
  • Le concours à une opération financière*, l'article 324-1 alinéa 2 vise «le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit». Il s'agit dans ce cas de donner au produit d'une infraction une origine apparemment licite, ou de dissimuler son origine illicite.

Concernant l'élément intentionnel, sa consistance est double :

  • La connaissance de l'origine frauduleuse des fonds objets du délit.
  • La conscience ou la volonté de procéder à une opération de blanchiment ou de participer à une telle opération.

En conséquence, le délit ne peut être constitué si le prévenu n'a connu l'origine frauduleuse des fonds qu'après avoir procédé à l'acte pouvant être constitutif de l'élément matériel. Toutefois, si cette connaissance une fois acquise, il s'était livré à un nouvel agissement matériellement constitutif du délit, celui-ci pourrait alors lui être imputé.

La preuve de l'élément intentionnel doit être rapportée par l'accusation, par tout moyen et donc par le procédé de la présomption judiciaire, qui permet de déduire l'intention des circonstances.

Au lendemain de la loi de 1996 instaurant le délit de blanchiment, la tendance de la doctrine a été de considérer que l'auteur de l'infraction primaire ne pouvait être blanchisseur du produit de sa propre infraction. Mais la jurisprudence a admis avec le temps, le cumul de qualification.

En effet, la chambre criminelle le 25 juin 2003, annonce le principe du cumul. Puis la chambre criminelle le 13 janvier 2004 annonce la consécration du cumul avec la deuxième modalité possible du blanchiment.*

Enfin, la chambre criminelle le 20 janvier 2008, consacre le cumul possible avec la première modalité du blanchiment c'est-à-dire lorsqu'il y a justification mensongère.

La France est l’un des premiers pays à s’être inquiété du développement de cette délinquance financière et dispose d’un arsenal juridique très complet pour lutter contre le blanchiment des capitaux. Et cela notamment par la ratification de conventions internationales et la transposition des directives communautaires anti-blanchiment.

En définitive, quelles «armes» sont utilisées en droit français pour lutter contre le blanchiment?

Au vu de la dangerosité que représente le blanchiment, il convient de s'intéresser à l'efficacité du cadre normatif international interne de lutte contre le blanchiment en droit français.

Pour cela il convient de s’arrêter sue les moyens juridiques  de lutte contre le blanchiment des capitaux  (I) puis sur le dispositif de prévention de blanchiment des capitaux (II).

I. Les moyens juridiques de lutte contre le blanchiment des capitaux.

 

A. L'évolution de la législation française

  • Loi du 31 décembre 1987 (n°87-1157)

Par ce texte, le législateur introduit la première incrimination de blanchiment de capitaux dans l'ordre juridique français.

Cette incrimination apparaît à l'article L627 du Code de la santé publique vient sanctionner d'un emprisonnement de deux à dix ans et d'une amende de 760 à 76000 euros : «ceux qui par tout moyen frauduleux, auront facilité ou tenté de faciliter la justification de l'origine des ressources ou des biens de l'auteur de l'une des infractions mentionnées au premier alinéa du présent article, ou ceux qui auront sciemment apporté leur concours à toute opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit d'une telle infraction».

Cet article incrimine le blanchiment de fonds issus de la production, de l'exportation, de l'importation, de la détention, du transport, de la cession ou de l'usage de stupéfiants.

Cette définition du blanchiment qui est restrictive est à rapprocher de celle figurant dans la Convention de Vienne du 20 décembre 1988.

En effet, l'adoption de la loi de 1987 avait pour but d'anticiper la signature de la Convention par la France.

  • Loi du 23 décembre 1988 ( n°88-1149)

Par son article 84, la loi de finance du 23 décembre 1988 a instauré l'article 415 du Code des douanes.

L'article 415 du Code des douanes a crée un délit douanier de blanchiment distinct du délit de blanchiment prévu par le Code pénal.

Cet article vise en particulier les opérations financières réalisées à l'étranger.

Initialement, le délit douanier tout comme le délit pénal ne portait que sur les fonds issus du trafic de stupéfiants, mais son champ d'application a été élargi par la loi (n°96-392) du 13 mai 1996 au produit de tout délit douanier, c'est-à-dire d'une infraction douanière grave ( contrebande, trafic d'armes, de marchandises contrefaites ou fraudes aux subventions de l'Union européenne...).

Désormais l'article 415 dispose que «seront punis d'un emprisonnement de deux à dix ans, de la confiscation des sommes en infraction ou d'une somme en tenant lieu lorsque la saisie n'a pu être prononcée et d'une amende comprise entre une et cinq fois la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative de l'infraction, ceux qui auront, par exportation, importation, transfert ou compensation, procédé ou tenté de procéder à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds qu'ils savaient provenir, directement ou non, d'un délit prévu au présent code ou d'une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants».

  • La loi du 12 juillet 1990 (n°90-614) relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants.

Une fois le TRACFIN créé par un décret du 9 mai 1990, il restait à obliger les établissements de crédit et les professions financières à effectuer auprès de cet organisme  des déclarations de soupçons.

Les organismes visés par cette loi sont essentiellement les établissements de crédit, les assurances, les sociétés de bourse et les changeurs manuels.

Mais cette loi a aussi créé une obligation de déclaration au procureur de la République pour toutes les personnes  qui «dans l'exercice de leur fonction, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux».  

(Au départ cette obligation ne concernait que les fonds susceptibles de provenir du trafic de stupéfiants).

Cette loi prévoit également une obligation de s'assurer de l'identité de leur cocontractant et une obligation de conservation pendant 5 ans à partir de la clôture des comptes des documents relatifs à l'identité et aux opérations de leurs clients.

Enfin, cette loi pose une obligation aux casinos: ils doivent enregistrer les noms et adresses des joueurs dès lors que les sommes gagnées excèdent 1500 euros par séance.

  • Loi (n°96-392) du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime.

Cette loi a créé dans le Code pénal français un nouveau chapitre, le chapitre IV intitulé «dispositions relatives aux infractions de blanchiment». Au sein de ce chapitre sont regroupés les articles 324-1 à 342-9.

Ce texte est fondamental car il donne une définition pénale de l'infraction de blanchiment créant ainsi un délit général de blanchiment. Il s'agit de l'adaptation en droit français des dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990, ce qui a pour conséquence de ne plus limiter l'incrimination de blanchiment aux seuls biens issus du trafic de stupéfiants, mais de l'étendre à toutes les formes de criminalité.

Le blanchiment est désormais  défini comme le «fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également un acte de blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit»*.

*article 324-1 du Code pénal. 

  • Loi (n°98-546) du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

L'article 98 de cette loi modifie l'article 1er de la loi du 12 juillet 1990 précitée et étend l'obligation de déclaration de soupçon «aux personnes qui réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations portant sur l'acquisition, la vente, la cession ou la location de biens immobiliers, aux entreprises d'investissement, ainsi qu'aux marchés réglementés d'instruments financiers».

  • Loi (n°2001-420) du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

Les dispositions en matière de blanchiment de cette loi présentent trois aspects :

-        La surveillance et la réglementation des opérations financières réalisées avec des pays ou des territoires non coopératifs.

-        Le renforcement de l'efficacité du dispositif interne de lutte contre le blanchiment.

-        L'amélioration du dispositif de répression.

En ce qui concerne le premier aspect, la loi prévoit d'étendre l'obligation de déclaration de soupçon prévue au premier alinéa de l'article L562-2 du CMF, aux opérations effectuées par des organismes financiers établis en France avec des personnes physiques ou morales, ou domiciliées, enregistrées, ou ayant un compte auprès d'un établissement situé dans un État ou un territoire reconnu comme non coopératif par le GAFI.

En ce qui concerne le deuxième aspect, l'efficacité du dispositif interne est renforcé par l'extension de l'obligation de déclaration de soupçons.

En effet, l'article 33 de  cette loi étend l'obligation de déclaration à de nouvelles activités et professions qui bien que ne relevant pas du secteur financier, peuvent être sollicitées dans des opérations de blanchiment.

Par exemple : les représentants légaux et directeurs responsables de casinos, les personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de matériaux précieux, d'antiquités et d'œuvres d'art.

Par ailleurs, l'article L562-2 du CMF prévoit que doivent désormais faire l'objet d'une déclaration de soupçon, les opérations «qui pourraient provenir» du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles organisées et non plus «qui paraissent provenir» de ces activités.*

*La rédaction antérieure était interprétée de manière trop restrictive par les organismes soumis à l'obligation. La notion «d'apparence» existant dans le terme «paraissent» les conduisait à conditionner l'obligation de déclaration à l'existence de faits concrets permettant de soupçonner.

Enfin, concernant le dernier aspect de cette loi l'article 45 de la loi vient modifier l'article 450-1 du Code pénal afin d'élargir la définition de l'association de malfaiteurs à «tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs délits punis d'au moins 5 ans d'emprisonnement» .

Par ailleurs, l'article 45 module la peine en fonction de la peine encourue pour l'infraction préparée par l'association de malfaiteurs.

Lorsque l'infraction préparée est un crime ou un délit puni de 10 ans d'emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est punie de 10 ans d'emprisonnement et de 150000 euros d'amende.

Lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est punie de 5 ans d'emprisonnement et 75000 euros d'amende.

L'objectif de cet article est de pouvoir sanctionner des associations de malfaiteurs «en col blanc», c'est-à-dire organisées en vue de la préparation de délits économiques et financiers» et notamment de blanchiment de capitaux.

Enfin, l'article 46 de cette loi insère dans le Code pénal un article 450-2-1 qui dispose que «le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondants à son train de vie, tout en étant en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant aux activités visées à l'article 450-1* est puni de 5ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende».

  • Loi (n°2001-1062) du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

L'article 33 de cette loi institue dans le Code pénal deux articles spécifiques relatifs à la lutte contre le financement du terrorisme:

-        L'article 421-1-6 du Code pénal assimile à un acte de terrorisme l'infraction de blanchiment commise en relation avec une entreprise terroriste.

-        L'article 421-2-2 du Code pénal assimile à un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste.

  • Loi (n°2004-130) du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires et juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en vente aux enchères publiques.

Ce texte transpose en droit interne la directive européenne du 4 décembre 2001 et notamment l'obligation de déclaration de soupçon pour les professions du droit et du chiffre : experts comptables, commissaires aux comptes, avocats, notaires...

On trouve la liste des professions aux articles L562-1 et 562-2-1 du CMF.

  • Loi (n°2004-204) du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Cette loi dite Perben II, n'est pas exclusivement consacrée à la lutte contre le blanchiment de capitaux, cependant certains articles s'y rapportent.

L'objet principal de la loi est de créer dans le Code de procédure pénal un titre spécifique relatif aux infractions dites «de délinquance et de criminalité organisée».

L'article 706-73 du Code de procédure pénale énumère de façon limitative quinze infractions qui ont en commun leur degré de gravité et le fait d'être commis en bande organisée.

Parmi cette énumération figure le délit général de blanchiment prévu par les articles 324-1 et 324-2 du Code pénal.

Ces infractions présentent un caractère suffisamment grave et complexe pour justifier des procédures exceptionnelles dans le cadre de l'enquête, de la poursuite et de l'instruction.

Les dispositions de cette loi permettent notamment et sous certaines conditions:

-        une prolongation de la garde à vue de quarante-huit heures

-        la perquisition de nuit

-        l'infiltration

-        l'interception de  correspondances par voie de télécommunication

-        la captation de sons ou d'images dans les lieux privés.

Par ailleurs, la loi Perben II améliore les dispositions relatives à la coopération internationale.

Elle introduit notamment dans le Code de procédure pénale les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 29 mai 2000 ainsi que de la décision du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust.

A cet égard est institué dans le Code de procédure pénale, un titre X au livre IV intitulé «de l'entraide judiciaire internationale». Les dispositions de ce chapitre clarifient et simplifient les conditions de transmission (art 694 et 694-1) et d'exécution (art 694-2 et 694-3) des commissions rogatoires internationales, sauf réserve de l'existence d'une clause de sauvegarde prévu par l'article 694-4 du Code de procédure pénale*. 

*Cet article prévoit que dans le cas où la demande d'entraide émanant d'une autorité judiciaire étrangère serait de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, il peut ne pas être donné suite à cette requête.

Par ailleurs, la loi prévoit une coopération renforcée et plus efficace, notamment par la mise en place d'équipes communes d'enquêtes et de mandat d'arrêt européen (art 695-10 et suivants du Code de procédure pénale) en particulier lorsqu'il s'agit de blanchiment du produit d'un crime ou d'un délit (art 695-23 du code précité).

  • L’ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009

L’ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009 transpose avec plus d’un an de retard la directive du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et sa directive de mise en œuvre du 1er août 2006. Le choix a été fait de «remettre à plat le dispositif actuel qui résulte de l’empilement de réformes successives qui ont abouti à un mille-feuille réglementaire complexe pour lui redonner une cohérence globale» . Cette complexité, au surplus source d’insécurité juridique, était dénoncée à raison par les professionnels.

On relèvera tout d’abord que la lisibilité du dispositif a été incontestablement améliorée. Le nouveau Titre VI du Livre V du Code monétaire et financier consacré aux « Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement des activités terroristes et les loteries, jeux et paris prohibés » comporte trois chapitres concernant les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, au gel des avoirs et à la lutte contre les loteries, jeux et paris prohibés.

Le nouvel ordonnancement du chapitre 1 consacré à la prévention du blanchiment et du financement du terrorisme est plus logique que par le passé et fait figurer les obligations de vigilance avant l’obligation de déclarer les soupçons. La philosophie du dispositif repose sur la nécessité d’empêcher de manière efficace les capitaux issus du crime organisé de pénétrer l’économie tout en n’entravant pas le développement économique et financier.

L’efficacité du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme:

 La recherche de l’efficacité du dispositif réside dans les deux innovations fondamentales de la 3e directive que sont d’une part, l’adaptation des obligations de vigilance en fonction des risques de blanchiment et de financement du terrorisme, appelée «approche risque» et, d’autre part, l’extension du champ de la déclaration de soupçon à TRACFIN consécutive à la modification de la définition du blanchiment d’argent.

L’approche risque:

Délaissant une approche légaliste fondée sur des seuils à partir du constat que le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme n’est pas toujours le même, la directive européenne de 2005 préconise d’adapter le contenu de la vigilance au degré d’exposition au risque de blanchiment et de financement du terrorisme. Il s’agit de reconnaître une activité inhabituelle en la comparant à des activités connues et prévues. Concrètement, l’approche risque consiste, en partant d’un standard d’obligations de vigilance, à appliquer à la clientèle des obligations simplifiées de vigilance par rapport à ce standard lorsque le risque de blanchiment ou de financement du terrorisme est faible et des obligations renforcées de vigilance lorsque ce risque est plus élevé.

Les obligations de vigilance «standard» consistent à soumettre le client à une vigilance constante, avant et pendant la relation d’affaires. Il convient, avant d’entamer la relation d’affaire de connaître le client, c’est-à-dire de l’identifier mais également de comprendre l’objet et la nature de la relation d’affaires. Pendant son déroulement, il faut assurer une vigilance constante et pratiquer un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu’elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée que l’on a du client.

L’extension du périmètre de la déclaration de soupçon:  

Limité aux sommes et opérations qui pourraient provenir de certaines infractions limitativement énumérées , le nouvel article L.561-15, I du Code monétaire et financier étend le champ de la déclaration de soupçon aux «sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme». Pour tenter de limiter l’afflux des déclarations à TRACFIN liées à une suspicion de fraude fiscale qu’il est quasiment impossible d’exclure, l’ordonnance prévoit un dispositif visant à n’obtenir des personnes assujetties qu’elles ne déclarent que les fraudes fiscales présentant certains caractères qui doivent être précisés par décret.

 B. La répression du blanchiment en droit interne

Il convient de s'intéresser au régime du blanchiment (1) puis aux peines qui lui sont attachées (2).

1. Le régime du blanchiment.

  • Prescription de l'action publique

Elle est de trois ans (sauf si le blanchiment est de nature criminelle : 10 ans) et comme le blanchiment est une infraction instantanée, le point de départ est le jour de l'acte de blanchiment.

Mais comme en matière de recel, son point de départ peut varier, car dans certains cas, le délit peut avoir un certain caractère continu (en cas de dissimulation, de déplacement): le délai commence à courir au jour où l'activité délictueuse cesse.

Enfin, il peut être répété (ainsi en est il quand le placement est suivi de conversion): le délai court à compter du jour du dernier acte manifestant l'habitude.

Par ailleurs,  le blanchiment est consécutif à une infraction donc la jurisprudence retarde le point de départ (infractions occultes)le blanchiment ne commencera pas à courir tant que la prescription de l'infraction d'origine n'aura pas commencé.

  • Tentative et complicité

La tentative de blanchiment est expressément prévue par l'article 324-6 du Code pénal.

La complicité est également punissable s'agissant d'un délit.

  • Concours de qualification.

La loi de 1996 a complété par une incrimination générale au blanchiment une incrimination plus précise, relative au blanchiment du trafic de stupéfiants, prévu par l'article 222-38 du Code pénal.

La solution apportée à ce concours de qualification est simple et logique : les lois spéciales dérogent aux lois générales.

Ainsi, lorsque le blanchiment concernera le produit d'un trafic de stupéfiants, c'est l'article 222-38 du Code pénal qui sera applicable; dans les autres cas c'est l'incrimination de droit commun de l'article 321-4 du Code pénal qui s'appliquera.

2. Les peines du blanchiment

  • Les peines principales

L'article 324-1 du Code pénal punit le blanchiment de 5 ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. Mais les peines principales peuvent être augmentées en fonction de circonstances aggravantes.

Ainsi la peine est portée à 10 ans d'emprisonnement et 750000 euros d'amende lorsque le blanchiment est commis à titre habituel en usant des facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ou lorsqu'il est commis en bande organisée ( art 324-2 du Code pénal).

Le Code pénal prévoit également deux procédés complémentaires d'aggravation de la répression, qui concerne l'un la peine d'amende, l'autre la peine d'emprisonnement.

S'agissant de l'amende, l'article 324-3 du Code pénal permet de porter les peines d'amende jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment, ce qui peut représenter des montants considérables.

S'agissant des peines d'emprisonnement, l'article 324-4 du Code pénal précise que lorsque l'infraction (crime ou délit) dont provient «les fonds ou les biens sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment est puni d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à celle de l'emprisonnement encouru an application des article 324-1 ou 324-2, le blanchiment est puni des peines attachées à l'infraction dont son auteur a eu connaissance, et si cette infraction est accompagnée de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance».

  • Les peines complémentaires.

Les personnes physiques coupables de blanchiment encourent de nombreuses peines complémentaires, dont la liste est prévue par l'article 324-7 du Code pénal :

-        Interdiction d'exercer pour 5 ans une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

-        Interdiction pour 5 ans de détenir une arme.

-        Interdiction pour 5 ans d'émettre des chèques.

-        Suspension pour 5 ans du permis de conduire.

-        Annulation du permis de conduire avec interdiction d'en solliciter une nouvelle délivrance pour 5 ans.

-        Confiscation d'une ou plusieurs armes.

-        Confiscation d'un ou plusieurs véhicules.

-        Confiscation de la chose qui est le produit de l'infraction ou qui a servi à la commettre.

-        Interdiction des droits civiques, civils et de famille.

-        Interdiction de séjour.

-        Interdiction de quitter le territoire français.

-        La confiscation de tout ou partie des biens du condamné.

  • Les peines applicables aux personnes morales.

Les personnes morales peuvent se rendre coupables de l'infraction de blanchiment. A ce titre elles encourent donc les peines prévues par l'article 324-9 du Code pénal: l'amende (égale au quintuple de celle encourue par les personnes physiques) et l'ensemble des peines de l'article 131-39 du Code pénal, c'est-à-dire :

-        La dissolution.

-        L'interdiction d'exercer une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales.

-        Le placement pour une durée de 5 ans  au plus sous surveillance judiciaire.

-        La fermeture définitive ou pour une durée de 5 ans des établissements ou de l'un d'eux ayant servi à commettre les faits incriminés.

-        L'exclusion des marchés publics.

-        L'interdiction d'émettre des chèques ou d'utiliser des cartes de paiement.

-        L'interdiction de faire appel public à l'épargne.

-        L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci.

-        La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.

II. Le dispositif de prévention de blanchiment de capitaux.

A. Les obligations imposées à certains professionnels.

On peut distinguer, l'obligation imposée aux changeurs manuels et aux sociétés de domiciliation d'obtenir un agrément (1) et les obligations faites aux professionnels visées à l'article L561-2 du CMF (2).

Il ne faut toutefois pas oublier l'obligation de déclaration d'infraction au procureur de la République pour les personnes qui ne sont pas mentionnées à l'article L561-2 du CMF (3).

1.  L'obtention d'un agrément pour les changeurs manuels et les sociétés de domiciliation.

  • Concernant les changeurs manuels l'article L520-3, I du CMF prévoit que les changeurs manuels doivent obtenir une autorisation délivrée par Conseil des Établissements de Crédit et des Entreprises d'Investissement (CECEI) qui vérifie notamment l'honorabilité des dirigeants et des actionnaires à plus de 25% selon l'article L520-4 du CMF.

Ces professionnels sont placés sous la surveillance disciplinaire de la commission bancaire. Ils sont tenus à tout moment de justifier du respect de leurs obligations et ils ont l'obligation de tenir un registre de leurs transactions selon l'article L520-6 du CMF.

D'ailleurs les agents des douanes peuvent se faire communiquer ces registres sur lesquels ils ont un droit d'accès selon l'article L520-7 du CMF.

L'article L572-4 prévoit que l'opposition à l'exercice de leurs pouvoir est punie d'un emprisonnement de 6 mois et d'une amende de 7500 euros.

L'exercice de la profession de changeur manuel sans obtention préalable de l'agrément est puni d'un emprisonnement de 2 ans et d'une amende de 30000 euros (article L572-1 alinéa 1er).

Les mêmes peines sont encourues par toute personne non autorisée  à exercer la profession de changeur manuel qui aurait laissé croire qu'elle y était autorisée ( alinéa 2).

  • Concernant les sociétés de domiciliation

Ces sociétés sont soumises à une procédure d'agrément minutieusement réglementée par les articles L123-11-2 à L123-11-8 du CMF.

Ce dernier article puni de 6 mois d'emprisonnement et d'une amende de 7500 euros le fait d'exercer l'activité de domiciliation sans avoir obtenu l'agrément requis ou après un retrait ou une suspension de cet agrément.

2.  Les obligations des professionnels visées à l'article L561-2 du CMF.

Il convient de définir quels sont ces professionnels assujettis à la prévention du blanchiment (a) puis de s'arrêter sur leurs obligations (b).

a.  Les professionnels assujettis à la prévention du blanchiment

Il faut distinguer les professionnels assujettis à la prévention du blanchiment pour toutes leurs activités et ceux assujettis  que pour certaines activités.

  • Pour toutes leurs activités.

Il s'agit des organismes financiers et d'investissement, des changeurs manuels, des représentants légaux des casinos, des cercles de sociétés organisant des jeux de hasard, des loteries, des paris, des pronostics sportifs et hippiques, des personnes se livrant habituellement au commerce de pierres précieuses, d'antiquités ou d'œuvres d'art, des experts comptables et des commissaires aux comptes, des sociétés de ventes volontaires aux enchères publiques, des personnes exerçant l'activité de domiciliation.

  • Pour certaines de leurs activités.

Il s'agit d'une part des marchands de biens et agents immobiliers, lesquels sont tenus de participer à la lutte contre la blanchiment  pour toutes les activités relatives à des opérations portant sur des immeubles et des fonds de commerce, à l'exclusion de l'échange, de la location ou de la sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé.

Il s'agit d'autre part des professionnels du droit (l'article L. 561-2 13°) et des auxiliaires de la justice (avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocats à la Cour, avoués près de la Cour d'Appel, notaires, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et commissaires priseurs judiciaires).

Ces professionnels ne sont assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment et financement du terrorisme que dans des conditions prévues par l'article L561-3 du CMF :

«I.-Les personnes mentionnées au 13° de l'article L. 561-2 sont soumises aux dispositions du présent chapitre lorsque, dans le cadre de leur activité professionnelle :

1° Elles participent au nom et pour le compte de leur client à toute transaction financière ou immobilière ou agissent en qualité de fiduciaire ;

2° Elles assistent leur client dans la préparation ou la réalisation des transactions concernant :

a) L'achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ;

b) La gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client ;

c) L'ouverture de comptes bancaires, d'épargne ou de titres ou de contrats d'assurance ;

d) L'organisation des apports nécessaires à la création des sociétés ;

e) La constitution, la gestion ou la direction des sociétés ;

f) La constitution, la gestion ou la direction de fiducies, régies par les articles 2011 à 2031 du code civil ou de droit étranger, ou de toute autre structure similaire ;

g) La constitution ou la gestion de fonds de dotation.»

Ainsi, les obligations de participer à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ne s'applique pas, s'agissant des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et des avoués pour les activités de la profession qui se rattachent à une procédure juridictionnelle.

Elles ne s'appliquent pas non plus aux informations recueillies à l'occasion d'une consultation juridique, à moins que le client ne souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment de capitaux ( article L561-3 II et III).

b . Les obligations des professionnels.

Il convient de s'intéresser à trois types d'obligations les concernant : l'obligation de vigilance, de déclaration de  soupçons et enfin les mesures de gel d'avoirs.

-        L'obligation de vigilance

Avant d'entrer en relation d'affaire avec un client, de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, les professionnels assujettis doivent identifier leurs clients . A défaut de cette identification, les professionnels ne peuvent pas entrer en relation d'affaires ou doivent y mettre fin (article L561-8). Ils ont donc une obligation de résultat. Ensuite, les professionnels assujettis doivent déterminer l'objet et la nature de la relation d'affaires et assurer à son égard une vigilance constante et actualisée. Ces informations doivent être conservées pendant 5 ans selon l'article L561-12 du CMF.

Il y a différentes intensités de vigilance :

-        vigilance allégée: l'allègement de l'obligation de vigilance pourra avoir lieu quand le risque de blanchiment est faible. Un décret d'application en préparation doit établir les critères qualifiant les produits ou les clients présentant de faibles risques.

-        vigilance renforcée : au titre de cette obligation, les professionnels assujettis ne peuvent se borner à s'informer sur l'identité du client et la nature des opérations qu'il envisage. Ils doivent mettre en œuvre des mesures de vigilance complémentaires.

Par exemple : dans les cas où le client ou son représentant légal n'est pas physiquement présent, ou le client est une personne résidant dans un autre État membre de L'Union ou un pays tiers et qui est exposé à des risques particuliers en raison de ses fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives...

Les obligations de vigilance ont pour conséquence que les assujettis doivent se doter des moyens nécessaires pour détecter les opérations douteuses. En application de l'article L561-32 du CM, ils doivent mettre en place des systèmes d'évaluation et de gestion des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme.  Par ailleurs, ils doivent assurer la formation et l'information régulière de leur personnel en vue du respect des obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.  Les organismes financiers doivent également appliquer des mesures de prévention au moins équivalentes à celles prévues par la loi française dans l'ensemble de leurs succursales situées à l'étranger (article L561-34 du CMF).

-         L'obligation de déclaration de soupçon.

En application de l'article L561-15 I, les professionnels assujettis sont tenus de déclarer au TRACFIN, les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an (donc ne concerne pas uniquement le trafic de stupéfiant, le terrorisme mais également le délit pénal de fraude fiscale)  ou participent au financement du terrorisme.

En outre, les professionnels assujettis sont également tenus de déclarer au TRACFIN toutes les opérations pour lesquelles l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire de l'opération reste douteuse, d'informer ce service en cas de modification des éléments contenus dans leurs déclarations initiales.

(A noter, que le TRACFIN peut saisir le procureur de la République par note d'information, il peut communiquer des informations pertinentes à la douanes, aux services de polices judiciaires, aux services de renseignements spécialisés et aux services fiscaux selon l'article L561-29 du CMF.)

En cas de soupçons, les professionnels assujettis doivent  s'abstenir d'effectuer l'opération jusqu'à ce qu'ils aient procédé à la déclaration de soupçon. Toutefois, la déclaration peut être faite après la réalisation de l'opération lorsque le soupçon est apparu postérieurement aux professionnels, lorsqu'il était impossible de surseoir à l'exécution de l'opération, par exemple si le report pouvait faire obstacle aux investigations concernant le bénéficiaire d'une opération suspectée de blanchiment ou de financement de terrorisme (article L561-16 du CMF).

L'exécution de la déclaration de soupçons est assortie d'une obligation de confidentialité dont la méconnaissance est sanctionnée par une amende de 22500 euros.

Sauf, pour les organismes financiers qui appartiennent au même groupe, même réseau, même structure, ils sont autorisés à s'informer mutuellement de l'existence et du contenu de la déclaration de soupçon.

L'obligation de déclaration étant une obligation légale, aucune poursuite civile ou pénale pour dénonciation calomnieuse ou atteinte au secret professionnel ne peut être intentée contre un professionnel assujetti qui a effectué de bonne foi une déclaration  auprès de la cellule de renseignement national (article L561-22 du CMF).

Les professionnels assujettis vont être contrôler. Ainsi, les organismes financiers sont contrôlés par la commission bancaire, l'AMF et l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Les professions juridiques seront contrôlées par leurs ordres.  Les agents immobiliers, les représentants des casinos, les sociétés de domiciliation seront contrôlés par une commission nationale crée par décret en Conseil d'État.

Cette commission pourra prononcer des sanctions comme : blâme, interdiction temporaire d'exercer l'activité professionnelle, retrait d'agrément ou de la carte professionnelle, éventuellement une amende ne pouvant dépasser 5000000 euros (article 561-40 du CMF).  Ces sanctions sont administratives.

Des sanctions pénales sont également prévues en cas d'inexécution des obligations de déclaration de soupçon. En effet, si les professionnels ont manqué à leurs obligations, ils pourraient être poursuivis pour blanchiment ou complicité de blanchiment.

L'article L572-1 prévoit par exemple que les changeurs manuels encourent 2 ans d'emprisonnement et une amende de 30000 euros s'ils communiquent des informations inexactes à la commission bancaire chargée d'effectuer le contrôle administratif.

L'article L574-4 du CMF punit d'une amende de 15000 euros les représentants légaux des casinos, des groupements et cercles de jeux et des sociétés de jeux qui ne se soumettraient pas aux inspections anti-blanchiment de la cellule du TRACFIN... 

-         L'obligation d'appliquer les mesures de gel d'avoirs prises par le ministre.

La loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme à instauré une procédure de gel des avoirs de personnes physiques ou morales qui commettent ou tentent de commettre, des actes de terrorisme. L'article L562-3 du CMF prévoit que les professionnels assujettis et qui détiennent ou reçoivent des fonds, instruments financiers ou ressources économiques, sont tenus d'appliquer les mesures de gel ou d'interdiction qui auraient été prises par le ministre de l'économie et des finances en application de l'article L562-2 du CMF.

L'article L562-2 du CMF déclarant : «En application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel  pour une durée de six mois renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales, organismes ou entités qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources susmentionnés sont également gelés».

c. L'obligation de déclaration d'infraction au procureur de la république.

L'article L561-1 du CMF impose aux personnes qui ne sont pas mentionnées à l'article L561-2 du CMF et qui dans l'exercice de leur fonction, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, de déclarer au procureur de la République les opérations dont elles ont eu connaissance et qui portent sur les sommes qu'elle savent provenir d'une des infractions mentionnées à l'article L561-15 du CMF.  Pour que joue cette obligations il ne suffit donc pas de soupçons. Il faut avoir la certitude que les sommes sont les produits d'une infraction.

L'article L561-1 alinéa 2 prévoit que les déclarations d'infraction faites de bonne foi n'exposent pas les personnes déclarantes à une responsabilité civile ou pénale.

L'alinéa 3 ajoute que les déclarations d'infraction au procureur de la République sont, elles aussi, confidentielles et que la méconnaissance de la confidentialité est  punie de l'amende de 22500 euros par l'article L574-1 du CMF.

Enfin,  cet article prévoit que le procureur de la République informe la cellule de renseignement financier nationale (le TRACFIN) et que ce service lui fournit tout renseignement utile.

B. Les obligations faites aux particuliers.

On distingue deux types de mesures : l' interdiction du paiement en espèces de certaines dettes (1) et l'obligation de déclaration de transfert en direction ou en provenance de l'étranger (2).

1. L'interdiction du paiement en espèces de certaines dettes.

Sauf exception prévues au III de l'article L112-6 du Code monétaire et financier (CMF), parmi lesquelles figurent  les paiements effectués entre personnes physiques n'agissant pas pour un besoin  professionnel et les paiements des dépenses de l'État et des autres personnes publiques, le paiement en espèces d'une dette supérieure à 3000 euros est interdit par l'article L112-6, I alinéa.

Il en va de même, au-delà d'un montant mensuel fixé par décret, du paiement des traitements et salaires, lesquels doivent être effectués par chèque ou virement.

L'article L112-7 du CMF punit les infractions aux dispositions de l'article L112-6 d'une amende fiscale : le montant est fixé compte tenu des manquements et ne peut excéder 5% des sommes en cause. Le débiteur et le créancier sont solidairement tenus du paiement de cette amende*.

* (incombe pour moitié au débiteur et au créancier ; mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total).

2. Obligation de déclaration de transfert en direction ou en provenance de l'étranger.

L'article L152-1 du CMF dispose que les personnes physiques qui transfèrent vers un État membre de l'Union Européenne ou en provenance d'un État membre de l'Union Européenne, des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit ou d'un organisme ou service mentionné à l'article L 518-1 (Trésor public, Banque de France et la Poste) doivent en faire la déclaration des lors qu'il s'agit d'un montant égal ou supérieur à 10000 euros.

 La méconnaissance de cette obligation, est puni d'une amende égale au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction.

SOURCES :

La lutte contre le blanchiment des capitaux, David G. Hotte et Virginie Heem. L.G.D.J

Convention de Vienne du 20 décembre 1988:

Déclaration de Bâle du 12 décembre 1988: http://www.bis.org/publ/bcbsc137fr.pdf

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