Responsabilité du directeur de la publication: même en cas d'externalisation ?

Publié le 23/02/2016 Vu 20 604 fois 0
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Le responsable de la communication est responsable de la ligne éditoriale d’un média. Un lourde responsabilité pénale pèse sur ses épaules en cas de délit de communication. Il représente l’actionnaire. Son rôle a dû être précisé avec le développement des nouvelles technologies qui permettent de nouvelles formes d’expression. La Cour de cassation s’ est récemment prononcée sur le régime de la responsabilité du directeur de la publication en cas d’externalisation d’un service de modération sur un espace de contribution personnelle en ligne.

Le responsable de la communication est responsable de la ligne éditoriale d’un média. Un lourde responsabi

Responsabilité du directeur de la publication: même en cas d'externalisation ?

Le directeur de publication est la personne chargée au sein d’une entreprise de presse de rendre le contenu éditorial public. Si ce contenu est illicite, il engage sa responsabilité pénale. Cette responsabilité est incontournable.

Le rôle du directeur de publication est d’abord apparu nécessaire dans la presse écrite, puis il s’est entendu au secteur de l’audiovisuel (loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle), et enfin  à celui du numérique (loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004). Il doit désormais veiller sur de nouveaux contenus, c’est le cas des espaces de contributions personnelles en ligne.

Dans le cas d’un site web ou d’un blog, l’éditeur est considéré comme directeur de publication. Il doit donc assumer la responsabilité du contenu.

Les contributions étant de plus en plus nombreuses, certaines entreprises font appel à des prestataires externes pour gérer leurs services de modération.

Après avoir pris en compte différents facteurs, la Cour de cassation a estimé dans un arrêt du 3 Novembre 2015, que malgré l’externalisation du service de modération,  la responsabilité du directeur de publication d’un site internet devait être engagée dans la mesure où il pouvait exercer son devoir de surveillance.

Cette conception stricte de la responsabilité du directeur de publication mérite d’être questionnée.

I – La responsabilité du directeur de publication d’un site internet 

L’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982,  sur la communication audiovisuelle modifiée par la LCEN précise que « Tout service de communication au public par voie électronique est tenu d'avoir un directeur de la publication. ». Le directeur de publication exerce de lourdes responsabilités. Il est pénalement responsable de toutes les publications du service qu’il dirige.

Les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse mettent en place un mécanisme de responsabilité en cascade en matière de délits de presse où le responsable de premier rang est le directeur de publication. La simple démonstration de la qualité de responsable de publication conduit donc à admettre sa responsabilité. Il est ainsi quasiment impossible pour lui de s’en exonérer.

Le directeur de la publication est obligatoirement le représentant légal de la personne morale éditrice d'une publication, sa désignation est donc imposée.

Alors qu’en droit pénal, seul l’auteur d’une infraction est punissable, le régime de responsabilité pesant sur le directeur de publication fait exception et est très strict. Il est défini par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982.

Les dispositions de cet article écartent les difficultés relatives à l’identification des auteurs de propos illicites en faisant peser la responsabilité pénale sur le directeur de publication, personne facilement identifiable. Cela permet de garantir à la victime d’être indemnisée.

Dans le cas d’un site web ou d’un blog , il y a un nécessaire travail de qualification de l’auteur pour différencier le directeur de publication, de l’éditeur et de l’hébergeur.

La LCEN a instauré un nouveau régime, celui de la communication au public en ligne. Cette loi permet notamment de ne pas automatiquement assimiler un hébergeur de site à un éditeur. Elle allège ainsi le régime de responsabilité pesant sur les hébergeurs de site qui ne sont plus tenus à une obligation générale de surveillance.

Ils pourront dans certains cas s’exonérer de leur responsabilité civile et pénale. L’engagement de leur responsabilité est étroitement lié à la notion de contrôle. C’est ce qu’il ressort de l’article 6-I-2 LCEN. L’hébergeur n’est ainsi pas responsable d’un contenu illicite lorsqu’il n’en a pas eu « effectivement connaissance ». Toutefois, la simple prise de connaissance par quelque moyen que ce soit suffit à engager sa responsabilité civile et pénale. Il doit alors réagir « promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible" (Art. 6-I-2 LCEN). Cette “connaissance des faits litigieux est présumée acquise” (Art.. 6-I-5) LCEN lorsqu’elle est notifiée par toute personne lésée ou intéressée.

II – L’affaire lefigaro.fr : Une conception stricte de la responsabilité pénale du directeur de publication d’un site internet

Le site du quotidien « Le Figaro » a  mis en place la possibilité d’alerter en temps réel un service de modération sur le contenu des messages déposés dans son espace de contributions personnelles.  Ce service a été externalisé. Afin que le commentaire soit validé et publié par les modérateurs, il doit être conforme à la charte d’utilisation du service.

Dans cette affaire, une personne avait alerté le service de modération d’un commentaire diffamatoire à son encontre. Le service de modération lui avait garanti le retrait du commentaire litigieux. Deux jours plus tard, le commentaire était maintenu sur le site. Le destinataire des propos diffamatoires a alors réitéré sa notification. Le message n’ayant pas été retiré de suite, elle a porté plainte.

La Cour a estimé que le directeur de la publication n’avait pas retiré suffisamment rapidement le message diffamatoire alors qu’après deux alertes de la personne concernée, il aurait pu le faire. Le directeur de publication était ainsi en mesure d’exercer son devoir de surveillance. Il ne pouvait pas « utilement se prévaloir, ni de ce que ladite fonction de modération aurait été externalisée, ni du bénéfice des dispositions régissant la responsabilité pénale des hébergeurs du site ».

Le fait d’externaliser un service de modération ne permet donc pas de déroger au régime institué par l’article 93-3 de la loi sur la communication audiovisuelle modifiée, alors même que le dysfonctionnement était imputable à un prestataire externe. C’est une décision particulièrement protectrice des victimes que la haute juridiction a rendu dans cet arrêt du 3 Novembre 2015.

SOURCES :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=74A3E29B4848B8A1111167705A68CCE6.tpdila15v_3?cidTexte=JORFTEXT000000880222&dateTexte=20151228

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000801164

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000031449831

http://www.legalis.net/spip.php?page=breves-article&id_article=4802

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