CDD IRREGULIERS REQUALIFIES EN CDI « VITE FAIT BIEN FAIT » ?

Publié le Modifié le 22/04/2014 Vu 4 090 fois 0
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Il convient de commencer par un bref rappel juridique de principe « qui va sans dire mais, qui va toujours mieux en le disant »…Quel que soit le motif pour lequel est conclu un CDD, il ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Conclu en dehors du cadre légal, il peut être considéré comme un CDI.

Il convient de commencer par un bref rappel juridique de principe « qui va sans dire mais, qui va toujours mi

CDD IRREGULIERS REQUALIFIES EN CDI « VITE FAIT BIEN FAIT » ?

Cette possibilité d'obtenir la requalification en CDI d'un CDD irrégulier est expressément prévue par la loi.

Cette requalification est notamment possible lorsque :

- aucun écrit n’est établi,

- le contrat ne comporte pas la définition précise de son motif,

- la relation contractuelle se poursuit après l’échéance du terme.

Pour se faire, le salarié demandeur doit présenter sa réclamation devant le juge prud'homal et le Code du travail prévoit une procédure particulière, rapide et sans conciliation préalable.

La procédure prud'homale de requalification d'un CDD en CDI est une procédure d'exception : le bureau de jugement des prud'hommes est saisi directement, sans phase de conciliation préalable.

L'affaire est donc portée directement devant le bureau de jugement pour qu'il :

- statue en urgence,

- juge la relation de travail à durée déterminée soumise à son examen illicite en raison de faits comme de la violation d'un certain nombre de dispositions légales,

- décide de requalifier la relation de travail à durée déterminée en relation de travail à durée indéterminée avec toutes conséquences de droit (transformation automatique de la nature du contrat de travail + indemnisation du salarié passé du CDD au CDI).

Dans cette affaire, il s’agissait d’une salariée et de plusieurs collègues de sa société, engagés par CDD successifs, qui avaient saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de leurs contrats en CDI. Le conseil de prud’hommes avait procédé à cette requalification. En parallèle, la société les avait informés par courrier que la relation de travail prendrait fin au terme prévu par leurs CDD.

Quid juris : l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit-elle être considérée comme faisant partie intégrante du « procès équitable » ?

En effet, il en résulterait que lorsqu’une décision, exécutoire par provision, ordonne la requalification d’un CDD en CDI, la rupture du contrat de travail intervenue postérieurement à la notification de cette décision au motif de l’arrivée du terme stipulé dans ledit CDD serait nulle.

En l’espèce, pour rejeter la demande des salariés tendant à l’annulation de leur licenciement et à leur réintégration, les arrêts avaient retenu que le défaut d’exécution volontaire d’un jugement assorti de l’exécution provisoire, mais frappé d’appel, ne saurait caractériser en soi une atteinte au droit d’accès à la justice et que les salariés ne justifiaient pas de ce que la rupture du contrat était précisément intervenue à raison de l’instance en cours.

La haute juridiction ne suit pas ce raisonnement. Elle précise que sans vérifier si les jugements ordonnant la requalification du CDD en CDI avaient été notifiés à l’employeur par le greffe du conseil de prud’hommes, avant le terme du CDD, objet de la requalification en CDI, la cour d’appel avait privé sa décision de base légale.

Il faut en comprendre qu’est sans effet la rupture du contrat de travail fondée sur une prétendue arrivée à échéance du terme initialement fixé, qui intervient postérieurement à la notification à l'employeur du jugement, exécutoire de plein droit à titre provisoire, ayant requalifié le CDD en CDI et ordonné sa poursuite au-delà de son terme.

De plus, pour rejeter les demandes de la salariée tendant à la nullité du licenciement et à sa réintégration, l’arrêt retenait qu’elle revendiquait la protection bénéficiant aux délégués syndicaux à raison de sa désignation. Or, c’est seulement si la rupture du contrat de travail d’un délégué syndical n’a pas été précédée de la saisine de l’inspection du travail qu’elle est en principe nulle.

Quid juris : la salariée bénéficiait-elle du statut protecteur au moins un mois avant le terme du contrat ?

Ce laps de temps correspond au délai de saisine de l’inspection du travail prévu par l’article L. 2421-8 du code du travail.

Une fois encore, la chambre sociale de la Cour de cassation ne va pas dans le sens de l’arrêt de la Cour d’appel de Bastia. Cette dernière avait ordonné la requalification de la relation de travail en CDI, sans rechercher si la lettre du syndicat notifiant la désignation de la salariée comme déléguée syndicale n’avait pas été reçue par l’employeur ou, si celui-ci n’avait pas eu connaissance de l’imminence de la désignation de la salariée comme déléguée syndicale, avant l’envoi de la lettre notifiant la rupture du contrat.

L'article L. 2421-8 du code du travail dispose que l'arrivée du terme du CDD entraine la cessation du lien contractuel sans que l'employeur soit tenu de saisir l'inspecteur du travail si le salarié ne bénéficie du statut protecteur que depuis moins d'un mois. En revanche, l'employeur a l'obligation de saisir l'inspecteur du travail avant toute rupture de la relation de travail intervenue postérieurement à la requalification du CDD en CDI dès lors qu'il a eu connaissance de la désignation du salarié comme délégué syndical avant la mise en œuvre de la procédure de licenciement.  En décidant le contraire, la cour d'appel avait violé l'article L. 2421-8 du code du travail par fausse application.

Ce que l’on doit retenir de cette jurisprudence, c’est qu’en matière de requalification d’un CDD en CDI, la réflexion prédomine sur la précipitation…

Comme chacun l’aura compris, la frontière entre les deux types de contrats peut « en un éclair » être franchie telle une sorte de « mur du son ». Aussi, la vigilance doit être le maître-mot des actions menées par les services ressources humaines des entreprises. Quand on sait que l’erreur ou l’oubli peut coûter très cher mieux vaut s’en prémunir… Lorsqu’on a été prévenu de ce qu’on doit craindre ou de ce qu’on doit faire, n’est-on pas, pour ainsi dire, doublement en état de prendre ses précautions ou ses mesures ? « Un homme averti en vaut deux »…

Nadia RAKIB

Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL

www.clindoeil-social.com

Sources

Cass. soc., 18 déc. 2013, no 12-27.383, no 13-10.908, no 13-10.909, no 13-10.910, no 13-10.915, no 13-10.916, no 13-10.917, no 13-10.918, no 13-10.924, no 13-10.925, no 13-10.926, no 13-10.-927, no 13-10.932, no 13-10.934, no 13-10.935, no 13-10.936, no 13-10.937

Arrêts rendus le 28 mars 2012 par la cour d’appel de Bastia

Articles L. 1121-1, L. 1245-1, R. 1245-1 du code du travail, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Article L. 2411-3 du code du travail

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