Les idées ne peuvent justifier une interdiction du territoire (CEDH, 20 mai 2010, Cox c/ Turquie)

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Les idées ne peuvent justifier une interdiction du territoire (CEDH, 20 mai 2010, Cox c/ Turquie)

Le titre de ce billet peut paraître parfaitement logique : une idée ne doit pas justifier l'interdiction de territoire. Une telle restriction n'est ni nécessaire dans une société démocratique, ni proportionnée par rapport à la protection d'un intérêt, quand bien même cet intérêt est légitime. Pourtant, la Cour Européenne a encore eu à se prononcer, très récemment, sur cette question.

Dans cette affaire, une universitaire américaine avait critiqué publiquement, devant ses collègues et étudiants, le déni de la culture kurde et le génocide arménien commis par les turcs. Estimant que ces affirmations constituaient un trouble pour l'ordre public, le Ministère de l'Intérieur turc prononça son expulsion de Turquie, et l'interdiction de territoire. Après avoir épuisé les voies de recours internes, la requérante porta le litige devant la Cour de Strasbourg.

De manière très logique, dans son arrêt du 20 mai 2010, la Cour affirme que les motifs ne sont ni pertinents ni suffisants.

Elle rappelle son arrêt fondateur Handyside contre Royaume Uni, en date du 7 décembre 1976. D'après cet arrêt, la liberté d'expression, protégée par l'article 10 de la Convention Européenne, doit également s'appliquer aux « idées qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction de la population ». Toute restriction, dès lors, doit faire l'objet d'un contrôle des plus stricts.

En l'espèce, la requérante s'était trouvée privée de la possibilité de communiquer des informations – à tout le moins son opinion – sur « des sujets qui font encore l'objet d'un débat enflammé, non seulement en Turquie mais aussi au niveau international » (§42).

Il convient de préciser que les faits ont eu lieu entre 1985 et 1995. A titre d'exemple, le Parlement européen a reconnu le génocide arménien le 18 juin 1987 ; le Conseil de l'Europe, le 24 avril 1998 ; la France l'a reconnu par une loi du 29 janvier 2001. Il est donc indéniable qu'au moment où se déroulent les faits d'espèce, la question était vive. Elle l'est, au demeurant, toujours.

Dès lors, la Cour conclut logiquement à la violation de l'article 10 de la Convention.

Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence strasbourgeoise. La Cour souligne en effet que tout pays doit fournir des efforts pour « débattre ouvertement et sereinement de sa propre histoire ». Nous pouvons notamment faire référence aux arrêts Lehideux et Isorni contre France (23 sept. 1998, sur le rôle de Pétain pendant la seconde Guerre mondiale), et Orban contre France (15 janvier 2009, sur le recours aux exécutions sommaires et à la torture en Algérie).

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Pierre Lebriquir
Avocat au barreau de Paris
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