Les sources constitutionelles du droit administratif

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Les sources constitutionelles du droit administratif



Séance de TD numéro  4:Les sources constitutionnelles :




Sujet : Juge administratif , juge constitutionnel



La notion de juge  administratif sous entend  les juges des tribunaux administratifs , des cours administratives d'appel et principalement  du Conseil d'Etat .

Le juge administratif est chargé de faire respecter le principe de légalité et doit se soumettre à la hiérarchie des normes . Le principe de légalité est la règle selon laquelle l'administration doit agir conformément au droit . Les règles juridiques que l'administration est tenue de respecter dans un Etat de droit sont essentiellement écrites , et si elles ne le sont pas , elles s'imposent à elles .

La pyramide de  Kelsen  définit la hiérarchie des normes en droit administratif . Ainsi toute norme qui est à l'étage inférieur doit respecter l'étage supérieur . Au sommet de la pyramide se trouvent les normes à valeurs constitutionnelle c'est à dire le bloc de constitutionnalité , les engagements internationaux , les lois , les normes crées par le juge administratif , et finalement les actes administratifs .


Le bloc de constitutionnalité comprend la constitution de 1958 , la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que le préambule de 1946 , la charte de l'environnement et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république .

Le juge constitutionnel en France est par essence le Conseil constitutionnel . Le Conseil constitutionnel est une institution française créée par la Constitution de la Cinquième République du 4 octobre 1958. Il veille à la régularité des principales élections et référendums. Il se prononce sur la conformité à la Constitution des lois et de certains règlements avant leur entrée en vigueur et intervient également dans certaines circonstances de la vie parlementaire et publique.

Ce n'est pas une Cour suprême puisque le Conseil d'État et la Cour de cassation sont respectivement au sommet des ordres administratif et judiciaire. Cependant, ses décisions s'imposent « aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles" ( article 62_2 de la constitution ) .

Norme suprême au sommet de l'ordre juridique , la Constitution s'impose de manière immédiate aux autorités administratives comme au législateur , le conseil d'Etat à rappelé que la Constitution demeurait un texte fondamental dans l'ordre juridique français , ainsi les engagements internationaux , ne peuvent prévaloir sur la Constitution .
Le Conseil d'Etat  se présente t ' il  comme  juge constitutionnel  ?
La question est de savoir si le Conseil d'Etat empiète sur les pouvoirs du conseil constitutionnel , en vérifiant la constitutionnalité  des actes administratifs  par rapport aux lois .

Le juge administratif, dans un litige , est saisi d'un recours contre un acte administratif , et le justiciable soutient que cet acte est contraire au principe de légalité . A l'occasion de ce litige , le juge administratif peut avoir à apprécier des éléments du bloc de légalité  .

La constitution apparaît comme une norme fondamentale , le droit administratif tire ses bases de la constitution .
Si se refuse à contrôler la conformité d'une loi à la constitution , le juge administratif censure les actes administratifs pris en méconnaissance d'une règle constitutionnelle dont il apprécie la portée .

I/ Le juge administratif ne contrôle pas la constitutionnalité d'une loi :

1) Primauté de la constitution dans la hiérarchie des normes  :

L'arrêt Sarran  pris en Conseil d'Etat en 1998 consacre la primauté de la constitution dans la hiérarchie des normes ainsi que la primauté de la constitution sur le traité . La suprématie conférée aux engagements internationaux (par l'art. 55 de la Constitution) ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle .L 'Assemblée du contentieux du Conseil d'État a jugé que la hiérarchie des normes juridiques qui découle en France des articles 54 et 55 de la Constitution fait de la Constitution la norme suprême et des normes internationales des normes subordonnées. La reconnaissance de la supériorité de la norme constitutionnelle ressortait déjà de l'arrêt Koné du 3 juillet 1996 .

Le conseil d'Etat dans l'arrêt Sarran estime que la suprématie conférée par l'article 55 aux traités sur les lois , ne s'applique pas aux dispositions de nature constitutionelle ; le juge administratif , juge interne se veut garant de la constitution sur le traité . Dans l'arrêt " Fraisse " la cour de cassation reprend le raisonnement du Conseil d'Etat .

" La Constitution est par nature supérieure à toutes les normes juridiques dont elle détermine elle-même la valeur "

L'arrêt Rouquette du Conseil d'Etat en 1999 déclare qu'il " n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier la conformité de la loi à un principe constitutionnel " . Ainsi le juge administratif n'est pas juge de la constitutionnalité des lois .

Le conseil d'Etat à admis que le préambule de la Constitution et les déclarations de droits auxquelle elle renvoie à une force juridique identique au texte même de la Constitution ( CE , 12 février 1960 ; Sté Eky )  Position confirmée par le Conseil constitutionnel le 16 juillet 1971.

le juge administratif ,ne vas pas à l'encontre de la jurisprudence constiutionnelle par ex : (CE ASS 23 octobre 2002 )


2) Le principe de la loi écran :

Par l'arrêt Arrighi du 6 novembre 1936, le Conseil d'État a affirmé la théorie dite de la Loi-écran, refusant le contrôle de constitutionnalité d'une loi promulguée.

Le requérant demandait l'annulation de décrets pris en application d'une loi dont il jugeait les dispositions contraires à la Constitution. Le Conseil d'État l'a débouté, s'estimant incompétent. En effet, le juge administratif étant le juge de l'administration, donc de l'exécutif, il ne peut, en vertu de la séparation des pouvoirs, se permettre de censurer un acte pris par le pouvoir législatif : il est le serviteur de la loi, et non son juge. Le juge administratif s'il censurait l'acte administratif , serait amené à reconnaître l'inconstitutionnalité de la loi .

La théorie de la loi écran résulte d'une jurisprudence selon laquelle le juge oridinaire ne peut refuser l'application d'une loi au motif de son inconstitutionnalité , la loi fait " écran " entre la constitution et les actes administratifs . Un acte administratif , conforme à une loi même inconstitutionnelle ne pourra être annulé .

En revanche lorsqu'aucune loi ne s'intercale pas entre l'acte administratif et la Constitution et son préambule , le juge administratif n'hésite pas à opérer son contrôle . ( arrêt Quintin 17 mai 1991 )

Des décrets ayant été pris en application d'une loi inconstitutionelle car elle avait oublié d'imposer les contreseings nécessaires , le juge administratif s'interdit de connaître de leur irrégularité . Il ne peut se mêmer de censure la constitutionnalitré d'une loi , compétence réservée au conseil constitutionnel ( CE 10 juillet 1954 : Fédération des conseils des parents d'élèves )

Depuis 1958 , le Conseil constitutionnel , contrôle la constitutionnalité d'une loi .

Réaffirmation du principe de la loi écran dans l'arrêt Roujansky du 20 octobre 1989 .

Les normes constitutionnelles concernant le fonctionnement de l'administration , sont principalement celles qui fixent les domaines respectifs de la loi et du règlement ( Art 34 et 37 ) , le pouvoir réglementaire et de nomination du Président de la République et du Premier ministre , le contreseing des décrets , et la libre administration des collectivités locales .

Le juge administratif censure les actes administratifs pris en méconnaissance d'une règle constitutionelle , dont il apprécie la portée .


II/ Le juge administratif , juge constitutionnel des actes administratifs :


Dans un article célèbre de 1954 , Georges Vedel , tout en rappellant que le juge administratif , n'a généralement pas à remonter jusqu'au sources constitiutionnelles pour trancher de la légalité des actes administratifs précisait que dans certaines hypothèses la confrontation avec le texte constitutionnel était nécessaire .
Dans l’arrêt du 16 décembre 2005, Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, le Conseil d’Etat considère qu’il n’est pas juge de la conformité de la loi à la Constitution mais qu’il se borne à constater que la Constitution a implicitement abrogé une loi antérieure.


1) Contrôle de constitutionnalité des actes administratifs de transposition des directives :

Le Conseil d’Etat accepte de vérifier qu’un acte administratif n’est pas contraire ou est contraire à une disposition constitutionnelle.
Dans un arrêt du 11 juillet 1956 Amical des annamites de paris ce dernier accepte de contrôler la liberté d’association au regard de la Constitution.En revanche, il refuse de vérifier la conformité d’une loi à la Constitution.
Le  Conseil d’Etat a fait une exception à ces principes pour les directives européennes. L’article 88 de la Constitution pose une obligation constitutionnelle de transposer des directives.

Le conseil constitutionnel s’interdit de contrôler la conformité des lois par rapport aux traités.Il a estimé que ce contrôle doit être fait par le juge administratif et le juge judiciaire à l’occasion d’un litige.

Le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur un problème voisin. Il arrive qu’une directive ne soit pas transposée par une loi en France mais par un décret du premier ministre. Le Conseil d’Etat a été saisi d’un recours contre un décret relatif au système d’échange de quota d’émission de gaz à effet de serre. La société Arselor estimait que le décret était contraire au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre. Cependant, ce décret se bornait à transposer une directive communautaire. Si le Conseil d’Etat accepte de vérifier que le décret n’est pas contraire à la Constitution, indirectement, il contrôle la directive.
Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 8 février 2007 va accepter de contrôler un décret de transposition par rapport à la Constitution. Le Conseil d’Etat rappelle qu’au terme de l’article 55 de la Constitution, les traités ont une autorité supérieure à celle de la loi. Il ajoute cependant que la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne saurait n’imposer dans l’ordre interne aux principes et aux dispositions à valeur constitutionnelle. Il s’agit là d’une réaffirmation de l’arrêt Sarran.
D’un côté les directives ne peuvent être contrôlées que par la CJCE et d’un autre côté, il incombe au Conseil d’Etat de contrôler la légalité des actes administratifs. Il va accepter d’exercer le contrôle. Il ne va pas annuler le réglement ou la directive, il annulera éventuellement le décret qui la transpose.

2) Sur le  pouvoir réglementaire au sein de l'exécutif :

En vertu de l'article 21 de la Constitution , le premier ministre assure l'exécution des lois et sous réserve des dispositions de l'article 13 exerce le pouvoir réglementaire . L'article 13 prévoit que le président signes les ordonnances et décrets pris en conseil des ministres . 90% des décrets sont signés par le Premier ministre . La Vème République est marquée par une présidentialisation du régime. Le président domine l’exécutif hors cohabitation. Jusqu’en 1992, le Conseil d’Etat jugeait qu’il n’y avait lieu à prendre un décret en conseil des ministres que quand la constitution ou une loi l’avait prévu.
Cependant le Conseil d'Etat dans un arrêt du 10 septembre 1992 , elle ouvre au Président de la République la faculté illimitée d'élargir le champ des matières entrant dans sa compétence réglementaire d'attribution, dès lors qu'il provoque l'inscription d'un projet de décret à l'ordre du jour du Conseil des ministres. En effet, tout décret délibéré en Conseil des ministres est considéré depuis cet arrêt  comme un décret du Président de la République. En conséquence, seul un décret du Président de la République peut modifier ou abroger un décret délibéré en Conseil des ministres, ce qui réduit d'autant le pouvoir réglementaire du Premier ministre.  Le Conseil d'Etat dans son arrêt Sicard de 1962  jugé que de tels décrets étaient légaux dès lors que le premier ministre les avait également signés. Le Conseil d’Etat s’est efforcé au fil du temps de soumettre l’ensemble des actes de l’exécutif à son contrôle à condition qu’il s’agisse d’actes administratifs.


L'arrêt Collas rendu le 9.9.96 par le Conseil d'Etat tempère la portée de l'arrêt Meyet en permettant au Premier ministre de modifier ponctuellement ou substantiellement, voire d'abroger un décret pris en Conseil des ministres dès lors que par ailleurs, un décret du Président de la République (pris en Conseil des ministres) l'autorise expressément à exercer son propre pouvoir réglementaire. L'élargissement de la compétence réglementaire du Président de la République que l'on croyait laissée à sa seule discrétion (1992) n'est pas irréversible(1996). Si un décret délibéré en Conseil des ministres prévoit la possibilité de modifier un décret du Président de la République par un décret du Premier ministre, ce dernier réinvestit son champ de compétence réglementaire.

Dans un arrêt du 2 mars 1962 (arrêt Rubin de Servens), le Conseil d’Etat a noté que la décision présidentielle de mettre en oeuvre l’article 16 était un "acte de gouvernement" (c’est-à-dire un acte insusceptible de recours juridictionnel). Il a également souligné qu’il ne pouvait être saisi que de recours contre des mesures relevant du domaine réglementaire. Dès lors, une mesure prise dans le cadre de l’article 16, relevant du domaine législatif, et violant les libertés fondamentales, ne peut être déférée à aucun juge.


Les ordonnances :

En vertu de l’article 38 « le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnance, durant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres. Elles doivent être ratifiées par le Parlement. L’ordonnance doit être signée par le Président de la République qui préside le Conseil des ministres.
Tant qu’elle n’est pas ratifiée, la ratification pouvant être implicite, l’ordonnance devient incontestable devant le juge administratif.
Le commissaire du gouvernement Bonichot, sous un arrêt du 3 juillet 1998 du Conseil d'Etat  , dans ses conclusions, a expliqué les modalités de contrôle. Le Conseil d’Etat va vérifier que le gouvernement a respecté les termes de la loi d’habilitation. Il a ajouté que le Conseil d’Etat vérifiera également que l’ordre respecte les principes généraux du droit (supérieurs aux actes administratifs et inférieurs à la loi).

La Constitution attribue un pouvoir règlementaire autonome, qui existe sans fondement législatif, au premier ministre. Le Conseil d’Etat a refusé de reconnaître un tel pouvoir règlementaire autonome à d’autres autorités que le premier ministre. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a refusé un pouvoir règlementaire autonome aux ministres. Cela ne veut pas dire que le ministre ne prend jamais d’acte règlementaire.( arrêt Jamart 7 février 1936 )

Une fois qu’une loi est promulguée elle devient exécutoire. Il y a donc une présomption d’applicabilité de la loi. Cela étant le Conseil d’Etat peut juger que la loi n’est pas assez claire, précise, et qu’elle ne sera applicable que par des décrets d’application. Même si la loi prévoit des décrets d’application, le Conseil d’Etat peut juger qu’elle est assez claire pour être applicable sans décret.

On voit donc qu'il y a des exeptions au principe de la loi écran dans certaines conditions , car le droit administratif à des bases constitutionelles . Les dispositions constitutionelles posent parfois des difficultés d'interprétation , que le juge judiciaire , le juge administratif et le conseil constitutionnel se devront de résoudre .

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