Les subventions font partie intégrantes des domaines protégés par l’Organisation Mondiale de Commerce. Elles sont protégées par L'Accord de l'OMC sur les subventions et les mesures compensatoires (Accord SMC). Cet accord soumet à des disciplines le recours à des subventions, et réglemente les mesures que les pays peuvent prendre pour compenser les effets de subventions. Aux termes de l'Accord, un pays peut faire appel à la procédure de règlement des différends de l'OMC pour obtenir le retrait d'une subvention ou la suppression de ses effets défavorables. Il peut aussi engager lui-même une enquête qui aboutira à l'imposition d'un droit supplémentaire appelé « droit compensateur » sur les importations subventionnées dont il est constaté qu'elles portent préjudice aux producteurs nationaux.
C’est dans ces termes que les Américains ont poursuivi l’Union Européenne en 2004 devant l'Organe de Règlement des Différends de l'OMC des présupposées subventions versées par l'Union, la France, l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni au constructeur aéronautique européen Airbus.
Les Etats-Unis cherchaient à prouver que ces quatre Etats européens précités ont accordé à Airbus pas moins de 205 milliards d'euros d'aide illégale au cours des 30 dernières années. Cette somme aurait permis à l'entreprise de « poursuivre une stratégie agressive visant à augmenter sa part de marché" et de "lancer une série de grands modèles d’aéronefs civils » à une échelle et à un rythme « qu’elle n’aurait jamais pu atteindre sans subventions ».
Aux origines du GATT, on n’accordait peu d’attention aux incidences commerciales des subventions, mais les parties contractantes se sont vite rendu compte qu’elles devaient s’en préoccuper pour garantir la valeur des concessions tarifaires dont elles étaient convenues. Un pays peut très bien affaiblir les engagements qu’il a pris en matière d’accès aux marchés en accordant des subventions à des secteurs qui concurrencent les importations.
Par ailleurs, les subventions accordées aux exportateurs concurrents de pays tiers peuvent détourner les échanges d’un pays qui comptait sur l’accès négocié à ces marchés. Ces préoccupations ont donné lieu à l’élaboration de disciplines plus strictes que celles qui étaient prévues initialement dans le GATT (de 1947). Une étape majeure a été la négociation du “Code des subventions“ plurilatéral durant le Tokyo Round, puis de l’Accord de l’OMC sur les subventions et les mesures compensatoires (Accord SMC) et de l’Accord sur l’agriculture.
Bien qu’il soit largement employé en économie, le terme “subvention“ est rarement défini. Souvent, il est utilisé comme un antonyme du mot taxe, désignant un transfert d’argent des pouvoirs publics à une entité du secteur privé. Les définitions des subventions font souvent la distinction entre deux catégories de destinataires: les producteurs et les consommateurs. Parfois aussi, elles font explicitement référence à la nationalité en faisant une distinction entre destinataires nationaux et étrangers.
Ni le GATT, ni le Code des subventions du Tokyo Round ne contenaient de définition du terme « subvention ». La situation a changé avec l’entrée en vigueur de l’Accord SMC de l’OMC. L’article premier de l’Accord, intitulé « Définition d’une subvention », énonce les conditions dans lesquelles une subvention est réputée exister. Premièrement, il faut qu’il y ait « une contribution financière des pouvoirs publics ou de tout organisme public » (article 1.1 a) 1)). Les transferts directs de fonds, y compris les transferts potentiels, tels que les garanties de prêt, ii) l’abandon de recettes publiques normalement exigibles, et iii) la fourniture de biens ou de services autres qu’une infrastructure générale par les pouvoirs publics. Sous ce dernier point sont également mentionnés les achats effectués par les pouvoirs publics.
L’article 1.1 a) 1) iv) précise qu’une subvention est aussi réputée exister si les pouvoirs publics font des versements à un mécanisme de financement, ou chargent un organisme privé d’exécuter une ou plusieurs fonctions des types énumérés aux alinéas i) à iii). Outre les contributions financières des pouvoirs publics au sens de l’article 1.1 a) 1), l’article 1.1 a) 2) mentionne toute forme de soutien des revenus ou des prix au sens de l’article XVI du GATT de 1994, c’est-à-dire le soutien qui a directement ou indirectement pour effet d’accroître les exportations d’un produit du territoire d’un Membre ou de réduire les importations de ce produit sur son territoire.
Par conséquent, du point de vue de la terminologie employée ci-dessus, l’Accord SMC semble exclure de sa définition d’une subvention les transferts relevant de la troisième catégorie (politiques de réglementation), mais il semble considérer de manière assez large les formes que les transferts peuvent prendre dans les deux autres catégories.
Sur ce, L’Accord sur les SMC définit deux catégories de subventions: les subventions prohibées et les subventions pouvant donner lieu à une action.
Subventions prohibées: ce sont les subventions assorties de l’obligation pour les bénéficiaires d’atteindre certains objectifs à l'exportation ou d’utiliser des produits nationaux à la place de produits importés. Elles sont prohibées car elles sont expressément destinées à fausser le commerce international et risquent donc de porter atteinte au commerce d’autres pays. Elles peuvent être contestées dans le cadre d’une procédure accélérée de règlement des différends à l’OMC.
Subventions pouvant donner lieu à une action: le pays plaignant doit ici démontrer que la subvention a un effet défavorable sur ses intérêts, sinon la subvention est autorisée. L’accord définit trois types de dommages susceptibles d’être causés. Les subventions accordées par un pays peuvent affecter une branche de production nationale d’un pays importateur. Elles peuvent léser les exportateurs d’un autre pays lorsque les deux pays se font concurrence sur des marchés tiers. Enfin, les subventions intérieures accordées par un pays peuvent léser les exportateurs qui entrent en concurrence sur le marché intérieur de ce pays.
C’est dans ces fondements que, l’OMC a déclaré dans un jugement rendu le mercredi 30 juin 2010 que les aides non remboursables perçues par Airbus depuis « 40 ans » étaient illégales, en particulier celles dédiées à l’A380, qualifiées de subventions à l’exportation.
Dans un rapport de 1000 pages, l’OMC estime que certaines aides européennes à Airbus sont illégales et constituent des subventions à l’exportation, provoquant une distorsion à la concurrence. L’OMC dénonce notamment des conditions de remboursement favorable à Airbus par l’octroi d’avances remboursables à des taux inférieurs au marché. Elle donc, demande le remboursement de ces subventions.
Mais cela n’aura pas d’impact sur l’intérêt stratégique des subventions? Si un Etat seulement a accordé une subvention pour ce segment du marché, l’entreprise devra rembourser. Mais ce remboursement ne fait que ramener le 16 à 10, c’est-à-dire au profit qu’aurait réalisé Airbus sans subvention si Boeing n’avait pas existé. Autrement dit, ce remboursement ne change pas fondamentalement l’immense avantage dont a bénéficié Airbus, sauf si Airbus doit aussi rembourser 6 milliards en ayant gagné que 1 milliards, c’est-à-dire si Boeing a vraisemblablement été subventionné de manière égale par les Etats-Unis. Mais comme expliqué, les Etats-Unis n’auraient eu aucun intérêt à une telle subvention si les Européens avaient été les premiers à l’annoncer. Ce cas est donc improbable.
Il est donc clair que même en sachant à l’avance qu’elles devront être remboursées, les subventions restent une arme terrible à la faveur du premier qui la dégaine. Le problème n’est donc pas près de disparaître.
par ISSA SAID