Maroc: Qu’est-ce qu’une « legal opinion » ?

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Maroc: Qu’est-ce qu’une « legal opinion » ?

Les entreprises marocaines – en particulier les banques – font face à une exigence croissante, de la part de leurs contreparties étrangères : la production d’une legal opinion.
La legal opinion, souvent rédigée en anglais, procède d’une pratique internationale et constitue une condition sine qua non de la conclusion de l’opération (condition precedent). Elle n’a évidemment pas force de loi, mais constitue un avis doctrinal qui, dans certaines hypothèses contentieuses, inspire le juge pour fonder sa décision.
Cette legal opinion a principalement pour objet de se prononcer, fermement, sur la question suivante : en l’état du droit qui lui est applicable et des documents sociaux qui la régissent, une entreprise peut-elle réaliser l’opération objet de la legal opinion ?
Parfois, cette legal opinion doit également couvrir la validité juridique, en droit marocain, d’une opération particulière, ce qui est différent de la question précédente : une opération peut être licite au regard du droit marocain sans que, pour autant, toute entreprise marocaine puisse la conclure. A l’inverse, une entreprise marocaine peut avoir la capacité juridique de conclure une opération qui, par ailleurs, est autorisée par le droit marocain ; mais certains contrats documentant cette opération peuvent comporter des clauses illicites sans pour autant remettre en cause la validité de l’intégralité de l’opération. Tel est le cas de certaines clauses (prévoyant, par exemple, un mécanisme de close out-netting) qui ont pour objet de faire échapper le contrat concerné au droit des faillites marocain : ce droit étant d’ordre public, les stipulations contractuelles ayant pour objet d’y déroger seront considérées comme étant nulles, sans que le contrat le soit dans son intégralité.
Deux questions essentielles se posent à l’entreprise devant produire une legal opinion : premièrement, quelle en est la portée ? Deuxièmement, qui doit l’émettre ?

La portée d’une legal opinion


Une confusion existe, parfois, entre la consultation juridique classique et la legal opinion. Or, un élément essentiel distingue ces deux exercices d’analyse et de rédaction juridiques : leur portée respective.
Alors que la consultation juridique peut laisser place à l’incertitude quant à la réponse apportée à la question objet de la consultation, il est exigé de la part du rédacteur de la legal opinion qu’il prenne une position juridique certaine sur la problématique dont il est saisi. Et si une incertitude existe, elle doit être limitée à l’aléa judiciaire ou administratif.
Au demeurant, la différence rédactionnelle entre la legal opinion et la consultation juridique traduit la place, ou l’absence de place, laissée à l’incertitude juridique : le conditionnel domine dans la consultation juridique, alors que ce mode de conjugaison doit être limité dans la legal opinion. La consultation juridique autorise les formules du type : «it could be argued that…”, “we think that”, “it should be considered that…”
Autant dire que de telles formules sont bannies dans la legal opinion au profit d’affirmations excluant l’incertitude : “We are of the opinion that…”, «We take the view that…”
L’architecture de la legal opinion, très standardisée au plan international, contribue à réduire la place de l’incertitude. Après un bref préambule présentant le contexte dans le cadre duquel le rédacteur est saisi, trois sections composent la legal opinion :
(i) “Assumptions” expose les éléments de fait sur le fondement desquels l’avis juridique est émis ;
(ii) “Opinion” comporte la position ferme prise par le rédacteur ;
(iii) “Qualifications” présente les éventuelles réserves émises par le rédacteur.
Dès lors, on comprend mieux que la legal opinion soit, au même titre qu’un contrat, l’objet de négociations serrées : son bénéficiaire cherchera la plus grande sécurité possible en jouant sur la sémantique employée par le rédacteur ; tandis que l’auteur prendra soin de limiter sa responsabilité.

Qui doit émettre la legal opinion ?


L’entreprise, de qui est exigée la production d’une legal opinion, dispose, théoriquement, de du choix de l’émettre ou d’en saisir un cabinet d’avocats.
Lorsque l’entreprise émet, elle-même, avec l’accord du bénéficiaire, la legal opinion, il est exigé que les signataires soient le directeur juridique et un mandataire social : l’implication de ce dernier illustre la gravité de cet acte que constitue la legal opinion.
Les considérations qui doivent présider à un tel choix sont de trois ordres : le coût, la responsabilité et le degré de sophistication de la question objet de la legal opinion.
S’agissant du coût, il est clair que la saisine d’un cabinet pour émission d’une legal opinion n’est pas neutre. En tout cas, la legal opinion est plus coûteuse que la simple consultation juridique, et ce, pour des raisons de responsabilité : sans aller jusqu’à soutenir que le cabinet serait tenu d’une obligation de résultat quant à l’exactitude de l’avis qu’il émet, il sera, c’est sûr, moins pardonnable en cas d’erreur qu’il ne le serait dans le cadre d’une consultation juridique.
C’est, du reste, pourquoi, un comité legal opinions existe dans les grands cabinets. Ce comité, qui réunit ceux des associés – généralement au nombre de trois –reconnus par leurs pairs comme étant les plumes les plus expertes, a pour mission de vérifier que le cabinet peut émettre une legal opinion pour couvrir la problématique posée et que, telle que rédigée, elle correspond au standard du cabinet.
En effet, l’émission d’une legal opinion ne va pas de soi et, sur certaines questions, un cabinet peut refuser d’en émettre une, en raison du risque important de responsabilité encouru.
En conséquence, l’entreprise qui se voit offrir, par tel cabinet, un avis juridique pour le tarif d’une consultation doit faire preuve de la plus grande prudence : elle doit interroger le cabinet sur sa bonne compréhension de la demande ; elle doit obtenir des assurances sur les critères précédemment exposés que doit satisfaire la legal opinion : l’architecture, la forme rédactionnelle et le fonds de la legal opinion.
Sur le plan de la responsabilité, le choix, pour une entreprise, d’émettre, elle-même, la legal opinion, ou d’en confier l’émission à un cabinet, est loin d’être neutre. Ainsi, dans certaines situations, la production d’une legal opinion n’entraîne le droit, pour un contractant, de résilier par anticipation les contrats concernés, aux torts exclusifs de son cocontractant, que si ladite legal opinion a été émise par le cocontractant lui-même. En revanche, si la legal opinion a été émise – non par le cocontractant – mais par son cabinet, alors l’autre partie au contrat ne dispose pas du droit de résilier les contrats par anticipation ; ou si la résiliation est tout de même prévue par le contrat, alors aucun tort ne pèsera sur le contractant dont le cabinet a émis la legal opinion inexacte.
Enfin, le dernier critère du choix tient à la complexité de la question qui sera l’objet de la legal opinion. Ce serait, pour une entreprise, s’exposer à un risque considérable que de se prononcer sur la validité d’une opération soulevant des questions juridiques inédites. Par exemple, la question juridique d’actualité au Maroc, depuis quelque temps, est de savoir si la loi marocaine admet la validité des garanties translatives de propriétés soumises à un droit étranger. Le recours à un cabinet offrant une réelle expertise de ce type d’opérations semble s’imposer, tant la difficulté est grande de se prononcer sur cette question.
En définitive, la legal opinion constitue une sorte d’assurance de validité de l’opération pour l’entreprise qui la requiert. Dès lors, l’entreprise marocaine qui se voit exiger la production d’une legal opinion par sa contrepartie étrangère, peut toujours en faire supporter le coût à cette dernière ; à tout le moins, le prix de cette legal opinion peut être un bon argument de négociation dans le cadre d’une opération complexe.

 

Auteur : Me Alain GAUVIN: Docteur en droit, avocat associé, Cabinet Lefèvre Pelletier & associés. Lanouvelletribune.com
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1 Publié par Visiteur
13/09/2010 09:14

Merci, pour cet utile et quasi unique commentaire de synthèse sur le sujet qui est une vrai nouveauté pour les juristes seniors.

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