Natation, soupçons de dopage, Conseil d'Etat

Publié le 28/08/2017 Vu 2 534 fois 0
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Le Conseil d'Etat a rejeté le recours du manager du Cercle des Nageurs de Marseille contre la sanction d'exercer ses fonctions à la suite de son refus d'autoriser un contrôle anti-dopage de ses nageuses : explications juridiques.

Le Conseil d'Etat a rejeté le recours du manager du Cercle des Nageurs de Marseille contre la sanction d'exer

Natation, soupçons de dopage, Conseil d'Etat

L’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD), appartient à la catégorie des autorités administratives indépendantes dotées de prérogatives de puissance publique qui lui permettent d’agir dans son champ d’intervention qui comprend notamment la matière disciplinaire.

Dans le cadre des contrôles inopinés que cet organisme est habilité à conduire dans les centres d’entraînement, des préleveurs - nom donné aux personnels habilités à réaliser des prélèvements sur les sportifs- se sont présentés au mois d’octobre 2016 sur le bassin du Cercle des Nageurs de Marseille (CNM) pour effectuer leur mission.

L’organisme de lutte contre le dopage a considéré, après une prise de contact que, le manager : M. B, par son attitude, s’opposait à  la procédure de contrôle de trois de ses nageuses.

Un rapport relatant cette opposition a été établi.

La Fédération Française de Natation, saisie du dossier et qui dispose

d’un pouvoir de sanction aux termes des dispositions de l’article L.231-21 du code du sport a décidé, sans doute pour des motifs d’opportunité, de ne pas sévir.

 l’AFLD a alors usé des prérogatives qu’elle tient du troisième alinéa de l’article L.232-22 du même code pour réformer la décision de la fédération française de natation et frapper, par une sanction prise le 6 juillet 2017, l’entraîneur français, d’une interdiction d’exercice de ses fonctions d’une durée de six mois.

M. B a, dans le cadre d’un recours de plein contentieux, demandé au Conseil d’Etat d’annuler cette sanction. II a également sollicité sa suspension par la voie du référé.

On rappellera qu’en matière de référé suspension, l’article L. 521-1 du code de justice administrative exige que le requérant établisse d’une part, que les moyens juridiques exposés sont de nature à créée un doute sérieux sur la légalité de la décision ; d’autre part, que la demande de suspension est justifiée par une situation d’urgence avérée.

C’est dans le cadre de cette demande de suspension que s’est tenue au Conseil d’Etat, l’audience publique du 23 août 2017.

Lors de cette audience les deux parties ont exposé oralement leurs moyens juridiques que l’on peut ainsi résumer.

La défense de M.B a consisté à soutenir d’abord qu’on ne peut qualifier juridiquement son attitude d’opposition à contrôle, au sens du 3° de l’article L.232-10 du code du sport, dès lors que la notification du contrôle prévu à l’article L.232-13-2 n’avait pas encore été faite aux nageuses :

« Les contrôles mentionnés à L’article L.232-13 sont réalisés après notification du contrôle au sportif (...) »

Il a insisté pour indiquer qu’à aucun moment les préleveurs n’avaient cherché à entrer en contact avec les nageuses et qu’il ne se serait pas opposé à un contrôle si les préleveurs avaient insisté pour accomplir leur mission.

Cette argumentation visait, en droit, à disqualifier les faits, à les priver de leur caractère fautif, de façon à saper la sanction de sa base légale (1).

Le Président de la juridiction a fait observer que l’argument lui semblait assez spécieux dès lors que la manifestation claire d’une opposition au contrôle interdisait aux agents préleveurs de poursuivre matériellement leur travail et de procéder à la notification du contrôle.

M.B a également soutenu que les réticences qu’il avait exprimées au contrôle étaient d’ordre strictement sportif en ce sens que l’une de ses nageuses devaient se rendre à une séance d’ostéopathie et qu’un second entraînement devant avoir lieu l’après-midi, il était nécessaire de respecter un temps de repos.

Au titre de la légalité interne, l’avocat de M.B a invoqué  le caractère sérieux du moyen tiré de la violation par L’AFLD de l’article 6 de Convention Européenne des Droits de l’Homme qui garantit un procès équitable et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen .

Cette violation résultait, selon lui, du cumul, par cette autorité de régulation, des fonctions de poursuite et de sanction.

Plus précisément, il a été fait référence aux dispositions des articles

R. 232-94 et R.295 du code du sport qui disposent respectivement :

 : " Le président de l'Agence française de lutte contre le dopage désigne un rapporteur parmi les membres du collège. Celui-ci établit un rapport exposant les faits et rappelant les conditions du déroulement de la procédure, tant, le cas échéant, devant la fédération sportive que devant l'agence. Le rapporteur procède, sans pouvoir les assortir de mesures de contrainte, à toute investigation utile dont le résultat est versé au dossier et communiqué avant la séance à l'intéressé (...) " ;

 " Le rapporteur présente oralement son rapport à la formation disciplinaire. / L'intéressé, son défenseur, et le cas échéant, la ou les personnes investies de l'autorité parentale ou le représentant légal sont invités à prendre la parole en dernier. (...) " 

Il a ainsi été reproché au rapporteur d’être à la fois la personne qui instruisait le dossier et qui le présentait à la formation disciplinaire.

Ce faisant, L’AFLD en opérant une confusion des fonctions aurait violé le principe de l’impartialité objective consacré par le droit européen (2).

Sur ce point de droit, le Président a fait observer que les pouvoirs de l’AFLD étaient semblables à ceux reconnus à l’Autorité de la Concurrence pour laquelle le Conseil d’Etat a estimé que les dispositions du code de commerce garantissaient l’indépendance du rapporteur général à l’égard des formations compétentes pour prononcer des sanctions (3).

L’Autorité de la Concurrence ayant été considérée comme un organisme impartial, il serait logique d’en déduire la même conclusion s’agissant du fonctionnement de l’AFLD.

L’avocat de l’AFLD a, quant à lui, fait remarquer qu’il était singulier que M.B se plaigne de ce que les préleveurs ne s’étaient pas présentés à l’heure habituelle, alors qu’il entre précisément dans les missions de l’agence de réaliser des contrôles inopinés : le contrôle perdant toute efficacité si ses destinataires en sont prévenus par avance.

Il a également relevé que M.B avait signé le  rapport  constatant son opposition au contrôle.

Les parties ont ensuite débattu de la condition d’urgence laquelle doit être démontrée dans le cadre d’un référé suspension.

Pour accréditer l’urgence, l’avocat de M.B a fait valoir que son absence des bassins du fait de la sanction prononcée était de nature à mettre en cause la préparation des athlètes. Il a fait observer que le club, au statut amateur, serait certainement contraint de le licencier dès lors qu’il ne pourrait plus exercer ses fonctions. Il a également été souligné le caractère intrinsèquement disproportionné de la sanction au regard de la notoriété du requérant.

En réponse, l’AFLD a considéré que la gravité  de l’infraction justifiait le quantum de la sanction, au demeurant modérée. Elle a soutenu également que le Cercle des Nageurs de Marseille était suffisamment pourvu en entraîneurs et en personnels pour que l’absence temporaire de M.B ne puisse nuire aux nageurs et que M.B ne s’exposait personnellement à aucun risque économique pour lui-même.   

Après avoir délibéré pendant deux jours, le juge des référés a estimé devoir finalement rejeter la demande de suspension présentée, par M.B en écartant les moyens mettant en cause la légalité de la sanction (4).

Le juge constate tout d’abord dans son ordonnance datée du 25 août 2017 que les dispositions réglementaires relatives  à la procédure ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles de séparation des compétences pour l’exercice des poursuites et le prononcé des sanctions.

Le Conseil d’Etat aligne ainsi sa jurisprudence sur son arrêt d’Assemblée du 21 décembre 2012 concernant l’Autorité de la concurrence.

En ce qui concerne l’opposition au contrôle qui était contestée par M.B, le juge des référés relève ensuite que le code du sport n’exige pas qu’une notification soit opérée auprès des tiers, autres que les sportifs, et que le comportement de ces tiers non sportifs peut recevoir la qualification d’opposition au contrôle dès lors que les opérations amorcées sont entravées.

La sanction infligée à M.B pour s’être opposé aux opérations de contrôle des nageuses est donc considérée comme s’étant appuyée sur une procédure régulière.

L’argumentation de M.B selon laquelle il ne serait pas véritablement opposé au contrôle est également réfutée par le juge qui relève qu’il a signé le rapport qui mentionne en termes clairs sa décision de s’opposer au contrôle et de le refuser. Faisant état de la qualité de professionnel averti de M.B, le juge des référés du Conseil d’Etat s’interdit de considérer que l’intéressé a pu se méprendre sur la portée du document qu’il a signé.

Le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction est écarté sans être analysé, le juge des référés estimant qu’il est inopérant au stade du référé dès lors que les moyens présentés doivent ressortir du dossier sans qu’il soit nécessaire de se livrer à une analyse approfondie du dossier.

Dans le paragraphe 7 de l’ordonnance, le juge des référés indique que la demande de suspension ne peut qu’être rejetée et que la condition d’urgence ne mérite pas qu’on s’y attarde dès lors que l’absence de moyens sérieux suffit par elle-même à justifier le rejet de la requête.

L’ordonnance du 25 août 2017 ne se prononçant que sur l’instance de référé, elle ne préjuge pas de la position que les juges du fond pourront adopter sur les faits soumis à leur appréciation.

Si l’on nous permet une boutade en guise de conclusion sur cette affaire, on ne peut s’empêcher de penser que l’ostéopathie, à laquelle M.B a rendu un hommage vibrant, quoique bien involontaire, aurait sans doute mérité d’être célébrée dans des circonstances de lieu et de temps mieux appropriées.

Jean-Yves TRENNEC

Notes :

1. CAA Lyon, 8 janv 2015, req. n°13LY02260.

2. CEDH, 25 juin 1992, Thorgeir Thorgeirson c/ Islande : aff. N° 13778/88

3. CE, Assemblée, 21 décembre 2012, Société Groupe Canal Plus et société Vivendi Universal, req. n° n°353856.

4. CE, ordonnance du 25 août 2017, M.B, req. n° 413353.

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