3) Droit du travail et nouvelles technologies

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3) Droit du travail et nouvelles technologies

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication, ou TIC pour les intimes, ont littéralement envahies notre planète ces dernières années, l'entreprise n'a pas échappé à cette conquête. Devant cette réalité, le droit du travail a du s'adapter et la jurisprudence de son côté à du dessiner les nouveaux contours de leurs utilisation. Aujourd'hui les questions fondamentales relatives aux relations entre droit du travail et nouvelles technologies touchent prioritairement les libertés publiques en ce que la liberté de communication est reconnue comme un droit fondamental. Néanmoins, il faut également pour appréhender ce domaine s'intéresser aux questions de vie privées du salarié, qui conserve les informations les plus personnelles dans des technologies présentes sur son lieu de travail. Enfin, c'est la question du droit de la preuve qui va à son tour se retrouvé chamboulé par l'arrivée des TIC, ainsi ce qu'on pouvait prouvé avant grâce aux moyens traditionnels, n'est plus forcément possible avec les nouvelles technologies qui lorsqu'elles sont un support probatoire se sont vues accordé un régime spéciale de validité. Pour étayer cette affirmation, cil convient de prendre l'exemple des courriels ou des E – Mails dans le langage courant. La Chambre Sociale de la Cour de Cassation a réduit leur portée probatoire au mois de mars dernier ( SOC 22 Mars 2011 ).

C'est ainsi, que la Cour va considérer qu'un courriel ne pouvait pas être une preuve lorsqu'il est utilisé par le salarié contre l'employeur. En effet, devant la possibilité réelle de modifier l'expéditeur et d'antidater le message, les juges considères qu'on en peut prouver le comportement d'un employeur sur le seul fondement de courriels. Le salarié qui a voulu prouver l'existence de cadences infernales de travail en s'appuyant sur des messages envoyés toute la journée, s'est vu débouté de ses prétentions car ce support probatoire technologique était le seul utilisé dans la procédure.

Si le salarié a le droit au respect de sa vie privée au travail, celui-ci sera limité lorsqu'il s'agira de courriels ou dossiels présents sur le matériel professionnel (I), il en sera de même lorsqu'il s'agira de l'exercice de la liberté d'expression ou de communication sur internet (II).

 

I ) Vie privée du salarié et utilisation du matériel informatique professionnel

 

L'employeur va pouvoir librement accéder au matériel informatique professionnel du salarié qui se trouve être la propriété de l'entreprise. Néanmoins, cette liberté d'accès sera limitée lorsque les courriels et dossiels du salarié seront titrés comme personnels (A), le cas échéant l'employeur pourra sanctionner la salarié sur le fondement des informations contenus dans ces derniers (B).

 

A) Les messages personnels ou le respect de la vie privée du salarié et du secret des correspondances

Depuis l'arrêt Nikon de 2001, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a posé le droit pour le salarié au respect de sa vie privée sur son lieu de travail. C'est sur ce fondement et sur celui du secret des correspondances que va reposer le régime applicable aux messages et dossiers personnels du salarié.

 

Dans tous les cas, l'employeur ne pourra pas accéder à la messagerie personnelle du salarié mais également aux dossiers titrés ainsi. Si par malheur, ce dernier y accédait, il ne pourrait jamais opposer au salarié les informations contenus à l'intérieur et commettrait une infraction pénale. C'est dans cette même logique que la règle va être applicable à la messagerie professionnelle du salarié lorsque le message sera également titré comme personnel. Néanmoins, sur ce sujet la jurisprudence va être très stricte. Ainsi, le salarié ne pourra être protégé que si la mention personnelle est inscrite, en dehors de ce cas l'employeur propriétaire du matériel pourra accéder aux informations librement. En dehors de la mention personnelle le message est alors présumé professionnel. Dès lors il convient d'attirer l'attention sur les titres des fichiers, ainsi ce n'est pas parce que ce dernier sera fantaisiste ou qu'il comportera un surnom tel que « Dédé », qu'il emportera un caractère personnel. Finalement la seule exception a été posée en 2007 au sujet d'une revue pornographique envoyée au salarié sur son lieu de travail. En l'espèce, le caractère personnel du courrier étant flagrant, on ne pouvait lui imputer la présomption du caractère professionnel même en dehors de la mention personnelle ( Chambre Mixte 18 Mai 2007 ). Néanmoins ne nous y trompons pas, ce type de cas est très rare en pratique et la présomption du caractère professionnel sera la plus souvent retenue. De la même manière, lorsque la salarié se trompera en indiquant que le message est professionnel au lieu de personnel, il devra supporter cette erreur.

 

Finalement le régime est relativement simple en ce qui concerne les messages titrés « personnels » ou issus de la messagerie personnelle. Ainsi, en vertu de la protection de la vie privée du salarié et du secret des correspondances, l'ouverture d'un tel message sans l'accord du salarié est une faute pénale. Mais en ce qui concerne les messages non protégé par cette mention, le régime demeure plus complexe.

 

B) L'opposabilité de la preuve de la faute du salarié issue d'un courriel ou un dossiel

 

Concernant la messagerie professionnelle du salarié, la règle va être simple. Ainsi, l'employeur pourra toujours accédé aux messages non titrés comme « personnel » car ils seront présumés professionnels puisque situés sur le matériel informatique propriété de l'entreprise. Ainsi, si le message situé sur la messagerie professionnelle comporte des éléments en rapport avec la vie professionnelle du salarié, il pourra servir de fondement à une sanction contre le salarié

( SOC 2 Février 2011 ). Néanmoins la question va être beaucoup plus complexe au sujet des messages situés sur la messagerie professionnelle mais ayant un caractère personnel de part leur contenu.

 

Dans cette hypothèse, tout dépendra de la teneur du message. Ainsi, la jurisprudence est aujourd'hui claire. Dans le cas où le message situé sur la messagerie professionnelle du salarié, comporte des éléments de vie privée de n'importe quelle sorte, l'employeur ne pourra opposer le contenu pour sanctionner le salarié ( SOC 5 Juillet 2011 ).

 

Enfin, il existe une situation dans laquelle, compte tenu d'un motif légitime, l'employeur pourra quoi qu'il arrive ouvrir les messages du salarié, même si ce dernier est titré « personnel ». C'est le cas dans certaines situation comme le terrorisme ou la pédophilie ainsi que l'espionnage industriel. Mais là encore il faudra suivre une procédure sévère en raison du titrage personnel. Dans un arrêt Datacep de 2007, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation va détailler cette procédure. Il faudra que l'employeur saisisse le juge des référés pour lui demander de faire ouvrir le message titré « personnel » en présence d'un huissier de justice. Ce sera ce dernier qui constatera le motif légitime et permettant de rendre opposable au salarié la preuve d'une faute, telle que l'espionnage industriel, pourtant issu d'un message titré « personnel ».

 

En dehors des questions relatives aux contenus des fichiers et courriels du salarié, présents sur le matériel informatique de l'entreprise, la question de l'utilisation d'internet par le salarié que ce soit durant ses horaires de travail ou chez lui peut avoir de lourdes conséquences en terme disciplinaire. L'apparition des « licenciements Facebook » en est l'exemple type.

 

II ) L'utilisation d'internet pas le salarié

 

Internet est aujourd'hui un outil essentiel dans notre quotidien. Il permet aux personnes de communiquer librement avec le monde entier. Néanmoins, le salarié, compte tenu du lien de subordination qui le lie à l'employeur va être limité vis à vis de l'utilisation d'internet, que ce soit dans l'entreprise (A), mais aussi en dehors de celle-ci (B).

 

A) L'utilisation d'internet au sein de l'entreprise

 

Il est courant que les entreprises laissent libre accès à internet à leurs salariés, ainsi il est apparu que cet outil est aujourd'hui devenu essentiel dans l'accomplissement de la tâche de travail, que ce soit pour communiquer avec des clients, mais également faire des recherches professionnelles. Le principe fondateur des activités du salarié durant son temps de travail repose sur un seul fondement, celui voulant que tous ce qui est fait sur le lieu de travail et durant le temps de travail est présumé comme ayant un caractère professionnel. L'utilisation d'internet n'échappe alors pas à cette règle. L'employeur va alors pouvoir se faire communiquer la liste de l'ensemble des connexions de chaque salariés sur le fondement de ce principe.

 

Si il existe une certaine tolérance vis à vis des accès d'ordre privé à la toile, le salarié ne devra jamais abuser de celle-ci. Ainsi, il ne sera pas possible pour l'employeur de licencier un salarié pour le seul fait d'utiliser le réseau à des fins personnelles. Il s'agira dans cette situation d'une faute simple ne pouvant entraîner le licenciement. Néanmoins, lorsque l'utilisation personnelle d'internet est abusive, la faute grave pourra être constitué. Ainsi, il est arrivé que la Chambre Sociale de la Cour de Cassation valide le licenciement pour faute grave d'un salarié qui a passé près de 41 heures dans le mois sur des sites non professionnels ( SOC 19 Mars 2009 ).

 

Néanmoins, pour sanctionner un salarié l'employeur devra apporter la preuve d'une faute. Pour certains, la communication de la liste des sites visités par le salarié devrait suffire à apporter la preuve de tels agissements, pourtant les choses ne sont pas si simples. Ainsi, on va considérer que la communication d'une telle liste est un contrôle de la part de l'employeur, il faudra donc respecter la procédure permettant de faire aboutir les contrôles en preuve d'une faute du salarié. C'est pourquoi, afin de créer cette possibilité, l'employeur au nom de la loyauté de la preuve, devra informer le salarié de la possibilité d'une telle communication. L'information devra également être donnée aux représentants du personnel et à la CNIL dans la mesure où la liste de sites visités par le salarié met en jeux des données à caractère personnel. Une fois cette triple information respectés, l'employeur pourra considérer que la faute établie sur le fondement de la communication des sites est une preuve permettant de sanctionner le salarié.

 

Si l'utilisation d'internet par le salarié durant ses heures de travail est normalement encadrée en raison de l'existence du lien de subordination, elle l'est aussi en dehors de celles-ci lorsqu'il se sert de cet outil pour s'exprimer publiquement sur l'entreprise. C'est ainsi que sont nés les premiers différents vis à vis de l'utilisation de Facebook par le salarié à son domicile.

 

B) La communication du salarié sur internet en dehors des heures de travail

 

En théorie, tous ce qui se passe en dehors de l'entreprise fait partie du domaine de la vie privée et ne peut faire l'objet d'un licenciement pour faute. Néanmoins si on se réfère à la FICHE 2 relative à la liberté d'expression du salarié, on s'aperçoit que le salarié peut être sanctionné lorsque son comportement est assimilable à un abus de liberté d'expression. C'est le cas lorsque le salarié porte publiquement des propos insultants ou diffamatoires envers son entreprise qu'il désigne nommément. Là encore, internet n'échappe pas à la règle, les réseaux sociaux non plus.

 

Lorsque les propos tenus sur Internet ou sur un réseau social en général ont un caractère public, il ne doivent ni être injurieux ou diffamatoires. Concernant les réseaux sociaux, il peut arrivé qu'une publication soit accessible à d'autres personnes que leurs destinataires, la jurisprudence qualifie alors le message de public. Dans cette hypothèse, lorsque les paramètres du compte ne sont pas réglés pour restreindre l'accès au message à d'autres personnes que les contacts du salarié, celui-ci n'est pas libre vis à vis de ses propos. Le Conseil des Prud'hommes de Boulogne-Billancourt a jugé en 2010 qu'un salarié pouvait être licencié pour faute grave en raison d'un abus de liberté d'expression sur le réseau social Facebook. Même si en l'espèce l'abus n'est pas forcément fondé car il ne s'agit que de critiques non injurieuses, il semblerait que ce régime est en voie d'être confirmé par d'autres Conseils de province. Pour résumer on peut conclure que profil protégé égal liberté, car l'abus de liberté d'expression n'est pas constitué dans les discussions privés, mais profil ouvert égal calvaire car l'abus peut alors être admis.

 

Néanmoins, il ne faut pas oublier deux choses. Tout d'abord, un employeur qui serait au courant de propos insultants à caractère privé, s'il ne peut opposer la moindre faute du salarié peut quand même licencier celui-ci pour trouble objectif grave. Il faudra dès lors respecter le régime des indemnités de rupture, à savoir le préavis et l'indemnité de licenciement. Enfin dernière limite qui semble essentielle, l'obtention de la preuve d'un fait intervenu sur internet.

Sur internet, la preuve n'est pas libre. Ainsi, devant la facilité offerte par la technologie qui permet de falsifier des éléments numériques, la jurisprudence encadre la fourniture de la preuve

( CA PARIS 2 Juillet 2010 ). Toute capture d'écran, ou élément de preuve issu d'internet doit en effet, être fait constaté par un huissier ou un organisme agréé. Ils alors seront chargés de donner une véritable authenticité à la preuve issu d'internet. Le cas échéant, la preuve de la faute du salarié ne sera pas recevable. Dès lors, l'employeur devra effectuer une démarche semblable pour constater la tenue de propos fautifs sur un réseau social.

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