La République Islamique de Mauritanie a fêté en juillet dernier, les dix ans de son code du statut personnel.
Ce texte constitue incontestablement une avancée pour la reconnaissance et la promotion des droits de la femme mauritanienne. Il n’en demeure pas moins que certaines de ses dispositions recèlent des lacunes. Mais ce code souffre surtout de son manque d’effectivité.
Des avancées pour la Femme Mauritanienne.
Le code comprend 314 articles. Nous focaliserons notre étude sur quelques dispositions concernant le mariage, la répudiation ou le divorce. Le législateur conscient du fléau que constituaient (que constituent toujours) les mariages précoces a relevé l’âge légal du mariage qui est passé à 18 ans révolus (article 6).
La femme mauritanienne a le droit de négocier les termes de son contrat de mariage. A ce titre, elle peut interdire à son mari de prendre une seconde épouse sans son aval, de ne pas s’absenter plus d’une année ou encore de ne pas l’empêcher de poursuivre ses études ou de travailler.
La sanction d’un manquement aux stipulations contractuelles étant la dissolution judiciaire du mariage avec un don de consolation.
S’agissant de la répudiation, la femme répudiée a la possibilité d’ester en justice pour exiger la subvention à l’entretien ou le don de consolation. L’épouse victime de sévices ou d’une « mauvaise cohabitation » peut provoquer la répudiation sans qu’il y ait lieu pour elle de s’acquitter d’une compensation. Dans le même sens, l’article 102 dispose que la femme victime d’un préjudice qui rendrait la vie conjugale impossible ou dont l’époux refuse de subvenir à ses besoins peut obtenir (après échec de la conciliation) le divorce.
Enfin, la femme répudiée ou divorcée en délai de viduité légale reste dans le domicile du conjoint. Il n’a pas le droit de l’expulser durant cette période (art 119). En définitive, nous remarquons que les droits de la femme qui étaient souvent méconnus ou bafoués ont été promus. Le code souffre toutefois de plusieurs insuffisances.
Les insuffisances du code.
Les dispositions précitées connaissent des limites.
Concernant l’âge légal du mariage, malgré la capacité au mariage qui est fixé à 18 ans, le code dispose que le tuteur peut marier l’incapable (en l’occurrence la femme mineure) s’il y voit un intérêt évident. Par quoi devrait s’apprécier l’intérêt évident ? Son appréciation pose problème. N’est ce pas là un moyen de perpétuer les mariages forcés ?
La loi est silencieuse sur la question du domicile conjugal en cas de divorce. Quant on sait que les femmes divorcées se retrouvent très souvent chefs de famille, ce domicile ne devrait-il pas revenir à la femme répudiée ayant des enfants à charge. Qu’il nous soit permis de faire confiance, dans ces situations, à l’humanisme et au bon sens du juge.
L’épouse, victime de sévices rendant le maintien de la vie conjugale impossible devra en cas de divorce, s’acquitter d’un lot de consolation si les torts sont de son côté, de quel tort s’agit-il et quels torts peuvent justifier des sévices ? Haro sur les violences conjugales. Ne devrait-on pas résonner par analogie et rapprocher cette situation de celle de l’article 28 qui prévoit une compensation pour la femme dont le mari n’a pas respecté les stipulations du contrat de mariage car battre sa femme n’est ce pas là une violation du contrat de mariage ?
A côté de ces lacunes intrinsèques au texte , le code souffre surtout de son manque d’effectivité. Il est méconnu de la plupart des mauritaniens, à fortiori les populations cibles à savoir les femmes. Celles qui en ont entendu parler n’en connaissent pas toujours le contenu car souvent analphabètes (les femmes sont les plus touchées par ce problème surtout en milieu rural). Ainsi, dix ans après sa promulgation, le code du statut personnel n’est pas appliqué.
Quant on sait que la Mauritanie a ratifié la convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (avec certaines réserves) et que l’égalité des genres est un des objectifs des OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement), des campagnes de vulgarisation sont plus que jamais nécessaires. Les campagnes précédentes n’ont pas toujours été à la hauteur.
Des « caravanes de droit » ou « boutiques de droit » et des émissions en langues nationales à la radio et à la télévision devraient être relancées pour vulgariser la loi. La création de maisons de justice dans des zones sensibles où des conseils et consultations seront effectués par des professionnels du droit ou étudiants permettrait également d’atteindre cet objectif. Ce procédé a fait ses preuves dans certains pays de la sous-région.
La promotion du Code du statut personnel permettra également aux femmes de mieux négocier leurs droits lors des médiations pour la résolution des différents familiaux.