Le combat autour de la preuve électronique, par Aldine Claveyrac

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Le combat autour de la preuve électronique, par Aldine Claveyrac

Le “Combat” autour de la preuve électronique a encore de beaux jours devant lui

par Aldine Calveyracsamedi 8 mai 2010 posté dans Preuve RSS

Aldine Calveyrac est étudiante dans le cadre du cours DRT 6929O

Le Centre de droit des affaires et du commerce international organise ce mois-ci une série de conférence gratuite dont la première s’est tenue jeudi soir autour de la preuve électronique. Le professeur Vincent Gautrais et Maître Dominic Jaar partageant des points de vue opposés en la matière, se sont affrontés dans un combat ultime sur le sujet. La salle est comble, les athlètes prés à jouer de leurs opinions respectives sur la question, le combat peut commencer. La confrontation divisée en 7 « Rounds », appelle à la discussion sur les développements récents en preuve électronique. Un bref résumé des « uppercut » et « punch » distribués au cours de la rencontre

« ROUND 1 » (Échauffement ou Boxers Handshake) : qu’est ce que la preuve électronique ?

À peine échauffé, Vincent Gautrais annonce sa conclusion : « s’il y a quelque chose à retenir, c’est la documentation que nécessite la preuve électronique ».

Pour Dominic Jaar l’idée de documenter se campe encore une fois derrière un retour au support papier. Or, il est contre le fait de devoir générer un nouveau document. Ainsi le processus d’admission de la preuve électronique est aujourd’hui à revoir.

« ROUND 2 » (mise en jambe) : la preuve électronique est-elle différente ?

« Intangible, virtuel, prolifique, omniprésent et persistant ; le document électronique n’a incontestablement rien avoir avec le document papier traditionnel ». La preuve électronique est donc effectivement différente pour Dominic Jaar.

Sur ce point, les deux conférenciers sont d’accord. En effet, pour Vincent Gautrais, la preuve électronique est diamétralement différente de son homologue papier. Partageant la vision de Laurence Lessig pour qui on assiste avec l’électronique à « une véritable révolution du droit », Vincent Gautrais reprend originalement la devise que l’on doit à Eugène-Étienne Taché, en soulignant que « né sous le papier, nous croissons sous l’électronique » !

La preuve électronique appelle ainsi à la gestion du changement. Elle doit ainsi être accompagnée d’une certaine documentation assurée par les juristes, les technocrates et les gestionnaires. Une relation interdisciplinaire se développe autour de la preuve électronique pour répondre à une obligation de sécurité. Reste qu’une telle gestion implique des coûts et non des moindres. Dans l’affaire Rawdon, des sommes astronomiques ont été dépensées afin de retrouver les auteurs des propos diffamants adressés à l’encontre des officiers publics de la ville.

Mais face à ce commentaire, Dominic Jaar s’insurge : « la question des prix incommensurables à investir est exagérée. S’il est vrai que la gestion de l’information électronique représente un coût il faut cependant relever le fait qu’un résultat est palpable en bout de ligne ! »

« ROUND 3 » (Uppercut) : en quoi la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information nous aide-t-elle ?

Pour Vincent Gautrais, la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (ci-après LCCJTI) est quelque peu « étrange » sur la forme. Fort heureusement, une normalisation de la dite LCCJTI est à venir avec la création récente d’un Comité d’harmonisation sur lequel Vincent Gautrais vient justement d’être nommé. Le comité met l’accent sur la documentation et présente un aspect pluridisciplinaire à l’image de la gestion qui doit entourée le document électronique. L’objectif étant d’initier un dialogue générateur de droit, on parle déjà au sein du Comité d’établir une plateforme où il serait possible de commenter les nouvelles propositions de rédaction des articles de la loi.

Si Dominic Jaar relève les mêmes problèmes de rédaction de la LCCJTI, il reconnaît l’intérêt fondamental de cette loi en ce qu’elle établit une distinction entre les supports.

« ROUND 4 » (punch) : faut-il revoir la notion de signature ?

« Une refonte de la signature à l’ère du numérique n’est pas nécessaire » postule Dominic Jaar. Les mêmes règles peuvent être appliquées au 21e siècle, tel qu’en témoigne la récente affaire Bolduc.

Seulement, le problème de la résistance au changement a tendance à être oublié. Comme le fait remarquer Vincent Gautrais, l’aspect symbolique attaché la signature s’impose parfois. Dans certains contrats, il s’agit de faire prendre conscience à la personne de ce pourquoi elle s’engage. Ceci étant dit, une « souplesse » est nécessaire en la matière et il est utile de s’attacher à la fonction attribuée à la signature selon les cas.

« ROUND 5 » (Counterpunch) : faut-il revoir la notion d’écrit ou l’amender ?

Pour Vincent Gautrais, l’écrit reste associé au papier qui est un gage d’assurance plus que ne l’est le document électronique. Mais Dominic Jaar rappelle qu’un document est constitué d’information portée par un support, et que l’information peut être rendue au moyen de tout mode d’écriture, tel que le dispose l’article 3 de la LCCJTI. C’est donc le mode d’écriture utilisé traditionnellement qui a dénaturé la notion d’écrit.

« ROUND 6 » (Below the Belt) : doit-on remettre en question l’intégrité ?

L’intégrité qui s’attache au document est une notion phare dans le cadre de la preuve électronique. Effectivement, si le document électronique est pertinent, reste donc à savoir comment l’appréhender sans compromettre son intégrité. Dominic Jaar souligne que les boîtes, classeurs et autres chemises s’empilent dans les bureaux d’avocats. De la même façon, il faut organiser les documents électroniques sans les altérer pour être à même de les produire en preuve devant toute juridiction.

« ROUND 7 » (KO) : copie-je ou transfère-je ?

La LCCJTI distingue la copie, qui doit présenter des garanties suffisamment sérieuses pour qu’on puisse s’y fier (article 2841 du Code civil du Québec), du transfert qui nécessite une documentation (article 17 de la LCCJTI). Les informations attachées au transfert, relatives à la source, la technologie utilisée et les garanties que cette dernière représente, s’avèrent fondamentales pour préserver l’intégrité de l’opération.

Pour Dominic Jaar, cette distinction est un faux problème et ne se justifie pas : « la distinction entre copie et transfert est artificielle et n’est que transitoire. On a pensé à la numérisation mais pas à l’inverse ! Lorsqu’un document papier résulte d’un transfert de l’électronique vers le papier, celui-ci devrait être documenté, or ce n’est jamais le cas ! Le papier ne vaut rien ! »

Vincent Gautrais remarque que l’on connaît aujourd’hui une véritable « frénésie » pour les nouvelles technologies et le domaine de l’électronique qu’il faut être en mesure de tempérer afin de préserver une sécurité juridique. Pour ce faire, le cheminement d’un document électronique devrait toujours inclure un élément physique.

Ce n’est donc pas ce soir que les deux conférenciers se mettront d’accord. Autant dire que le « combat » autour de la preuve électronique a encore de beaux jours devant lui.

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