Troubles anormaux du voisinage et construction

Publié le 26/02/2013 Vu 10 484 fois 0
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L'évolution de la jurisprudence a conduit à étendre la responsabilité des constructeurs vis-à-vis des voisins de l'ouvrage en utilisant la théorie prétorienne des troubles anormaux du voisinage.

L'évolution de la jurisprudence a conduit à étendre la responsabilité des constructeurs vis-à-vis des voi

Troubles anormaux du voisinage et construction

La théorie des troubles anormaux de voisinage a été créée par la jurisprudence, sur le fondement de l’article 544 du code civil.

D’après cette disposition, « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

Depuis la Déclaration des Droits de l’Homme, le droit de propriété est absolu. Cependant, son usage ne doit pas créer des troubles excessifs à des tiers, à défaut de quoi le propriétaire, auteur des troubles, pourra voir sa responsabilité engagée. La Cour de Cassation rappelle souvent que «nul ne doit créer à autrui de trouble anormal de voisinage».

Cette théorie permet donc de rechercher la responsabilité d’un voisin, même en l’absence de faute, dès lors que sont établis :

-          L’anormalité du trouble,

-          Un dommage et

-          Un lien entre ces deux éléments.

Initialement destinée à limiter l’absolutisme du droit de propriété, cette théorie a connu des développements nombreux et intéressants en matière de construction.

Il est souvent difficile de prouver que les entreprises intervenant sur le chantier voisin ont commis une faute qui a causé poussières, bruits ou odeurs, mais aussi fissures pour ne pas dire pire.

Ainsi, la Cour de cassation a considéré que la théorie des troubles du voisinage pouvait s’appliquer au maître d’ouvrage, mais aussi que les voisins pouvaient être occasionnels, étendant ainsi cette responsabilité sans faute aux constructeurs intervenant sur le chantier.

Ainsi, par un arrêt du 22 juin 2005 la Cour de cassation a considéré que : « le propriétaire de l’immeuble auteur des nuisances, et les constructeurs à l’origine de celles-ci sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes, sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, ces constructeurs étant, pendant le chantier, les voisins occasionnels des propriétaires lésés » (Civ. 3ème, 22 juin 2005, Bull. III, n°136).

Dès lors, tous les intervenants à l’acte de construire, qui sont matériellement présents sur le chantier, pendant la durée des travaux, sont susceptibles de voir leur responsabilité recherchée sur le fondement des troubles anormaux du voisinage et ce, quand bien même ils n’auraient commis aucune faute.

Par un arrêt du 28 avril 2011, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a ensuite indiqué que pouvaient être considérés comme voisins les architectes et bureaux d’études, quand bien même ils n’occupent pas matériellement le fonds voisin.

Il suffit alors de démontrer une « relation de cause directe entre les troubles subis et les missions respectivement confiées aux architectes et aux bureaux d'études » pour que leur responsabilité puisse être engagée sur ce fondement (Civ. 3ème, 28 avril 2011, Bull. III n°59).

Ainsi, lorsque le chantier cause un trouble au voisin, celui-ci pourra – sous réserve d’en établir l’anormalité – rechercher la responsabilité du maître d’ouvrage, mais aussi celle des entreprises dont l’intervention a participé à la survenance du trouble et encore celle des architectes et bureaux d’études si les missions confiées à ces derniers sont à l’origine des troubles.

Seuls les juges du fond pourront retenir – ou écarter – le caractère « anormal » du trouble, mais cette « anormalité » devra être établie et dûment constatée par le juge pour qu’il puisse ordonner la réparation des préjudices subis.

Divers préjudices peuvent être indemnisés. En cas de désordres à l’immeuble voisin, le juge pourra ordonner la réalisation de travaux ou à tout le moins le versement de sommes destinées à permettre la réalisation des travaux. Il peut également condamner les responsables à indemniser le préjudice de jouissance, le préjudice d'exploitation (pour un commerce atteint par les travaux par exemple), ou encore des pertes de loyers...

Pour se prémunir contre le risque de troubles au voisinage, il est utile de faire établir – avant le démarrage du chantier – un constat contradictoire de l’état des avoisinants.

Que cela se fasse par le biais du référé expertise ou du constat d’huissier décidé en accord avec les voisins, cette mesure permet de connaître l’état initial.

S’il s’agit d’un référé expertise, il convient de mettre en cause tous les voisins susceptibles d’être impactés par les travaux, et de demander au juge qu’il confie à l’expert une mission qui permettra à ce dernier de faire – avant même le démarrage – des préconisations pour éviter les désordres ou les nuisances (études complémentaires, organisation des circulations sur le chantier, horaires de réalisation de certains travaux bruyants…).

Et de manière générale, la communication auprès des voisins sur le projet qui va être réalisé, les différentes étapes du chantier, sur les mesures mises en place pour limiter leurs préjudices, et sur la durée du chantier permettent de réaliser les travaux dans un contexte plus serein.

 

Victoire de Bary
Avocat Associé

OCEAN Avocats AARPI
www.ocean-avocats.com  

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