Publié le 12/10/2011Par Benammar ChristianVu 4 189 fois 0
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Ce n'est pas tant les difficultés juridiques d'acquisition de la nationalité qui posent problème (au Juge, aux intéressés) que les implications culturelles et religieuses du droit du sol. Que dire ainsi d'une laïcité qui entoure le droit du sol d'apparences trompeuses ? Quelle autre solution existe pour les immigrés que le droit du sol ? Peut-on parler du droit du sol sans parler des pays parties prenantes de la question ? La 5ème République et son école se sont mises à fabriquer, dans un désir surréaliste d'intégration des immigrés, une "co-nationalité" .
L'objectif est explicite: effacer l'émigré dans l'immigré, mais pour quel résultat?
Dans ce débat (génant à plus d'un titre), quand on garde les yeux fixés sur les écueils du droit plutôt que sur la feuille de route de la démocratie, on entre dans un enfer pavé de bonnes intentions .
1/ Le droit du sol, matrice de la co-nationalité des immigrés.
Il suffit d'être né sur le sol français pour être Français, dit-on.... Mais, où et quand est-on en territoire français ? Dans l'héxagone, évidemment. Mais, aussi dans les territoires décrétés français selon leur date et leur condition d'entrée (ou de sortie) dans la souveraineté française et selon le statut des personnes. Le droit du sol flouté examiné aux frontières des nationalités suscite ainsi des différences d'interprétation importantes entre politiques, législateurs, juges et avocats, notamment, s'agissant de l'Algérie et fatalement des Algériens . Si l'Algérie baignait dans le droit français avant 1962, l'indépendance a contradictoirement maintenu le statut du droit du sol aux immigrés (sans réciprocité pour les Français en Algérie) nonobstant souveraineté et nationalité reconnues aux Algériens, nonbstant la modification du critère de filiation sous-jacent dans l'accès à la nationalité .
On est ainsi passé de la binationalité par filiation des enfants mixtes, à la double-nationalité par option des naturalisés, puis à la co-nationalité acquise par simple naissance des enfants d'immigrés en France. L'évolution s'est faite par vagues successives, chaque étape étant perçue à travers l'image de la première vague migratoire antérieure à l'indépendance. Mais, la puissance des bouleversements sociaux aujourd'hui et le changement de regard et de pensée apporté par la dernière vague migratoire amènent à considérer le droit du sol et la co-nationalité comme un facteur de dérive.
Le premier constat pour tous, est que le passage du droit français au droit algérien, puis au droit musulman, n'a pas été clairement tracé. En 62, le droit français a été reconduit jusqu'à la Constituante algérienne de 1963 . Et le nouveau droit algérien s'est d'abord nourri aux sources du droit français après 62. Et même au-delà des années 70. Même les concepts de Nation, de République, de Socialisme et des Droits de l'homme ont été repris en héritage de 1789, de l'Ecole et de l'histoire de France, mais en ne reproduisant qu'une copie effacée d'une époque flamboyante...
Les litiges civils ont ainsi explosé et-persistent encore en 2011, baignés dans le flou juridique. Mais, autre chose est aussi ignoré.
2/ Implications linguistiques et culturelles du droit du sol
Ce sont les lois de J. Ferry, au lendemain de la chute de la Monarchie et des deux Empires, qui ont lié, la langue française et la nationalité française. L'objectif (au lendemain de la défaite humiliante de Sedan contre l'Allemagne en 1870) était, en effet, de généraliser l'emploi de la langue française sur l'ensemble du territoire français et même dans les casernements militaires (lors des batailles, les armées du camp français étaient affaiblies par la diversité des dialectes parlés dans le commandement et l'exécution des ordres ! ). Les lois de J.Ferry (1881-82) ont ainsi créé, l'école primaire, école du peuple, chargée avec l'instituteur, "hussard de la république", de dispenser un enseignement public, laïc, obligatoire et gratuit.
Par ces lois, les instituteurs ont eu pour mission de franciser les populations, de refouler les langues régionales (y compris dans les colonies) et de retirer l'éducation des enfants confiée jusque là aux religieux par la Monarchie. Le français, langue officielle (dans la diplomatie, les administrations, les belles lettres...) est ainsi devenu la langue nationale du peuple français vivant encore en grande majorité dans les campagnes et les faubourgs.
Les langues régionales ont, de ce fait, été reléguées au rang des dialectes et patois et confinées dans un rôle social local accessoire, tels que basque, breton, alsacien, lorrain, corse, colonies, etc.... L'école de la république, décrétée publique a, dans ce but précis , enlevé aux religieux l'instruction publique et civique donnée jusque là dans l'école privée. Caricaturalement, l'école républicaine s'est donnée comme finalité d'intégrer, d'effacer l'émigré dans l'immigré. Enfermé dans la camisole de la co-nationalité, le droit du sol provoque l'indignation des immigrés qui en ont bénéficié et par extension la révolte des forces identitaires. Au lieu de perdre ses repères, l'immigré s'y retranche, transpose ses attaches et devient plus intégriste qu'au pays . L'assimilation républicaines est d'autant plus en échec que la co-nationalité ne crée pas une nationalité unique, mais une double-nationalité, et que la socialisation de la personne et la formation identitaire viennent de la nationalité d'origine.
3/ Implications des croyances et de la laïcité .
L'objectif des lois de J. Ferry ( laïcité) était double: apprendre la langue française au peuple français, mais aussi développer en France un enseignement conforme à la philosophie positive du siècle des lumières ouvert aux libertés, aux sciences et au rationalisme.
Les républicains, dénonçaient simultanément le lien instauré, au temps de la Monarchie, entre la sphère privée (mariage, propriété, croyance, famille) et la sphère publique (institutions, droits et libertés) et l'emprise de la religion sur la pensée intellectuelle et l'ordre social. Or, ce lien, célébré par l'Eglise et la religion, était imposé par le ''mur de l'argent '' (bourgeois, notables, industriels, financiers), défenseur acharné du cléricalisme, opposé, encore dans les années 1920, à toute réforme sociale en France. L'Eglise, les religions, la dévotion étaient accusées d'être complices d'un ordre de classe injuste et de cultiver l'esprit de soumission du peuple ( " l'opium du peuple ") à travers l'école privée.
Mais, en repoussant l'Eglise hors de la sphère publique, la loi de la laïcité ne visait pas du tout à remplacer, dans la sphère privée, une religion par une autre , ni d'y introduire d'autres croyances..! Bien au contraire, l'objectif était d'éradiquer carrément la religion de l'ordre sociétal adossé à la philosophie positive. La loi sur la laïcité de 1905 a ainsi interdit d'afficher les croyances dans les lieux publics et elle a refoulé les religions reconnues dans la sphère privée.
Nonobstant ce cadre et ce contexte, on tente aujourd'hui, de rétablir l'ancien ordre des cultes au nom du laïcisme et ainsi d'entourer le communautarisme musulman d'un cordon sanitaire, sans pour autant proposer un vote à la proportionnelle (jugé explosif) des représentants de la société civile immigrée méritante. La co-nationalité est un pur produit de l'histoire de la 5ème République, des craintes comme des envies de la Françafrique .
4/ A propos du droit du sol et de l'exercice des cultes.
Beaucoup ignorent, que la loi de la laïcité de 1905 n'autorise le culte des religions dans la sphère privée que pour les trois religions énumérées et nommées : catholique, réformée (protestante) et juive, à l'exclusion de toute autre. Les immigrationnistes partisans du droit du sol interprètent, aujourd'hui, les lois de la laïcité et de la République à contre-pied de l'esprit, de la lettre et de l'histoire. En réclamant l'exercice d'une autre religion au nom de la loi de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, ils ne se donnent pas le droit de pratiquer en privé une nouvelle religion dans l'espace français présupposé ouvert à toutes les croyances. Au contraire, ils se démarquent des croyances explicitement énumérées par les lois de la laïcité, et ils s'excluent en conséquence des tolérances admises par ces lois. A moins de se convertir ou de revendiquer un autre texte de loi...! En l'état, le citoyen déclaré français par le droit du sol ne peut être que agnostique, catholique, protestant ou juif...
5/ La Convergence franco-algérienne, espoir et fin de la co-nationalité.
Depuis le divorce de 62, la France et l'Algérie suivent séparément leur chemin avec d'autres pays partenaires. On sait, toutefois, que la mondialisation combine et conjugue, d'un côté, en France, une économie confrontée au déchaînement de la concurrence spéculative et, de l'autre, en Algérie, une politique de développement qui exclut fatalement du développement une partie de sa population condamnée à l'émigration.
La co-nationalité qui en a résulté est certes pourvue de commodités pratiques de la vie civile, mais elle est loin de permettre aux intéressés d'accéder au plein exercice des droits citoyens en France. D'où révolte .
Au point de retournement d'une politique d'immigration initialement justiée par l'ouverture concurrencielle des économies, deux projets peuvent être mis en oeuvre pour désamorcer les confrontations :
- La Coparentalité sans Conjugalité . Bâtir dans ce dispositif de droit international une coopération nouvelle, donnant-donnant, sans imposer une conjugalité rompue depuis 50 ans .
- Le Traité de Coopération-Développement . Le meilleur exemple de coopération capable de mettre fin aux transferts de population à contre-pied de l'histoire de la décolonisation, serait celui de la mise en valeur du Sahara, territoire aussi vaste que l'Europe soumis depuis des siècles à un cycle de désertification aggravé par l'exploitation intensive de ses ressources minières et pétrolières et par la pollution de ses réserves d'eau à reconstituer et compléter.