Homme et Nation ont été les valeurs-phare du 20ème siècle .
Or, le 21ème siècle conduit inexorablement les deux valeurs au
dépérissement, sans que les populations concernées (gens de
sérieux s'il en est) s'en insurgent, occupées qu'elles sont à
réfléchir sur la manière de se faire la guerre ou concurrence.
I - L'Homme
Sous le scapel de la science, notamment de la biologie moléculaire,
l'homme met à jour les secrets intimes de son origine et de son
évolution.
A l'occasion, il découvre les conditions de la procréation artificielle
et du développement de ses propres facultés (sans pour autant
remettre en cause les religions déistes dont le terreau reste ce
mystère toujours insondable de l'origine du monde).
Ainsi, à l'aube du prochain siècle et des voyages interplanétaires,
l'homme apprend à modifier ses propres constituants physiques et
physiologiques, à surmultiplier les performances de son cerveau
sous dépendance de ses seuls cinq sens, paradoxalement
inchangés depuis l'âge des cavernes.
Mais, bientôt son cerveau sera lié à des ordinateurs greffés comme
un autre cerveau dépositaire de tous les savoirs du monde.
L'homme tendra donc à devenir un sur-homme, une sorte de robot
pensant miniaturisé, doté d'une puissance supérieure à celle de toute
l'humanité actuelle et capable d'affronter les forces de l'univers, sans
craindre Dieu qui exige de chacun de sortir de la condition animale
et de s'élever vers lui.
Ces avancées scientifiques vont bouleverser l'entièreté des sciences
humaines et politiques devenues archaïques (philosophie, démographie,
morale, histoire, sociologie, droit, économie, psychologie, pédagogie..).
Déjà, par induction, l'organisation sociale évolue vers un nouvel
ordre collectif, certes autoritaire, mais heureusement compensé, en
parallèle, par un approfondissement de la pensée existentielle et un
accroissement des aptitudes intellectuelles individuelles.
II - La Nation
C'est l'espace social protégé, fermé, conquis et loué par les populations
du siècle passé caractérisé par une organisation autarcique des activités,
aujourd'hui en voie de décomposition .
La mondialisation des échanges, l'extension incessante de la société
industrielle, la généralisation du modèle de consommation, la monétarisation
des activités humaines, la financiarisation de l'économie, les accords de
défense, les cultures, la démographie, les migrations, et bien d'autres
encore, brisent les points d'ancrage et les barrières frontalières des
nations édifiées au siècle précédent . Fatalement, l'homogénéité des
populations et des croyances perd la protection des tabous nationaux .
Sous la pression des évolutions, les amarres cèdent, mais, d'autres
liens se forment dans un nouveau concept de société globale
universelle.
Un nouvel Etat mondial informel transparaît, plus inspiré par la force
des marchés (sphères du commerce, de la production et de la
consommation unies). Les nouveaux rapports sociaux établis (entre
consommateurs, entreprises et marchés) vident assurément de
substance l'entité nationale. La Société de consommation de
masse (SCM) devient, par dissolution de la nation, une première
étape vers l'inconnue de la société universelle .
Cette réflexion ni romantique, ni utopiste conduit à souligner le
fait surprenant qu'on assiste passivement à une accélération du
dépérissement de l'homme et de la nation comme valeurs structurantes
de l'ordre social à travers le monde, et ce en dépit des combats
d'arrière-garde des militants nationalistes et républicains effrayés par
l'ampleur des enjeux de société.
Que valent, en effet, les droits de l'homme et l'ordre républicain
si le concept national à la base se délite sans connaître au préalable
la donne d'échange ?
Malheureusement, les mutations s'engrangent sans que quiconque ne
soit capable de piloter cette évolution massive et confuse. Dans ce
désordre, on peut justement craindre que les haines de certains
(individus, nations ou cultures déviantes) poussent au choc des blocs
et favorisent l'émergence de mini sociétés turbulentes, oppressives,
anxiogènes et pathologiques constituées de maîtres et d'esclaves .
