42/ thèse sur l'économie algérienne (ULB 1970) ou sur l'origine des dérives actuelles

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42/ thèse sur l'économie algérienne (ULB 1970) ou sur l'origine des dérives actuelles

Thèse sur l'économie algérienne (doctorant Bruxelles-ULB 1970),
ou sur l'origine des détresses actuelles  .


Ma thèse doctorale proposait d'analyser la problématique du
développement algérien au seuil du premier plan quadriennal 1970-73 ,
notamment l'impact du modèle des ''industries industrialisantes''
(théorie de Bernis et de Bobrowsky, dérivée des pôles de croissance de
F. Perroux), non pas simplement en termes de  comptabilité de
ressources humaines (besoins en main-d'oeuvre selon l'approche BIT),
mais en termes d'objectif de politique sociale.

La relation (emploi-formation-revenus), levier crucial du développement,
impliquait en particulier d'interroger les types d'investissements selon
les secteurs,  le choix des technologies mises en oeuvre et donc le rapport
capital-travail induit, dont dépendait en aval la formation sociale
nationale, objectif sacré de justice sociale de la révolution.
Fourastié avait montré à cet égard que le progrès technique  influençait
certes la productivité, mais qu'il agissait aussi sur le niveau de vie et
l'organisation sociale.

Or, De Bernis ne voyait pas que sa théorie des "industries industrialisantes",véritable profession de foi politique, provoquait une dérive calamiteuse de l'économie dirigée, en l'absence de gouvernance sociale ajustée !
Pour exemple, le retour sur investissement dans le pétrole et les
infrastructures au sud générait au nord (mieux loti) des effets centuples
à ceux du sud où il y avait tant à faire. Plus que de l'exploitation,
c'était de l'extorsion, un néo-colonialisme.

Au lendemain de l'indépendance, le raisonnement binaire à la mode  en
matière d'analyse et de prospective était très rigide.
Il semblait, en effet, évident à tous qu'il n'y avait qu'à choisir :

- soit, la voie libérale de l'économie de marché, régulatrice de
l'allocation des ressources et facteurs par le jeu de l'offre et la demande. Mais, la voie paraissait inopérante, inégalitaire et injuste au possible et
surtout opposée aux intérêts du pouvoir et des clans.

- soit, la voie marxiste de développement (impérativement sans le
guide de la lutte des classes ) . Mais, la philosophie du matérialisme
historique faisait figure d'épouvantail aux yeux des nouveaux dirigeants
qui lui opposaient un socialisme pragmatique ( ''socialisme spécifique''
selon Bouteflika - RTA 1967), où on se contenterait de partager le
pouvoir entre dirigeants autoproclamés et cooptés.

Le Plan avait fait son nid dans ce dernier courant ultra-étatiste de la
classe dirigeante, convaincu qu'il ne comportait pas d'objection.
Dans ces conditions, j'avais acquis la conviction que la dimension
sociale du modèle de développement était anormalement abandonnée
au profit de la seule planification économique et territoriale, alors qu'on
devait rendre l'impact social du dirigisme économique intelligible,
plus visible, plus lisible, moins masquée.

Vers quelle structure sociale s'acheminait-on ? Nul ne se posait
 la question. Pas plus que de savoir si nous ne précipitions
pas l'échec économique en alourdissant le poids de la croissance
par celui d'objectifs surajoutés et d'investissements mal définis,
mal calibrés, « conseillés ». Le surdosage industriel pratiqué comme
s'il ne s'agissait que de recopier le modèle des pays avancés multipliait
pourtant les contre-indications sur le plan social.

Jeune administrateur, à peine sorti de l'ENA en 68 et de ma licence de
sociologie, j'entrais avec inquiétude dans la conviction que, si le
socialisme algérien devait échouer, il le devrait, en premier lieu, au fait
que le pays négligeait de gérer la création et la redistribution des richesses en  fonction du travail et des besoins sociaux.
Le modèle social me semblait être partie prenante du modèle économique.
Or, nous faisions l'impasse sur ce préalable.
Au sommet, le pays  se contentait, sûr de sa voie et du postulat de sa
gestion, de simplement accaparer la propriété des moyens de production
nouveaux et de fixer autoritairement les objectifs de développement. Il ne
se préoccupait pas des désajustements sociaux provoqués par la spirale
infernale des emplois, des prix et des salaires fomentés par le couple
diabolique de l'économie industrielle administrée et de l'économie de
marché héritée .

Les étatistes restaient obsédés par l'utopie brillante, mais irréaliste, de
la création prioritaire d'une économie industrielle pourvoyeuse de tous
les bienfaits. Simultanément, ils ne voyaient pas l'erreur colossale de
reléguer à l'arrière-plan le rôle et la place de l'agriculture, pourtant
seule capable d'occuper la paysannerie majoritaire et de nourrir la population grandissante des villes. Le capitalisme industriel de la voie socialiste proclamée à la manière de radio Tirana, s'imposait ostensiblement.

Bien que simple, la vérité est sans doute toujours dure à entendre
chez les étatistes dogmatiques. Le pays n'est pas fait que d'un territoire
où peuvent se saupoudrer les projets. Il est aussi constitué d'une
population différenciée, où il faut aller, dans l'épaisseur des strates,
semer l'avenir.
En refusant la gouvernance sociale, la division sociale abandonnée
à elle-même se grippe et s'envenime. Au lieu d'être contributrice
de croissance et de progrès, elle se transforme en conflits de forces,
qui compliquent la répartition des charges et des profits au coeur de
la pyramide sociale.

Ma thèse voulait dépasser les deux approches théoriques en se
fondant sur une approche structuraliste du développement, plus
souple, moins dogmatique, inspirée des études sociologiques.
Mon objectif n'était alors que d'introduire le concept de
gouvernance sociale et de faire de la gouvernance sociale le volet
manquant articulé à la planification économique et territoriale pour
composer la planification générale du développement.
Mais, les a priori du Parti étaient pires qu'au Plan. Si d'autres
partageaient mes doutes...discrètement, mon projet sans être
oppositionnel allait devenir sulfureux à mon insu.

J'ai été écarté du Plan et embarqué dans un procès étatiste stalinien...

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