En droit du travail français, les entreprises confrontées à d’importantes difficultés économiques disposent de différents dispositifs pour ajuster leurs effectifs. Deux leviers principaux sont le plan de départ volontaire (PDV) et le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Bien qu’ils visent une réduction des emplois, ces mécanismes présentent des différences fondamentales en termes de cadre juridique, de procédure, de droits des salariés et d’implications pour l’employeur.
1. Définitions et objectifs
Plan de départ volontaire (PDV) :
Le PDV consiste à inviter des salariés à quitter volontairement l’entreprise dans un cadre collectif, en échange de mesures d’accompagnement. Le PDV n’est pas une obligation légale, mais il s’inscrit bien souvent dans une logique de gestion préventive, pour éviter des licenciements contraints.
Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) :
Le PSE, en revanche, est une procédure obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés prévoyant au moins 10 licenciements économiques sur une période de 30 jours. Il vise à limiter les conséquences sociales des licenciements collectifs, en proposant un ensemble de mesures de reclassement et d’aides à la réinsertion.
2. Cadre légal et textes applicables
PDV : bien que reposant en grande partie sur la négociation interne et n’étant pas spécifiquement encadré par le Code du travail, le PDV doit respecter les principes généraux du droit du travail, notamment l’absence de discrimination et l’égalité de traitement. Aucun texte spécifique ne l’encadre formellement, contrairement au PSE.
PSE : ici, le cadre est strictement fixé par le Code du travail (articles L1233-61 et suivants) et enrichi par une importante jurisprudence de la Cour de cassation. L’élaboration d’un PSE implique une consultation des représentants du personnel et le contrôle de la DIRECCTE (devenue DREETS).
3. Procédures et modalités de mise en œuvre
Plan de départ volontaire (PDV)
La mise en œuvre d’un plan de départ volontaire repose sur une démarche essentiellement facultative, initiée par l’employeur. Généralement, ce dernier propose un dispositif de départ qui est ouvert à tout ou partie des salariés, dans des conditions définies par une note interne, un accord collectif ou une décision unilatérale. Si la négociation avec les représentants du personnel et la formalisation par accord collectif ne sont pas juridiquement obligatoires, elles sont néanmoins fortement recommandées pour sécuriser la procédure et assurer l’adhésion des parties prenantes. Le recours aux partenaires sociaux peut également favoriser l’ajustement du dispositif aux attentes du personnel et limiter les risques de contestation. Le salarié intéressé par le départ volontaire manifeste ensuite sa candidature et, sous réserve d’acceptation par l’employeur (celui-ci peut fixer des critères de sélection), le processus aboutit à la rupture du contrat de travail, accompagné d’une indemnité supra-légale et de mesures d’accompagnement.
L’administration (DREETS) n’a pas à valider ou homologuer le plan, sauf cas exceptionnels où le PDV intervient dans le cadre d’un plan mixte avec licenciements économiques. Le formalisme est donc limité, ce qui confère au PDV une grande souplesse de mise en œuvre et une réduction des délais, tout en impliquant un engagement de dialogue social et de transparence.
Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE)
La procédure de mise en place d’un PSE est, à l’inverse, rigoureusement encadrée par le Code du travail (art. L1233-61 et suivants). Le déclenchement du PSE devient une obligation lorsque l’entreprise d’au moins 50 salariés envisage de procéder au minimum à 10 licenciements pour motif économique sur une période de 30 jours. L’employeur doit alors engager une consultation formelle des instances représentatives du personnel (CSE), en leur communiquant un vaste ensemble d’informations relatives à la réorganisation envisagée, ses raisons économiques, et les conséquences sociales attendues.
Le projet de PSE peut être négocié via un accord collectif majoritaire, ou, à défaut, pris par décision unilatérale de l’employeur, mais il doit dans tous les cas être soumis à la validation ou à l’homologation de la DREETS. Cette dernière vérifie non seulement la conformité de la procédure, mais aussi la qualité et la pertinence des mesures d’accompagnement proposées aux salariés (reclassement, formation, aides au retour à l’emploi, indemnités…).
Les délais procéduraux sont stricts : la consultation du CSE, la transmission du projet à l'administration et l’examen par la DREETS sont minutieusement cadencés, sous peine de sanctions si l’une des étapes est négligée. Par ailleurs, l’employeur doit justifier la réalité du motif économique et la proportionnalité du plan au regard de la situation de l’entreprise et des moyens du groupe éventuel. Toute irrégularité, même formelle, peut exposer à l’annulation de la procédure et à la nullité des licenciements.
Ainsi, le PSE s’inscrit dans une logique contraignante, transparente et très encadrée, accentuant le rôle des représentants du personnel et de l’administration dans la protection des droits des salariés.4. Droits et protection des salariés
Dans un PDV, le salarié part de sa propre initiative et bénéficie de conditions financières incitatives (indemnité supra-légale), d’un accompagnement et de dispositifs de transition (outplacement, formation). Il conserve, selon conditions, le droit au chômage s’il justifie d’une “motivation économique” du départ.
En PSE, le salarié licencié bénéficie des mesures obligatoires prévues par la loi : reclassement, formation, aide à la création d’entreprise, priorité de réembauche… Les indemnités ne peuvent être inférieures à celles prévues légalement ou par la convention collective, mais sont souvent négociées à la hausse.
5. Conséquences pour l’employeur
Flexibilité et image sociale : le PDV permet d’anticiper une baisse d’effectifs en douceur, limitant les conflits sociaux et le risque judiciaire, tout en valorisant l’image de l’entreprise.
Sécurité juridique : le PSE est complexe, long, coûteux, et expose l’employeur à des risques contentieux élevés en cas de vice dans la procédure. Le contrôle administratif est strict ; l’annulation d’un PSE pour non-conformité expose à la nullité des licenciements.
Obligation d’élaborer un PSE : en cas de franchissement des seuils légaux, l’entreprise doit mettre en place un PSE, sous peine de sanctions pénales et civiles.
6. Exemples et chiffres récents
Exemple de PDV : En 2023, Airbus a mis en œuvre un PDV permettant le départ volontaire et accompagné de plusieurs centaines de salariés, souvent en parallèle d’un PSE pour d’autres catégories de personnel.
Statistiques PSE : en 2023, la DREETS a validé ou homologué près de 900 PSE en France, couvrant plus de 28,000 suppressions de postes (source Dares).
7. Aspects facultatifs et contraignants, rôle des partenaires sociaux
PDV : dispositif facultatif, négocié de manière souple. Les partenaires sociaux jouent un rôle incitatif, mais le PDV peut être mis en œuvre même sans accord collectif, sous réserve de respect du droit du travail.
PSE : dispositif contraignant, assorti d’une procédure lourde et d’un dialogue social institutionnalisé : négociation obligatoire avec les IRP, contrôle administratif exhaustif.
Le plan de départ volontaire et le plan de sauvegarde de l’emploi sont deux outils de gestion sociale des restructurations, mais ils diffèrent par leur nature (volontariat vs licenciement contraint), leur cadre légal (peu ou pas encadré vs fortement réglementé), la procédure (flexible vs rigide et contrôlée) et les droits offerts aux salariés. L’employeur devra privilégier l’un ou l’autre selon la situation, la taille de l’entreprise, la gravité de la crise et son projet social.
Principaux textes et références :
Articles L1233-61 et suivants du Code du travail.
Circolare DGT n°2013-04 du 18 mars 2013 relative au PSE.
Cass. soc., 20 janvier 2010, n°08-44.957 (distinction entre PDV et licenciement économique).
Décisions DREETS relatives au contrôle des PSE.
Dares, “Les plans de sauvegarde de l’emploi en 2023”.