Synthèse de Droit Maritime

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Synthèse du Droit Maritime

Synthèse du Droit Maritime

Synthèse de Droit Maritime

Auteur

Abdelkrim ADYEL

Docteur d’Etat Français en Droit 

Avocat à la cour

 

 

DROIT MARITIME 

 

Il n’échappe plus à l’esprit de personne que nous vivons aujourd’hui dans un processus multidimensionnel qui englobe tant la sphère économique que politique, culturelle et juridique. Le commerce mondial, moteur de ce processus, a connu depuis la première moitié du XXème siècle une ascension sans précédent. Pour reprendre une formule caractéristique de ce phénomène : « Think global, act local ». 

Telle est la physionomie du commerce international de ce nouveau millénaire.

 

En effet, le développement fulgurant et constant des échanges internationaux ces dernières décennies a entrainé l’intégration des économies de la majorité des pays développés et en voie de développement couronnée par ce qui est communément appelé aujourd’hui la mondialisation ou la globalisation.

 

Dans ce contexte, le droit Maritime occupe une place prépondérante dans les échanges commerciaux internationaux. Le droit Maritime peut être défini comme l’ensemble des règles juridiques spécifiques directement applicables aux activités que la mer détermine. Il doit être distingué du droit de la mer qui définit les compétences respectives des Etats de la communauté internationale sur les espaces maritimes.

Sur le plan historique, ses sources sont nombreuses, il revêt par essence un caractère international, son évolution a connu plusieurs étapes.

La codification du droit Maritime Marocain remonte à 1919, ce texte est devenu obsolète et sa révision s’impose. Un projet de code maritime de 2007 assez innovant mais contradictoire est toujours en cours d’examen. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I. –  Champ du droit Maritime
1. – 1. – Réforme

Le droit Maritime Marocain a fait l’objet d’une importante réforme dans le cadre du projet de code maritime de 2007, innovant à bien des égards mais n’ayant pas traité toutes les questions. Par ailleurs, il n’a intégré que peu de règles internationales dans des domaines d’actualité telle que la pollution par hydrocarbures ou autres substances en excluant de son champ d’application la navigation maritime par les navires de pêche.

Il est à souligner que la primauté des conventions internationales sur le droit interne Marocain est énoncée dans le préambule de la nouvelle constitution du 18 Juin 2011 qui fait désormais partie intégrante de la constitution en rappelant que le Maroc a ratifié la Convention de Hambourg de 1978 sur le transport international de marchandise par mer et c’est donc cette convention qui a vocation à recevoir application.

A. –  A.  Le domaine  du droit Maritime

 

1°  1° La nature du droit Maritime
2. – 2. - Définition

Comme souligné plus haut, le droit Maritime est à distinguer du droit de la mer sans pour autant ne pas y être attaché comme l’ensemble des règles spécifiques applicables aux activités commerciales maritimes. Son originalité réside dans son caractère à la fois privé et public, tout en ayant ses règles propres en matière de Droit International Public, Droit Administratif Maritime, Droit Pénal Maritime, Droit du Travail Maritime, Droit Civil, Commercial et International Privé.

3. – 3. - Droit International Public

Il régit les rapports entre les Etats dans leur relation avec la mer dans le cadre de son utilisation avec la délimitation des divers Droits des Etats riverains par la division de la mer en plusieurs zones : mer intérieure, mer territoriale, zone contiguë, haute mer. Il définit ensuite les droits des Etats et les produits extraits du sous-sol de la mer  tels que les hydrocarbures. Rappelons à ce titre, la Convention des Nations Unies du 10 Décembre 1982 conclue en Jamaïque qui définit précisément les conditions d’exploitation des différentes zones océaniques (Mer territoriale, douze miles marins, c'est-à-dire 24 Kilomètres, propriété du pays côtier, zone économique exclusive « ZEE » Deux cent miles marins des côtes, 370 Kilomètres, liberté de trafic mais contrôle de l’exploitation des ressources par le pays propriétaire, zone des grands fonds, patrimoine commun de l’humanité).

4. – 4. – Droit Administratif Maritime

Il  règlemente la circulation en mer, l’usage du domaine public maritime, des ports et des mers intérieures, l’hygiène et la sécurité des navires fréquentant les ports Marocains. Le principe étant qu’il est unilatéral et contraignant puisqu’il s’agit d’une mission de service public. La loi 15-02 sur l’organisation des ports au Maroc fixe la compétence et les pouvoirs de l’autorité portuaire exercée par l’Agence Nationale des Ports (ANP), qui prend en charge la régulation et la sécurité dans le secteur par le biais notamment de l’exercice des missions de police des ports, de sécurité, de contrôle et du respect de la réglementation. Elle prévoit l’instauration d’opérateurs portuaires publics ou privés assurant les missions commerciales dont notamment la Société MARSA MAROC.

5. – 5. – Droit Pénal Maritime

Il  existe plusieurs degrés d’incrimination spécifiques tel que le défaut d’assistance après abordage, l’abandon de poste ou l’absence irrégulière du bord, l’abus d’autorité, les négligences du capitaine ou l’altération de vivres, ce qui est différent du Droit Pénal terrestre.

6. – 6.- Droit du Travail Maritime

C’est une institution exorbitante du Droit commun dans le fond. Des sanctions propres au Droit du Travail Maritime sont prévues : le marin est dévoué à la sécurité de l’expédition maritime, il doit obéir aux ordres du capitaine, ses négligences, acte ou omission sont sanctionnées pénalement ou disciplinairement.

7. – 7. - Droit Civil et Commercial

Le Droit Maritime n’est pas un droit autonome puisqu’il tire sa substance du Droit Commun c'est-à-dire du Droit Civil et du Droit Commercial pour toutes les dispositions et sur les points qui ne régit pas expressément. En effet, c’est la vie et l’activité commerciale qui nourrissent le Droit Maritime et son adaptation à ses besoins. Il puise donc dans le Droit Civil et dans le Droit Commercial ce qui est adaptable à l’activité maritime.

8. – 8. – Le Droit International privé

Les relations maritimes, sont par ailleurs, internationalisées dans leur grande majorité, ce qui démontre l’importance du Droit International Privé Maritime constitué par un ensemble de règles de droit matériel qu’énoncent de nombreuses conventions internationales de type de conventions ouvertes proposées par le Comité Maritime International (CMI) ou par un corps de règles conflictuelles présentant une certaine originalité (les règles d’York et d’Anvers), sur la limitation de la responsabilité du transporteur.

2°  2° Sources historiques du Droit Maritime
9. – 9. - Lois

Dans une première phase, l’internationalisme du Droit Maritime s’est exprimé par une adhésion de la communauté maritime à une coutume commune, lentement construite aux travers de quelques textes fondamentaux qui se virent reconnaître une valeur générale dépassant les particularismes nationaux. Ces textes privilégiés, ce furent d’abord, dès le XIIIème siècle, même si les éditions connues en sont postérieures, deux textes parallèles et très proche l’un de l’autre, les rôles d’Oléron et le Consulat de la mer. Les rôles d’Oléron, dont la première formulation écrite connue date de 1400-1450 devaient inspirer les droits des Etats et des villes de la façade Atlantique. On en retrouve les règles aussi bien dans les jugements de Damme (Belgique Flamande) que dans les lois de Visby (Iles Suédoises). Le Consulat de la mer, texte d’origine Catalane, dont la première édition connue date du XVème siècle, a, lui, inspiré les droits des Etats et villes de la Méditerranée. Rôles d’Oléron et Consulat de la mer ne sont pas des œuvres originales. Ils ont codifiés les coutumes maritimes de leur temps, coutumes qui s’étaient lentement dégagées à partir des règles recueillies du Droit Romain ou du Droit Byzantin, d’usages locaux, de jurisprudences nouvelles. Dans la formation de ces coutumes, il faut aussi reconnaître un rôle, sans doute important, au Droit Musulman comme nombre dechapitres du Consulat de la mer en particulier sont repris des textes du Droit Musulman, qu’il s’agisse du Droit de l’assistance maritime, celui de l’abordage ou de la commande, forme première de la limitation de responsabilité des propriétaires de navires.

10. – 10. – L’ordonnance de la marine de 1681

Rôles d’Oléron et Consulat de la mer furent remplacés en 1681 par l’ordonnance de la marine, certainement le plus beau joyau de l’œuvre législative de Colbert. Avant la rédaction de l’ordonnance, une mission d’information fut organisée afin de connaitre les usages et coutumes, de signaler les imperfections, les abus et toutes les données maritimes sur la mer et la violence des flots. Le but législatif est de réformer les amirautés et d’assurer le commerce par la voie maritime par une loi uniforme. L’influence de ce texte s’exerça non seulement sur le continent Européen, mais même, au moins pour un temps sur le droit Anglais comme sur le droit Américain naissant. De cette dernière influence, on trouve encore des traces en droit Contemporain, par exemple dans un arrêt du 17 Avril 1961 de la Cour Suprême des Etats-Unis, se fondant expressément sur l’ordonnance (Livre III, Titre IV, Article 1er) pour déclarer valable l’engagement verbal pris par l’armateur au bénéfice de l’un de ses marins « KOSSICK v UNITED FRUIT, 1961, American maritime kases, 833 ».

3°  3° Le particularisme du Droit Maritime
11. – 11. – La limitation de responsabilité de l’armateur

Plus que les autres ensembles de normes (Droit Commercial, Droit du Travail), les règles du Droit Maritime sont marquées par une spécificité, par un particularisme accentués. De ce particularisme, l’exemple le plus remarquable est sans doute celui de la limitation de responsabilité dont, de tout temps, a bénéficié et bénéficie aujourd’hui encore l’entrepreneur maritime, l’armateur.

12. – 12. – Fondement : Les risques de la mer

Certains aspects du particularisme du Droit Maritime s’expliquent par la nature des choses. C’est ainsi que le rôle important traditionnellement dévolu au capitaine, s’explique par le fait qu’à l’époque où les règles du Droit Maritime se sont constituées, tout lien était rompu  entre l’armateur et le capitaine dès le départ du navire. C’est ce qui justifie la limitation de responsabilité dont bénéficie l’armateur. Toutefois, le droit prend en compte une autre raison, le fait que les activités maritimes sont des activités d’intérêt général.

13. – 13. – Le caractère d’intérêt général des activités maritime

Sans être à strictement parler une activité de service public, l’activité des armateurs, et en particulier celle des transporteurs maritime et incontestablement une activité d’intérêt général. Cette idée est aujourd’hui largement reconnue. Elle s’exprime notamment dans la loi du 30 Décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, la LOTI. Au terme de l’article premier de ce texte, « le système de transports intérieurs … concourent à l’unité et à la solidarité nationales, à la défense du pays, au développement économique et social ». Ce qui est exact pour les transports terrestres internes, l’est plus encore pour les transports maritimes. Sans le transport maritime, le monde serait isolé.

14. – 14. – Portée du particularisme

Certains auteurs au XIXème siècle ont défendu la doctrine de l’autonomie du Droit Maritime, arguant que ce dernier formait un ensemble autonome de règles, se suffisant à lui-même. Cette conception est certainement excessive car malgré son originalité le Droit Maritime ne peut prétendre à l’autonomie, il reste soumis aux principes généraux du Droit Commun et en particulier à la théorie générale des contrats et des obligations, ce qui est le cas du Dahir des contrats et des obligations Marocain, dont les dispositions relatives aux vices du consentement s’appliquent en la matière. Les règles de Droit Commun ne peuvent être écartées que si des dispositions expresses sont prévues par le Dahir du Code de Commerce Maritime (DCCM) de 1919.

15. – 15. – Particularisme et pays en voie de développement

Pour ce qui est le cas du Maroc et comme nous allons le voir plus en détail un peu plus loin, sur le plan du Droit interne, c’est le DCCM de 1919 qui est applicable, sans omettre les dispositions du Code de Commerce relatives au transport de marchandises (Article 449 et suivants) et également le Dahir des obligations et des contrats ainsi que le Code du Travail.

4°  4° Le CMI et les conventions du CMI
16. – 16.  Le CMI et les conventions du CMI

Le CMI est une association de droit privé (organisation non gouvernementale), qui rassemble juristes et professionnels de l’ensemble des pays maritimes à travers les associations nationales de Droit Maritime. Créé en Belgique en 1897 à Bruxelles, puis transféré à Anvers, le CMI s’est donné pour but de contribuer à l’unification du Droit Maritime ou commercial tant par la voie de traités ou d’accords internationaux que par la mise en concordance des législations internes, des usages, des coutumes et des pratiques.

17. – 16. – L’OMCI – L’OMI

Anciennement dénommé l’OMCI, son activité débuta en 1958, et ne s’était jusqu’alors intéressée qu’à des problèmes techniques, cette institution sut cependant saisir l’occasion qui se présentait à elle de développer son action dans des domaines juridiques. Un comité juridique permanent fut crée, dont le travail aboutissait en 1969 à la signature de deux conventions internationales, l’une de Droit Public sur l’intervention en haute mer en cas d’accident de pétrolier, l’autre, de Droit Privé, sur la responsabilité civile dus à la pollution, textes doublés en 1971 par une convention créant un fond international d’indemnisation, le FIPOL. Depuis 1969, l’OMCI a prit l’initiative d’autres conventions de Droit Privé, telles les conventions concernant le transport de passagers (1974), la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes (1976) ou l’assistance maritime (1989).

 

 

5°  5° Les institutions internationales du Droit Maritime
18. – 18. – La CNUCED

Créée en 1964 et animée par les pays en voie de développement, la CNUCED (Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement) a très vite marqué sa volonté de ne pas abandonner aux seules nations développées, et en particulier aux grands pays maritimes, la maitrise du Droit Maritime International. Elle a pris l’initiative de la rédaction de plusieurs conventions internationales telle que celle portant Code de conduite de conférence maritime (1974) ou la convention sur le transport multimodal (1980). Elle a également participée à la rédaction de plusieurs conventions internationales telles, en 1978, les règles de Hambourg, en 1993 la nouvelle convention sur les hypothèques et privilèges maritimes ou en 1999 la nouvelle convention sur la saisie conservatoire des navires.

19. – La CNUDCI

La CNUDCI, Conférence des Nations-Unies sur le Droit Commercial International est un autre organe des Nations-Unis crée en 1966, qui a marqué sa volonté de s’intéressé au Droit Maritime dès 1970. Elle a ôté à la CNUCED la maitrise d’œuvre de la future convention sur le transport maritime de marchandises, ce qui deviendrait les règles de Hambourg. Depuis 2001, elle s’attache à la rédaction d’un nouveau texte qui régirait le transport maritime international.

B. –  B. – L’internationalisme du Droit Maritime
20. – Primauté du Droit Maritime International

La spécificité du Droit Maritime est due au caractère dangereux des événements de mer. On constate aujourd’hui que les facteurs de développement émanent de la mer ainsi que l’essor économique d’un Etat, ce qui impose l’adoption d’une législation qui dépasse ses frontières. L’élément le plus décisif aujourd’hui est de supprimer l’incertitude qui tient à la diversité des systèmes nationaux et à l’ignorance où l’on se trouve en cas d’événements en mer donnant lieu à un contentieux devant une juridiction étrangère par rapport aux intérêts nationaux en cause. Avant de se nationaliser, le Droit Maritime est né à l’échelle mondiale.

1°  Champ d’application
21. – 21.  Domaine

Le caractère international du Droit Maritime s’est notablement accru pour des raisons politiques et économiques. Dès lors, du point de vue juridique, il possède une vocation naturelle à s’établir sur le plan international. La multiplicité des relations entre états riverains à transformer cette aptitude en nécessité. 

22. – 22. – Nécessités

Cette nécessité se vérifie dans plusieurs domaines. D’abord pour des questions de sécurité en mer, des règlements ont été arrêtés en commun par toutes les nations maritimes pour prévenir les abordages ; des accords sont conclus pour uniformiser les phares et le balises ; la sécurité de la navigation laisse très peu de place au loisnationales ; la police de la navigation est d’abord affaire internationale. On peut également citer la nécessité de fixer le jaugeage des navires sur le plan international pour permettre le calcul de la taxe portuaire qu’ils doivent verser dans les ports où ils se rendent car c’est sur la base de la jauge du navire que cette taxe est calculée. La convention de Londres de 1969 (Ratifiée par le Maroc le 3 Mai 1990 – Dahir du 24 Novembre 2000 – BO N°4888 du 5 Avril 2001) a réglé ce problème sur le plan international évitant ainsi que le tonnage soit mesuré par chaque pays selon sa méthode pour appliquer la taxe.

23. – 23. – Les conventions les plus célèbres

Depuis 1910, sous l’influence du CMI qui siège à Anvers et par les soins de la Conférence Diplomatique de droit maritime réunie chaque fois qu’il est nécessaire à Bruxelles, plusieurs conventions ont été élaborées. Les plus célèbres ont unifié les règles de l’abordage et défini la matière de l’assistance en mer. Celles qui sont invoquées quotidiennement sont la Convention de Bruxelles de 1924 et la Convention de Hambourg de 1978 sur le transport sous connaissement (ratifiée par le Maroc).

C. –  C. – Uniformisation et unification du Droit Maritime par la pratique
24. – 24. – Uniformisation ou l’unification du Droit Privé Maritime

Les conventions internationales ne peuvent réaliser l’uniformisation du droit maritime, car les solutions qu’elles donnent sont applicables à des situations internationales qui varient d’une convention à une autre parce que le domaine de chacune d’elles doit correspondre à la matière qu’elle règle. Certes, elles réduisent considérablement les conflits de lois, mais ne les abolissent pas entièrement parce qu’elles ne sont jamais ratifiées par tout les Etats du monde. Or les règles de conflits de lois font partie de l’ordre juridique interne de chaque pays. L’uniformisation ne peut être atteinte que si les législations nationales s’alignent les unes sur les autres ou qu’elles s’alignent toutes sur une convention internationale ou que les normes internationales soient intégrées dans l’ordre interne. On peut, cependant, reconnaître que les normes internationales ont un effet d’entrainement  pour le rajeunissement du droit national maritime.

Quant aux lois, si l’unification peut être atteinte entre elles, l’uniformisation ne le peut pas par suite des divergences dans l’interprétation de la même norme par les jurisprudences nationales. Ces divergences proviennent généralement des mœurs judiciaires différentes. Ainsi les juges anglais seront plus proches des textes que les juges de droit écrit qui accordent à l’interprétation des textes un large pouvoir. On sait combien cette jurisprudence varie avant d’adopter une solution unique d’un même texte.

25. – 25. – L’unification du droit maritime par la pratique

Elle a été possible dans un certain nombre de cas par l’action d’organismes privés, tel que l’International Law Association, dont les travaux ont débouché sur l’élaboration des règles suivies par la pratique du monde entier en matière d’avaries communes. Les Règles d’York et d’Anvers sont adoptées par le monde maritime comme base de leurs règlements d’avaries communes car les Règles établissent un système équitable entre les intérêts privés en conflit. Il existe aussi des règles adoptées par des groupements professionnels dont la source est coutumière. Il s’agit, notamment, des Règles et Usances Uniformes du crédit documentaire arrêtées par la Chambre de commerce internationale.

Plus nombreuses sont les unifications résultant de l’établissement de certains contrats types par les conférences maritimes. Il s’agit, notamment, des contrats types d’affrètement et de transport. Ainsi, le modèle Gencon est généralement utilisé en matière d’affrètement au voyage et le modèle Baltime pour les affrètement à temps, modèles utilisés par des armateurs et acceptés par des affréteurs du monde entier. Diverse chartes types sont utilisés dans un trafic particulier : les chartes Medcon ou Sovcoal dans les affrètements de navires charbonniers. Des contrats types sont établis aussi pour les connaissements. Les ventes maritimes résultent de normes par référence aux Incoterms (International Commercial Termes), termes élaborés par la CCI. La dernière édition étant de 2010.

2°   Le Droit Maritime Arabe et Marocain
26. – 26. – La mer et le Monde Arabe

Le monde arabe avait exercé des activités commerciales avant l’avènement de l’Islam. Il entretenait des relations commerciales avec les principaux centres de richesse et de civilisation comme l’Egypte, la Perse et la Mésopotamie, en empruntant les voies maritimes. Ces activités avaient connu une stagnation entre le 2ème et le 6ème siècle. Dès l’avènement de l’Islam, les activités ont repris par les mouvements de conquête en utilisant la voie maritime. Les activités maritimes arabes étaient également pacifiques créant des liens d’amitié et de bon voisinage avec des terres non musulmanes. Ils avaient créé une communication humaine mondiale. En effet, le principe de la liberté du commerce, reconnu par les arabes, avait contribué au développement du commerce maritime de la Méditerranée, de la Mer Rouge et du Golfe Arabe. Ce principe les avait conduit, après leurs dominations sur la Méditerranée, à éliminer toute sorte de contrôle sur le commerce établi pendant la domination byzantine entre 725 et 827.

Le Maroc était, parmi les territoires arabes, le plus actif dans ce domaine. Sa puissance flotte marchande transportait les marchandises orientales de la Syrie et de l’Egypte vers l’Afrique du Nord. L’empire musulman exerçait le commerce en empruntant deux voies maritimes pour atteindre le port de « Canton » chinois : la première, allant du Golfe Arabe en passant par le Sund et l’Inde, la seconde, par la Mer d’Arabie, l’Inde, Ceylan, le Golf du Bengale et le Détroit de Malacca. L’activité maritime arabe s’exerçait non seulement dans la navigation mais aussi dans la construction des arsenaux maritimes pour le compte de la Marine Marchande, dans le but de développer l’activité par la voie maritime, ce qui a contribué en même temps au développement de la géographie humaine amenant différentes races arabe, indienne, chinoise et africaine à s’installer dans certaines régions. Le respect réciproque entre els arabes et les autres races n’était pas limité à ce contact humain réalisé par le commerce, mais se reflétait davantage à travers le rôle qu’ont joué les savants et chercheurs arabes dans les sciences en général et dans celle de la mer en particulier.

27. – 27. – Contribution arabe au développement des sciences de la mer

Le développement de la navigation de guerre et de la navigation marchande a poussé les savants arabes à s’intéresser davantage aux sciences de la mer. L’empire islamique avec ses vastes territoires nécessitait d’être organisé, ce qui exigeait qu’il collecte le maximum d’informations. Cette exigence a développé en lui l’esprit d’aventurier l’incitant à aller loin à la découverte de l’inconnu. Ibn Batouta est l’exemple significatif du voyageur arabe aventurier. D’autres voyageurs avaient des objectifs scientifiques, ce qui se reflète dans leurs ouvrages et dans certains documents donnant au monde le résumé de leurs multiples voyages maritimes.

Le résultat de leur expérience par leur vision globale du monde a contribué au développement de plusieurs branches de la science : l’astronomie se développa pour être utilisée par la navigation maritime et participer à la découverte dans ce domaine. L’Astrolable, qui avait été développé par les Arabes, fut à l’origine de l’invention du télescope. Ces savants voyageurs avaient également été attirés par les sciences de la géodésie et la cartographie. « Al-Idrissi » avait établi pour le roi normand Roger II une grande carte du monde en argent « mappemonde » et son ouvrage de géographie est connu sous la dénomination « Livre de Roger ».

Les savants arabes portaient un intérêt particulier à la cartographie avant même Al-Idrissi. L’un des premiers cartographes, « Abou Abdallah Al Khawarizmi » avait écrit un ouvrage au début du IXème siècle dans lequel la terre est représentée par plusieurs cartes détaillées. Le mathématicien et médecin « Abou Arrayhane Al Biruni », avait porté un intérêt particulier à la géographie en introduisant une méthode nouvelle de projection stéréographique appelée « La règle Al Burinis », et dans cet ouvrage intitulé « Pour connaître les mers », il a simplifié les cartes.

En développant la cartographie pour faciliter les voyages, ces savants ont également développé l’outil : les vaisseaux, en inventant « la voile triangulaire ». Les Européens ne connaissaient que « la voile carrée ». Or « la voile triangulaire » avait permis aux vaisseaux de naviguer contre le vent et avait favorisé le voyage à grande distance pour traverses les océans vers la découvertes du nouveau monde.

Les Arabes avaient, par ailleurs, ramené de l’Océan Indien à la Mer Méditerranée l’aiguille magnétique chinoise qu’ils ont transformée pour inventer « la boussole », utilisée au XIème siècle, ce qui leur avait permis d’atteindre la Chine et l’Inde. Cet instrument fut utilisé en Méditerranée au XIIème siècle et connu en Europe au XIIIème siècle.

28. – 28. – Les codes et les traités

Les écrits arabes ont contribué au développement des sciences de la mer et à celui des règles maritimes. Plusieurs musées et librairies détiennent encore ces écrits et ouvrages, en dépit de ce qui avait été brûlé, dans le passé, notamment, par le Roi des Tartares « Holakou » lors de sa conquête de Baghdad (1258) et par les Espagnols lors de leur prise de Grenade (1492).

Parmi ces ouvrages, on peut citer ceux du célèbre marin « Ibnou Majid » connu sous le nom de « Lion de la mer ». Cet auteur était tantôt guide, tantôt commandant de vaisseau. Il a écrit trente traités sur la mer, résumant ses connaissances et ses expériences, dans lesquels il a aussi développé l’utilisation de l’astronomie dans la navigation maritime. Plusieurs mots arabes témoignent de l’intervention des savants arabes dans l’évolution du droit de la navigation maritime.

Aujourd’hui, où l’intérêt porté à la mer prend une autre dimension, notamment, par l’exploitation des ressources maritimes que recèlent les fonds marins, les Etats côtiers, dont les Etats Arabes, commencent à proclamer leurs droit souverains sur les ressources dans les espaces maritimes adjacents à leurs côtes. La déclaration Truman de 1945 sur le plateau continental marque le début du nouveau droit de la mer. A cette date, la Ligue des Etats Arabes (22 Mars 1945), à laquelle a adhéré le Maroc le 1er Octobre 1958, se développa grâce aux découvertes pétrolières dans les espaces maritimes arabes. La Ligue devait être confrontée à la nouvelle situation du droit de la mer, tel qu’il a été réglé par le droit conventionnel maritime créé par la première conférence internationale sur le droit de la mer en 1958, à laquelle les Etats Arabes avaient participé et avait joué un grand rôle dans l’unification du droit de la mer.

29. – 29. – Histoire du Droit Maritime Marocain

La Marine Royale Marocaine est l’une des plus ancienne marine du monde. Sous les Almoravides, qui ont gouverné le Maroc et l’Espagne de 1049 à 1145, elle aligne une centaine d’unités basées à Cadix et Almeria sous le commandement de l’Amiral AbdellahBen Maymoun. Le XIVème siècle donne au Maroc le grand navigateur, géographe et historien Ibn Batouta (1304-1377). Son livre « Rihla » demeure toujours une référence. C’est aussi l’époque du premier traité maritime de Fès de 1309 qui garantit aux navires étrangers (Génois, Aragonais et Catalans) des droits très avantageux, tels que l’ouverture de tous les ports du Royaume et abolition du droit de naufrage : navires et cargaisons qui s’échouent sont restitués à leurs propriétaires.

Au XVIIème siècle, du seul point de vue de la navigation, les expéditions sur Terre Neuve sont incontestablement les plus remarquables de toutes les croisière lointaines entreprises par les corsaires de Salé. Elles dénotent d’une haute maîtrise des techniques de navigation.

En effet, depuis l’embouchure de la Manche, ces expéditions comportent un trajet Est Ouest de plus de 1800 milles hors de vue de terre, dans les parages où le temps est souvent mauvais et la mer très dure pour les petits bateaux.

A partir de 1905, il fut édifié un grand brise-lames à Casablanca. Par cet acte, le Maroc aété le premier pays au monde à oser défier directement l’Océan Atlantique. Lamétéorologie océanographique est née sur ses terres. En effet, en 1920, une tempête paralysa les ports durant sept mois. Cet événement amena les autorités à instituer un service télégraphique pour la prévision de l’état de la mer. Le conteneur, devenu outil universel de transport, est utilisé, pour la première fois en 1942, simultanément au Maroc et aux Etats Unis, à l’occasion de la fameuse opération Torch. Le tétrapode, objet emblématique, est expérimenté pour la première fois à Casablanca en 1950, pour la protection de la prise d’eau de mer de la centrale thermique.

En 1952, on implante pour la première fois en Afrique, à Fédala (Mohammedia), la technique de sea line, c'est-à-dire, un poste de déchargement en mer pour gros pétroliers. Pour la première fois au monde, l’ensablement à Agadir est mis à profit pour réaliser, de 1917 à 1952, la digue principale du port. En effet, on édifie le noyau de cet ouvrage en plusieurs étapes, chaque tronçon bénéficiant de la flèche de sables provoquée par le tronçon précédent.

L’ingénierie portuaire marocaine est alors au sommet de son art et les phares, symboles universels, cristallisent aux yeux du monde une réussite exceptionnelle. La liste est longue des éléments qui constituent l’apport du génie marocain à la diversité maritime du monde : génie qui réside dans l’art d’organiser une collectivité unie, parlant plusieurs langues et partageant des valeurs.

30. – 30. – Le Code de Commerce Maritime de 1919

Le Dahir du 31 Mars 1919, portant Code de Commerce Maritime (DCCM), est la base législative de notre droit maritime. Ce dahir approuve trois textes relatifs au commerce, à la navigation et à la pêche maritime. Qu’il soit vieux et démodé, la chose ne se conteste pas et la nécessité de sa révision ne fait aucun doute.

Elles est, en effet, justifiée par le fait que plus de la moitié de ses textes sont dépassés et qu’il est en retard par rapport au droit d’autres pays avec lesquels le Maroc est en relation commerciale, sachant qu’il s’agit là d’une matière internationale étroitement liée à la politique économique mondiale actuelle. Ce code présente, outre de nombreuses lacunes, des textes complètement obscurs et peu cohérents par rapport aux intérêts qu’il réglemente.

Cependant, dans ce code, ont été incorporés d’importantes lois dès 1919, notamment sur l’hypothèque maritime, le travail des gens de mer et le droit disciplinaire et pénal, sur les règles d’York et d’Anvers, sur l’assistance maritime, le jaugeage des navires et plusieurs autres dispositions provenant de diverses conventions internationales. Bien qu’un certain nombres de ses dispositions ont pris de l’âge, le dahir de 1919 demeure encore la principale base du droit maritime Marocain, sauf dans le cas où une convention internationale adoptée par le Maroc, déroge à ses dispositions et se trouve applicable.

31. – 31. – La coutume

Pendant longtemps, elle a été source unique du droit. Elle représente aujourd’hui la tradition. Son rôle n’est pas négligeable car il arrive souvent qu’elle donne des solutions avant que le législateur n’intervienne, lequel en tient nécessairement compte. A notre époque, en raison des bouleversements techniques, la pratique ne peut pas attendre l’intervention législative. Ainsi, le Leasing, le Franchising, le Crédit différé, le Rentingont d’abord donné lieu à une coutume. En matière maritime, la booking note ou les formes actuelles du connaissement ou les contrats types établis par les associations professionnelles pour couvrir le transport multimodal (v. infra N°546 et s) donnent naissance à des usages généraux et internationaux. L’usage peut puiser sa source dans la convention, lorsque les parties s’y sont référées ou même prévu par la loi, dans le cas par exemple de la freinte de route.

32. – 32. – Projet de code maritime de 2007

Il a innové dans un certain nombre de points essentiels, mais il n’a pas réglé toutes les questions. En outre, il s’est attelé à réduire au minimum la portée des règles internationales dans des domaines importants comme la pollution par hydrocarbures ou autres substances. Il a exclu de son application la navigation maritime par les navires de pêche, confondant le produit de la pêche et le navire qui pratique la navigation. Or nous savons que ces navires sont soumis juridiquement aux mêmes règles que les navires de commerce concernant, notamment, la saisie, les événements de la mer, la responsabilité de l’armateur, les constructions et vente de navire, les privilèges et hypothèques maritime, l’assurance, ainsi que la soumission aux mêmes lois régaliennes dans les ports et vis-à-vis des mêmes autorités portuaires. Le projet de code maritime de 2007 (le dernier projet revu et corrigé) est, dans son ensemble, très confus et quelquefois contradictoire par un mélange de dispositions entre des conventions internationales qu’aucun pays n’a encore ratifié.

33. – 33. – La jurisprudence

On a tendance à la présenter comme une source de droit. Or les tribunaux, lorsqu’ils jugent les litiges entre particuliers, ils appliquent le droit et l’interprètent. L’interprétation, même assise sur une série d’arrêts rendus dans le même sens, ne crée pas le droit. Certes, une jurisprudence constante sur une question de droit maritime donne à la jurisprudence le rôle de concourir à la mission de sécurité que le Droit doit assumer. La jurisprudence maritime est extrêmement importante car elle est seule à pouvoir interpréter (avec l’aide de la doctrine), des notions qu’il serait périlleux pour le législateur de définir. Ainsi, par exemple, on cherchera vainement dans la loi la définition du navire.

34. – 34. – La doctrine

Sans être à proprement parler une source du droit, la doctrine contribue à l’établir. Un échange entre doctrine et jurisprudence alimente l’interprétation du droit et contribue à le fixer. Malheureusement, elle est pratiquement défaillante au Maroc. Il existe quelques ouvrages de recherches universitaires ou des numéros spéciaux de revues publiées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 


Karim ADYEL, Crédit documentaire et connaissement - Théories institutionnelles, problématiques juridiques et solutions jurisprudentielles, Editions LARCIER, Février 2012

 

Pr Hassania CHERKAOUI, Le Droit Maritime – Marocain et comparé, AMDMA, 2014

 

Pierre BONASSIES, Christian SCAPEL, Droit Maritime, LGDJ, 2006

 

Cdt. Abdellah ABOUSSOROR, L’Exécution du contrat de transport maritime de marchandises en Droit Marocain et en Droit Français, Janvier 2000

 

Dahir du Code de Commerce Maritime (DCCM), 31 Mars 1919

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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