Encore appelé leasing, le crédit-bail est une opération juridique particulière dont le but principal est d’octroyer temporairement à un professionnel l’un des attributs du droit de propriété d’un bien meuble ou immeuble, en l’occurrence l’usus, jusqu’au dénouement de l’opération.
Filiation naturelle de la location, le crédit-bail est une pratique très ancienne dont l’origine remonte à l’antiquité. A cette époque, il était très difficile de se fournir des outils de production pour travailler la terre et accéder à l’agriculture. Pour dépasser cette difficulté, les anciennes civilisations, grecque, romaine et égyptienne trouvaient dans la location l’unique moyen de se procurer des terres cultivables et des outils adéquats à leur culture.
L’origine juridique de la location est attribuée au fameux code de HAMMORABI au début du 18 ème siècle avant J-C. Il s’est consacré à sa légalité, vue la fréquente utilisation de cette formule à cette époque déjà . L’histoire moderne du leasing débute aux Etats-Unis, à partir des années cinquante, avec la création de la United States Leasing Corporation en 1952 à l’initiative de D.P. Booth Junior. Etant directeur d’une entreprise de conditionnement de produits alimentaires et ne pouvant acquérir de nouvelles machines par les moyens de financement traditionnels en vue d’exécuter un important marché passé avec l’armée, il pensa à la formule de louage 2 d’outils de production.
Défini en Droit ivoirien par la LOI n° 2017-802 du 7 décembre 2017 uniforme relative au crédit-bail dans les Etats membres de l'Union monétaire ouest africaine (UMOA), le créditbail ou leasing est une « opération de location de biens meubles ou immeubles, corporels ou à usage professionnel, spécialement achetés ou construits, en vue de cette location, par une entreprise qui en demeure propriétaire. L'opération de location, quelle que soit sa dénomination, doit prévoir, à terme, la faculté pour le locataire d'acquérir tout ou partie des biens loués moyennant un prix convenu, tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers ; » .
En Côte d’Ivoire, le crédit-bail a été introduit depuis les années 1960 par la Société Africaine de Crédit Automobile en abrégé SAFCA. Depuis, il peine à s’y développer. Selon une étude de marché réalisée par la Société Financière Internationale (SFI) sur le crédit-bail en Côte d’Ivoire, seulement 1,87 % de crédits octroyés en 2012 portent sur des opérations de crédit-bail. Cette faible performance pourrait s’expliquer par plusieurs raisons notamment la méconnaissance du produit, le défaut d’un cadre légal spécifique et d’un environnement fiscal favorable. Pourtant, il demeure un mode de financement particulièrement adapté aux petites et moyennes entreprises (PME) formelles qui représentent jusqu’à 60 % de l’emploi total et jusqu’à 40 % du revenu national ou PIB dans les économies émergentes.
L’un des plus grands obstacles pour les chefs de petites entreprises est le manque d’accès au financement nécessaire pour se procurer l’équipement approprié contribuant au développement de leurs entreprises. Bon nombre d’entre eux ont peu d’actifs, voire aucun, et ne disposent donc pas des garanties exigées par la plupart des institutions financières pour obtenir un prêt ou d’autres types de financement d’actifs. Le crédit-bail est pour cette catégorie d’entreprises non seulement une solution innovante à ce problème mais également un mode de financement alternatif à privilégier.
Au nombre des Pme ne pouvant se prévaloir aisément des modes de financements classiques en Côte d’Ivoire, figurent particulièrement les entreprises du secteur agricole. Celles-ci ont, selon les institutions de financement classique, des risques relativement plus importants que d’autres secteurs, compliquant ainsi leur accès aux financements. Cependant, L’agriculture demeure le moteur de croissance économique de la plupart des pays en développement. L’introduction de pratiques agricoles durables augmente les chances de produire des revenus stables à long terme, condition nécessaire à la réalisation d’un développement durable et à la réduction de la pauvreté. L’évolution des performances de l’agriculture a des incidences importantes sur certains indicateurs économiques tels que la balance commerciale à travers les exportations et importations alimentaires, la constitution d’un marché intérieur (intrants et équipements agricoles) conditionnée particulièrement par l'évolution des revenus ruraux et la gestion des ressources naturelles. La promotion du développement agricole est une condition essentielle pour une croissance durable du pays, là où le développement ne saurait être possible sans le financement préalable d’outils de production idoines.
Le succès de ce pays repose sur l’Agriculture. Cette célèbre phrase du Premier Président ivoirien garde tout son sens de nos jours, eu égard à la place de l’Agriculture dans l’économie ivoirienne. L’agriculture demeure aujourd’hui le socle de l’économie ivoirienne. Elle contribue à créer 22,3% du PIB (2013, BM) et représente 47% des exportations globales du pays en 2013 (62% hors le pétrole). Elle occupe 46% de la population active du pays et est une source de revenus pour les deux tiers d’une population à 50,3% rurale. Cette agriculture, malgré ses performances et son poids indéniable dans le rayonnement du pays connait des difficultés de divers ordres, notamment relatifs à son financement. Elle est encore dépendante en grande majorité de la saisonnalité et utilise encore des moyens de productions surannés et archaïques, constituant ainsi une limite à la productivité et à la transformation locale des productions.
Si à son origine, le crédit-bail, appelé à cette époque location, permettait aux anciennes civilisations, grecque, romaine, égyptienne et surement africaines de s’offrir des outils de production nécessaires à leur agriculture, pourquoi ne pourrait-il pas remplir la même fonction de nos jours dans le cadre du financement des entreprises agricoles ivoiriennes ?
Ainsi posée, la question parait ne pas avoir de connotation juridique. Il est nonobstant possible de se référer à la définition du Droit, qui au sens objectif est l’ensemble des règles ayant vocation à régir et organiser la société. Agriculture et modes de financement agricoles étant des faits intéressant la société, il est devient naturel voire évident qu’ils soient encadrés et étudiés par des dispositions juridiques spécifiques.
Ainsi, si les financements classiques des moyens de production agricoles en Côte d’Ivoire prennent l’allure d’une une difficulté relativement prononcée, il nous apparait nécessaire d’étudier un mode de financement alternatif dans le cadre des Pme agricoles ivoiriennes en l’occurrence le crédit-bail. Nous examinerons donc, dans les prochains articles L’INTERET DU CREDIT-BAIL MOBILIER DANS LE FINANCEMENT DES PME ET COOPERATIVES AGRICOLES EN COTE D’IVOIRE.