LA DÉCLARATION DE NAIROBI : UN INSTRUMENT JURIDIQUE POUR L’UNITÉ CLIMATIQUE AFRICAINE

Publié le 26/02/2025 Vu 322 fois 0
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Cette étude examine la Déclaration de Nairobi comme un cadre juridique pour l’unité climatique africaine. Elle met en lumière ses axes stratégiques, son rôle dans la gouvernance environnementale du continent.

Cette étude examine la Déclaration de Nairobi comme un cadre juridique pour l’unité climatique africaine.

LA DÉCLARATION DE NAIROBI : UN INSTRUMENT JURIDIQUE POUR L’UNITÉ CLIMATIQUE AFRICAINE

I. INTRODUCTION 

 

Le changement climatique n’est plus une menace lointaine,il est une réalité brutale qui frappe l’Afrique de plein fouet. Selon le 6e rapport d’évaluation (AR6) du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le continent africain se réchauffe à un rythme alarmant, bien plus rapide que la moyenne mondiale. Cette évolution climatique accélérée amplifie des vulnérabilités structurelles déjà présentes : insécurité alimentaire, stress hydrique, diminution des rendements agricoles, perte de biodiversité, conflits liés aux ressources et déplacements forcés de populations.

 

Ironie tragique, l’Afrique, qui n’est responsable que de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, paie l’un des plus lourds tributs de cette crise. Face à cette injustice climatique, les dirigeants africains ont pris une initiative historique. Du 4 au 6 septembre 2023, lors du premier Sommet africain sur le climat tenu à Nairobi, au Kenya, ils ont adopté la Déclaration de Nairobi sur le changement climatique et l’appel à l’action. Cette déclaration, bien que non contraignante sur le plan juridique, représente une volonté politique forte d’unir les efforts africains pour affronter collectivement le défi climatique.

 

Les conséquences du réchauffement climatique en Afrique se manifestent de manière plus aiguë que sur d’autres continents. Le réchauffement rapide provoque une augmentation des sécheresses prolongées, l’intensification des inondations et la propagation des maladies tropicales, compromettant gravement la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et la stabilité des nations.

 

Sur le plan économique, le changement climatique pourrait réduire de 2 % à 4 % le PIB des pays africains d’ici 2040, selon des estimations de la Banque africaine de développement. L’agriculture, principale source de revenus pour près de 60 % de la population africaine, est particulièrement vulnérable face à des conditions météorologiques extrêmes et imprévisibles.

 

Mais cette crise représente aussi une opportunité : celle de repenser le modèle de développement économique du continent. C’est dans ce contexte que la Déclaration de Nairobi prend tout son sens, en affirmant la nécessité pour l’Afrique de devenir un acteur central de la transition énergétique mondiale.

 

II. LA DECLARATION DE NAIROBI: UNE RÉPONSE COLLECTIVE FACE AUX ENJEUX CLIMATIQUES

 

La Déclaration de Nairobi, adoptée par les 54 États africains, définit un cadre stratégique en trois volets :

1. Préambule

Il reconnaît l’urgence climatique et souligne la vulnérabilité spécifique de l’Afrique, qui subit de plein fouet les conséquences du réchauffement global alors qu’elle ne contribue qu’à environ 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le texte insiste sur la nécessité de solutions adaptées aux réalités du continent, tenant compte de ses défis socio-économiques et de son potentiel en matière de développement durable.

2. Action collective

La déclaration appelle à une coopération renforcée à l’échelle régionale et internationale. Elle met particulièrement en avant la responsabilité historique des pays industrialisés, premiers émetteurs de gaz à effet de serre, et exige qu’ils respectent leurs engagements financiers. Parmi ces engagements figure le Fonds vert pour le climat, qui devait mobiliser 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à financer leur transition écologique et leur adaptation au changement climatique.

3. Appel à l’action

Ce volet détaille les mesures concrètes que les États africains doivent prendre pour accélérer la transition énergétique, attirer des investissements dans les énergies renouvelables et protéger leurs écosystèmes. Il met aussi l’accent sur la nécessité de renforcer la résilience des populations face aux catastrophes climatiques, à travers des politiques d’adaptation incluant l’aménagement du territoire, la gestion des ressources en eau et la protection des zones les plus exposées aux sécheresses, inondations et autres événements extrêmes.

 

Quatre axes stratégiques structurent cette déclaration :

1. Responsabilité des pays pollueurs

L’Afrique exige des pays industrialisés qu’ils assument leurs responsabilités en contribuant au financement de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique. Cela passe par un accès facilité aux financements climatiques, aujourd’hui entravé par des procédures complexes et des critères restrictifs qui limitent la capacité des pays africains à obtenir les fonds nécessaires. La déclaration rappelle également que les promesses financières faites lors des précédentes COP n’ont pas été tenues, renforçant l’injustice climatique dont souffre le continent.

2. Transition vers une économie bas carbone

L’Afrique possède un potentiel immense en énergies renouvelables, avec environ 40 % des ressources mondiales en énergie solaire, éolienne et géothermique. La Déclaration de Nairobi engage les États africains à exploiter ces ressources pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles et atteindre une capacité énergétique propre de 300 GW d’ici 2030. Pour y parvenir, les États doivent mettre en place des politiques ambitieuses, encourager les investissements privés et développer des infrastructures adaptées à une production et une distribution efficaces de l’énergie renouvelable.

3. Renforcement de la coopération régionale

La lutte contre le changement climatique ne peut être menée efficacement sans coordination régionale. Les Communautés économiques régionales (CER) ont un rôle clé à jouer dans la mise en œuvre de stratégies transfrontalières pour lutter contre la déforestation, la désertification et la gestion durable des écosystèmes fragiles. La déclaration insiste sur la nécessité de mutualiser les efforts en matière de recherche, de partage d’expertise et de développement de politiques environnementales harmonisées à l’échelle du continent.

4. Rôle central de l’Union Africaine

L’UA est appelée à jouer un rôle structurant dans la mise en œuvre de la Déclaration de Nairobi en instaurant un cadre d’application contraignant. Elle doit également élaborer une feuille de route détaillée pour institutionnaliser l’action climatique africaine et garantir le suivi des engagements pris par les États. L’objectif est de faire du changement climatique un axe prioritaire de l’agenda 2025-2026 de l’Union Africaine, ce qui permettrait d’inscrire durablement la question environnementale au cœur des politiques africaines et de renforcer la voix du continent dans les négociations internationales.

 

Une déclaration pour une gouvernance climatique africaine forte

En structurant une position unifiée et ambitieuse, la Déclaration de Nairobi marque une étape clé vers une gouvernance climatique africaine solide. Elle pose les bases d’un cadre légal et institutionnel propre au continent, tout en renforçant sa capacité à négocier d’égal à égal avec les grandes puissances lors des conférences internationales sur le climat.

 

III. L’AFRIQUE VERS L’ADOPTION DE SA PROPRE CONVENTION SUR LE CLIMAT 

 

La Déclaration de Nairobi n’est pas une fin en soi, mais un premier pas vers l’élaboration d’une convention africaine sur le changement climatique, dont l’adoption est prévue en 2025 ou 2026 sous l’égide de l’Union africaine. Cette future convention permettrait d’institutionnaliser les engagements pris à Nairobi et d’établir un cadre juridique contraignant à l’échelle continentale.

 

Au-delà de son rôle structurant, cette convention pourrait également devenir un levier diplomatique majeur pour l’Afrique dans les négociations internationales, notamment lors des futures conférences des parties (COP). Elle renforcerait ainsi la position du continent en tant qu’acteur incontournable de la gouvernance climatique mondiale.

 

Lors de la COP 28, les États africains ont présenté la Déclaration de Nairobi comme leur position commune sur les efforts de lutte contre le changement climatique. Pour la première fois, l’Afrique a pu peser de manière significative dans les négociations, en parlant d’une seule voix grâce à l’unité de ses 54 États. Cette déclaration a également servi de référence pour les discussions lors de la COP 29 en 2024.

 

Cela témoigne d’une volonté claire des États africains de mettre en place un cadre juridique solide pour la lutte contre le changement climatique. Désormais, l’enjeu majeur réside dans la mise en œuvre effective des recommandations de la Déclaration de Nairobi ainsi que celles issues des COP 28 et 29.

 

L’adoption de la convention africaine sur le climat doit absolument s’accompagner d’une application rigoureuse de ces résolutions. Elle devra également apporter des réponses concrètes aux défis environnementaux actuels et futurs afin de limiter les effets néfastes du changement climatique sur le continent.

 

Enfin, cette future convention devra adopter une position ferme contre toute exploitation inappropriée des ressources naturelles africaines, en particulier dans le cadre de l’économie climatique. Elle devra intégrer les enjeux liés à la protection des ressources, des écosystèmes et des populations africaines, afin de garantir un développement durable et équitable.

 

L’aboutissement de cette convention représente donc une étape cruciale : il appartient désormais aux États africains de traduire leurs engagements en actions concrètes pour faire face aux défis climatiques du XXIᵉ siècle.

 

IV. CONCLUSION 

 

La Déclaration de Nairobi marque un tournant décisif pour l’Afrique. Elle incarne à la fois une prise de conscience collective et une volonté politique affirmée de reprendre en main son destin climatique. Mais son impact dépendra de sa mise en œuvre : des actions concrètes, des financements adaptés et une coopération internationale renforcée seront essentiels pour transformer cette ambition en réalité.

 

L’Afrique dispose des ressources, du potentiel et de la détermination pour jouer un rôle clé dans la transition écologique mondiale. Toutefois, cette dynamique ne pourra aboutir que si les États africains restent unis et si les engagements internationaux sont respectés. Le changement climatique n’attend pas. L’Afrique non plus.

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Je suis Gloire Ngamuna, juriste professionnel, spécialisé en droit des affaires.

 

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