GESTION FONCIÈRE EN RDC: ENJEUX JURIDIQUES, DÉFIS ET PERSPECTIVE DE RÉFORME

Publié le 03/01/2025 Vu 1 192 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Cette étude examine la gestion du domaine foncier en RDC, en mettant en avant les défis et enjeux majeurs. Elle propose une analyse critique, précédée d’une présentation concise du cadre administratif et juridique qui encadre cette gestion.

Cette étude examine la gestion du domaine foncier en RDC, en mettant en avant les défis et enjeux majeurs. E

GESTION FONCIÈRE EN RDC: ENJEUX JURIDIQUES, DÉFIS ET PERSPECTIVE DE RÉFORME

INTRODUCTION 

 

Avec une superficie de 2 345 410 kilomètres carrés, la République démocratique du Congo (RDC) est l’un des plus vastes pays d’Afrique, abritant une population de près de 100 millions d’habitants. Ce territoire, riche en ressources naturelles et marqué par une diversité culturelle exceptionnelle, se heurte pourtant à une problématique récurrente : les conflits fonciers.

 

Malgré l’existence d’un arsenal juridique élaboré, incluant notamment la loi foncière n°73-021 du 20 juillet 1973, modifiée et complétée par la loi n°80-008 du 18 juillet 1980, les litiges liés à la propriété et à la jouissance des terres continuent de proliférer. Ces conflits encombrent les juridictions congolaises et constituent une menace pour la stabilité sociale et économique du pays.

 

La loi dite « foncière » ne se limite pas à la régulation des terres ; elle s’étend également au régime général des biens, des sûretés et des droits immobiliers. Toutefois, son application est complexe, notamment en raison de l’interaction entre le droit coutumier et le droit moderne, ainsi que des nombreux défis institutionnels et pratiques qui en découlent.

 

Face à ces enjeux, une analyse approfondie des principes fondamentaux, de l’administration foncière, des mécanismes de concession et des droits coutumiers est indispensable pour comprendre les défis et identifier les pistes de solutions susceptibles d’améliorer la gestion foncière en RDC.

 

I. CHAMP D’APPLICATION ET LIMITES DE LA LOI

 

La Loi foncière, dans son champ d’application principal, se concentre sur la jouissance des sols, entendue comme l’utilisation de la surface terrestre pour diverses activités : construction, culture, élevage, chasse, etc. Toutefois, elle exclut explicitement la gestion des ressources naturelles associées au sol, telles que l’eau, les minerais, les hydrocarbures, les forêts, ou encore les carrières. Ces ressources sont régies par des lois sectorielles, notamment :

• La loi n°15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau ;

• La loi n°007-2002 du 11 juillet 2002, portant Code minier ;

• La loi n°15/012 du 1er août 2015, relative aux hydrocarbures ;

• La loi n°011/2002 du 29 août 2002, portant Code forestier ;

• La loi n°11/009 du 9 juillet 2011, relative à la protection de l’environnement.

 

En complément, des règlements d’urbanisme, des lois agricoles et d’autres textes d’application contribuent à l’organisation et à la gestion des terres en RDC.

 

II. PRINCIPES FONDAMENTAUX DU RÉGIME FONCIER EN RDC

 

Deux principes clés structurent le droit foncier congolais :

1. Le sol et le sous-sol appartiennent à l’État.

2. La distinction des terres selon leur usage.

 

L’article 53 de la Loi foncière établit que “le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’État”. Ce principe confère à l’État congolais une souveraineté absolue sur l’ensemble du territoire national. Cela implique que les individus ne peuvent revendiquer qu’un droit de jouissance, toujours subordonné au droit de propriété de l’État.

 

En outre, cette propriété publique s’accompagne de prérogatives spécifiques, telles que :

• L’affectation des terres à des services publics (bâtiments administratifs, infrastructures publiques, etc.) ;

• L’attribution de concessions à des particuliers ou des communautés pour des activités agricoles, industrielles ou résidentielles ;

• La récupération des terres en cas de non-mise en valeur ou pour des motifs d’intérêt général.

 

Enfin, le régime foncier distingue plusieurs types de terres en fonction de leur usage :

• Domaines public et privé ;

• Terrains urbains et ruraux ;

• Terres loties et non loties ;

• Terres coutumières et terres soumises au droit écrit.

 

III. L’ADMINISTRATION FONCIÈRE EN RDC

 

La gestion des terres est assurée par une administration centralisée, avec des compétences bien définies pour chaque autorité :

• Le Président de la République : supervise les grandes orientations foncières et adopte les règlements d’application de la loi.

• Le Ministre des Affaires foncières : responsable de la politique foncière nationale, il gère notamment les lotissements et les concessions dans la ville de Kinshasa.

• Les Gouverneurs de province : chargés de la gestion des concessions et du contrôle des décisions foncières dans leur juridiction respective.

• Les Conservateurs des titres immobiliers : responsables de l’enregistrement des concessions et de la conservation des titres fonciers.

• Les services du cadastre : assurent les travaux techniques de délimitation, bornage et mesure des terrains.

 

IV. LA CONCESSION FONCIÈRE ET LE CERTIFICAT D’ENREGISTREMENT 

 

La concession foncière désigne le contrat par lequel l’État autorise une personne à jouir d’une portion de terre sous des conditions spécifiques (articles 61, 80 et 109 de la Loi foncière). Ce droit de jouissance est matérialisé par un certificat d’enregistrement, document officiel délivré par le Conservateur des titres immobiliers.

 

Il convient de noter que l’absence d’un certificat d’enregistrement rend la concession juridiquement incomplète. En revanche, tout certificat émis sans fondement contractuel constitue un faux document, exposant ses auteurs à des sanctions pénales (article 125 du Code pénal).

 

V. LE DROIT FONCIER COUTUMIER

 

L’article 387 de la Loi foncière stipule que les terres occupées par les communautés locales deviennent des terres domaniales. Toutefois, cela ne signifie pas une extinction des droits fonciers coutumiers. Ces droits sont reconnus par les articles 388 et 389 de la même loi, ainsi que par l’article 18 de la Loi sur l’agriculture (2011).

 

La Constitution congolaise garantit également ces droits à travers son article 34, qui protège les propriétés acquises conformément à la coutume, sous réserve de leur conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

 

VI. PERSPECTIVE CRITIQUE

 

Bien que le cadre légal foncier en République démocratique du Congo soit riche et exhaustif, plusieurs défis pratiques limitent l’efficacité de son application :

1. Incompatibilité entre droit coutumier et droit moderne :

• La coexistence du droit foncier coutumier et des lois modernes est souvent source de confusion et de conflits. La reconnaissance des droits coutumiers est importante, mais leur application reste floue en l’absence de mécanismes clairs pour harmoniser ces deux systèmes juridiques.

2. Corruption et mauvaise gouvernance :

• Le secteur foncier est régulièrement pointé du doigt pour ses pratiques de corruption. L’octroi de concessions ou la délivrance de certificats d’enregistrement sont souvent entachés de favoritisme, ce qui fragilise la confiance des citoyens dans l’administration foncière.

3. Accès inéquitable à la terre :

• La concentration des terres entre les mains de quelques individus ou entreprises, souvent au détriment des communautés locales, exacerbe les tensions sociales. Les lois en place manquent parfois de mécanismes pour garantir une répartition équitable des ressources foncières.

4. Faiblesse institutionnelle :

• Bien que les rôles des différentes autorités soient définis, leur capacité à les remplir est souvent limitée par un manque de ressources, de formation ou d’infrastructure. Cela conduit à des retards, des inefficacités et une mauvaise application des lois.

5. Évolution de la pression foncière :

• L’urbanisation rapide, la croissance démographique, et les activités extractives intensives (mines, forêts, hydrocarbures) augmentent la pression sur les terres. Le cadre juridique actuel peine à s’adapter à ces nouvelles dynamiques.

 

CONCLUSION 

 

Les enjeux juridiques du domaine foncier en RDC sont vastes et complexes, reflétant la richesse et la diversité des ressources naturelles du pays, mais également les défis inhérents à leur gestion. Si les bases légales existent, leur mise en œuvre reste largement entravée par des problèmes structurels, administratifs et sociaux.

 

Pour relever ces défis, il est crucial de renforcer la gouvernance foncière à travers des réformes institutionnelles, une transparence accrue et des mécanismes de dialogue entre l’État, les communautés locales et les investisseurs. L’harmonisation du droit moderne et des coutumes locales, ainsi qu’une meilleure gestion des conflits fonciers, permettront d’assurer une exploitation équitable et durable des terres, au bénéfice de tous les citoyens congolais.

 

En définitive, une politique foncière efficace ne peut se limiter à l’application des lois : elle doit également prendre en compte les réalités sociales, économiques et culturelles du pays pour promouvoir un développement inclusif et réduire les tensions sociales liées à la terre.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de GLOIRE NGAMUNA T.

Bienvenue sur mon blog.

Je suis Gloire Ngamuna, juriste professionnel, spécialisé en droit des affaires.

 

Rechercher
Types de publications
Demande de contact
Image demande de contact

Contacter le blogueur

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles