Le droit des enfants Roms à l'éducation scolaire

Publié le Modifié le 26/08/2013 Vu 3 020 fois 0
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Un simple éclairage parce que «les lois sont presque toujours justes dans leur principe et presque toujours fausses dans leur application» (Montesquieu)

Un simple éclairage parce que «les lois sont presque toujours justes dans leur principe et presque toujours

Le droit des enfants Roms à l'éducation scolaire

Pour le peuple Rom, la famille est traditionnellement le fondement de l’éducation des enfants.
Selon les estimations, parmi eux ceux d'âge scolaire représenteraient environ 40% des populations présentes sur le territoire français.

En l'espèce, de quoi s'agit-il ?

Du refus de certains maires de les inscrire à l'école publique de leur commune,

c'est à dire violer le droit à l'instruction et commettre deux délits, en l'occurrence,  abus frauduleux de l'état d'ignorance d'un mineur et acte de discrimination commis par un dépositaire de l'autorité publique.

En effet, l'article 28 de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France le 7 août 1990 stipule que « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation […] ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ».

De plus, l'article 2 du Protocole 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales définit que « Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction ».

Par ailleurs, en décidant que « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture », l'alinéa 13 du préambule de la Constitution de 1946, repris dans le Préambule de celle de 1958, attribue une valeur constitutionnelle au droit à l'instruction.

Enfin, l'article L.131-1 du Code de l’éducation dispose que « L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ».

A cet égard, par sa délibération n°2009-233 du 8 juin 2009, confirmée par celle n° MLD/2012-33 du 16 février 2012  du Défenseur des Droits, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a affirmé que « le droit à l'éducation est un droit fondamental sur lequel la commune n'a aucun pouvoir d'appréciation. Le refus du maire caractérise donc un détournement de pouvoir manifeste ».

Face à une telle situation, le recours au pouvoir de substitution du préfet s'impose, comme en décide l'article L.2122-34 du Code général des collectivités territoriales qui dispose que « Dans le cas où le maire, en tant qu'agent de l'Etat, refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi, le représentant de l'Etat dans le département peut, après l'en avoir requis, y procéder d'office par lui-même ou par un délégué spécial ».

Evidemment, parfois, le manque de place est prétexté pour refuser l'inscription.

Comme ci-dessus, le recours à l'action du préfet est d''application, comme le prévoit la circulaire du ministère de l'Education nationale, n° 2002-101 du 25 avril 2002, qui fixe qu’« au cas où le directeur d’école se trouverait dans l’impossibilité absolue d’admettre l’enfant par manque de place dans l’école, il conviendra qu’un rapport soit adressé, dans un délai maximum de trois jours, par la voie hiérarchique, à l’inspecteur d’académie du département. Celui ci en informera le préfet et prendra toutes dispositions utiles pour rendre cet accueil possible ».

On pourrait envisager que le recours à l'action du préfet soit sans effet, mais sur ce point  le tribunal administratif (TA) de Paris a jugé dès le 1er février 2002 que « si un recours gracieux n’aboutit pas et si le préfet refuse d’user de ses pouvoirs de substitution, il peut être envisagé de saisir le tribunal administratif ».

En l'espèce, la jurisprudence est constante et sanctionne régulièrement et depuis longtemps, ces attitudes illicites, comme le montrent, par exemple, les  arrêts du TA de Bordeaux, le 14 juin 1981 contre la Maire de Chasseneuil ; du Conseil d'Etat (CE), le 28 mai 1986, contre le Maire de Châtillon le Duc ; de la même juridiction, le 26 mars 1990, contre le Maire de Montfermeil ; du TA Orléans, le 2 juillet 2004, contre le Maire de Saint-Jean de Braye, etc ...  

Donc, le maire de la commune concernée, à défaut, le préfet ont l'obligation d'inscrire immédiatement tout enfant à l'école primaire.

Mais, parfois pour justifier le refus, il est demandé d'être domicilié sur la commune.

Cette demande infondée est un abus contraire à l'article 6 du décret du Premier ministre, n° 2000-1277 du 26 décembre 2000, qui fixe que « pour les formalités d’inscription dans les établissements scolaires et les établissements d’enseignement supérieur, la justification du domicile PEUT être exigée. » et non pas DOIT.

D'autant plus, que la circulaire n° 2002-101 ci-dessus ajoute que « même si la famille ne peut pas, lors de la demande d’inscription à l’école, présenter un ou plusieurs des documents nécessaires, l’enfant doit bénéficier d’un accueil provisoire ».

 A cet égard, il n’est indiqué nulle part que ce justificatif de domicile doit être une attestation de domiciliation administrative, d'autant plus que l’article L.131-5 du Code de l’Education dispose que «  La domiciliation des parents à l'étranger ne peut être une cause de refus d'inscription d'un enfant soumis à l'obligation scolaire » et que « Chaque enfant est inscrit […]  dans la commune où ses parents ont une résidence ».
 Pour rappel, l'article 215 du Code civil précise que « La résidence de la famille est au lieu qu'ils (les époux) choisissent d'un commun accord ».
 Ainsi, tout moyen de preuve du lien avec la commune doit être accepté par cette dernière et l'absence de domiciliation dans la commune n'est pas opposable.

 onc, pour le maire et/ou le chef de l'établissement scolaire, l'inscription des enfants en âge scolaire est une obligation irréfragable.

 Pour terminer, iI faut remarquer que, si dans la plupart des cas, les actions devant l'ordre administratif sont utilisées, les actions au pénal ne le sont que très rarement.
 C'est regrettable car, concernant l'abus de faiblesse, l'article 223-15-1 du Code pénal dispose qu' « Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375.000 €uros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de l'état de faiblesse […] d'un mineur […] pour conduire ce mineur […] à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables » 
 Par ailleurs, la discrimination est définie par l'article 225-1 du Code pénal comme  « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine […] de leur appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ».
 A cet égard, concernant la maire et/ou le chef de l'établissement scolaire, l'article 432-7 du même code ajoute « la discrimination commise à l'égard d'une personne physique par un dépositaire de l'autorité publique […]  dans l'exercice de ses fonctions  […] est punie de 3 ans d'emprisonnement et de 45.000 €uros d'amende, laquelle consiste à refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ».

En conclusion, deux voies d'action sont ouvertes :

  1. administrative, d'abord, recours pour excès de pouvoir puis, éventuellement, recours de pleine juridiction ;au pénal, plainte pour discrimination par dépositaire de l'autorité publique
  2. au pénal, ensuite, plainte pour abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse.
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A propos de l'auteur
Blog de Jacques SERNA

 Avocat au barreau de Saint-Etienne

Master de droit des contentieux, maîtrise de droit des affaires, diplômé de médiation, diplômé d'études supérieures de gestion. Après plusieurs années d'encadrement et de direction, je conseille, assiste et représente les professionnels et les particuliers.

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