KEYSINGTON: Céder son entreprise à ses enfants

Publié le 23/07/2025 Vu 82 fois 0
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Donation, donation-partage ou cession ? Approche juridique et fiscale comparée des modalités de transmission intrafamiliale

Donation, donation-partage ou cession ? Approche juridique et fiscale comparée des modalités de transmission

KEYSINGTON: Céder son entreprise à ses enfants

Céder son entreprise à ses enfants

Donation, donation-partage ou cession ? Approche juridique et fiscale comparée des modalités de transmission intrafamiliale

 

Introduction

La transmission d’une entreprise à ses enfants représente, pour de nombreux chefs d’entreprise, l’aboutissement d’un projet de vie entrepreneurial. Il s’agit d’une opération hautement stratégique, engageant à la fois des considérations patrimoniales, successorales, fiscales et, bien souvent, affectives. Elle requiert une approche rigoureuse, articulant les objectifs du cédant (préparer sa retraite, préserver l’équilibre familial, alléger la charge fiscale) aux contraintes juridiques et aux opportunités offertes par le droit fiscal français.

Trois principaux instruments peuvent être mobilisés dans le cadre d’une transmission intrafamiliale : la donation simple, la donation-partage, et la cession à titre onéreux. Ces mécanismes obéissent à des logiques et régimes distincts. Le présent article vise à éclairer leurs fondements juridiques, leurs régimes fiscaux et leurs implications stratégiques.

I. La donation simple : outil classique de transmission anticipée à titre gratuit

A. Un mécanisme civil de transfert patrimonial sans contrepartie

La donation simple permet au dirigeant de transmettre à ses enfants, de son vivant, la propriété pleine ou démembrée de l’entreprise (fonds, titres, actions, parts sociales). Ce mécanisme repose sur une volonté unilatérale de dépouillement irrévocable, encadrée par le droit des libéralités (articles 894 et suivants du Code civil).

La donation peut être consentie en pleine propriété ou en nue-propriété, le donateur conservant dans ce dernier cas l’usufruit des titres, ce qui lui garantit le droit aux dividendes ou aux bénéfices sociaux tant qu’il reste en vie.

B. Un régime fiscal avantageux sous conditions

La fiscalité applicable à la donation d’entreprise connaît un traitement de faveur, sous réserve du respect des dispositifs spécifiques tels que le pacte Dutreil (CGI art. 787 B). Ce dernier permet, à certaines conditions cumulatives, une exonération de 75 % de la valeur des titres transmis, pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit. Ces conditions incluent notamment un engagement collectif de conservation des titres (deux ans minimum), suivi d’un engagement individuel de quatre ans, et l’exercice d’une fonction de direction effective.

En complément, chaque enfant donataire bénéficie d’un abattement personnel de 100 000 euros, renouvelable tous les quinze ans, permettant d’alléger encore la fiscalité de la transmission.

Par ailleurs, les plus-values professionnelles constatées à l’occasion de la donation peuvent faire l’objet d’une exonération (article 151 septies du CGI), à condition que l’activité soit exercée depuis au moins cinq ans, et que les recettes n’excèdent pas 250 000 euros (activité commerciale) ou 90 000 euros (prestations de services).

 

II. La donation-partage : pour une transmission équitable et stabilisée entre enfants

A. Un instrument de paix successorale

La donation-partage, régie par les articles 1076 et suivants du Code civil, se distingue de la donation simple par son objet : il ne s’agit plus seulement de transmettre un bien, mais de répartir de manière anticipée tout ou partie du patrimoine successoral entre les héritiers présomptifs. Le partage opéré de son vivant par le donateur permet de fixer définitivement la valeur des biens transmis, empêchant ainsi toute réévaluation future au décès et réduisant le risque de contentieux entre héritiers.

En pratique, lorsqu’un seul des enfants reprend l’entreprise, le donateur peut attribuer à ses autres enfants des biens ou valeurs d’une équivalence objective, voire intégrer une soulte dans l’acte afin de compenser toute disparité entre les lots.

B. Une fiscalité similaire à la donation, avec des avantages supplémentaires

La donation-partage bénéficie des mêmes régimes fiscaux que la donation simple : exonération partielle via le pacte Dutreil, abattement de 100 000 euros par enfant, exonération des plus-values sous conditions.

Elle présente toutefois un avantage supplémentaire : une réduction de 50 % des droits de donation si le donateur est âgé de moins de 70 ans au jour de l’acte (CGI art. 790).

Ce cadre juridique fait de la donation-partage l’instrument privilégié dans les transmissions familiales complexes, où l’équilibre entre enfants et la pérennité de l’activité doivent être conciliés avec prudence et méthode.

 

III. La cession à titre onéreux : transmettre en capitalisant pour sa retraite

A. Un acte juridique fondé sur une contrepartie financière réelle

Contrairement à la donation, la cession à titre onéreux constitue un acte à caractère commercial. Elle suppose le paiement effectif d’un prix par les enfants repreneurs, ce qui permet au dirigeant sortant de constituer un capital personnel pour sa retraite. La cession peut porter sur le fonds de commerce ou sur les titres sociaux. En pratique, elle est souvent financée par les enfants via la création d’une holding de reprise, permettant un effet de levier et une remontée des dividendes.

Cette modalité exige une grande vigilance : le prix doit être réel, payé ou payable, sans quoi l’administration fiscale pourrait requalifier l’opération en donation déguisée.

B. Un régime fiscal encadré, mais modulé par des dispositifs d’exonération

La cession emporte l’imposition des plus-values professionnelles, déterminées par la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable des actifs cédés.

Plusieurs régimes d’exonération viennent toutefois tempérer cette imposition :

  • Exonération en fonction du chiffre d’affaires (CGI art. 151 septies) : lorsque l’activité est exercée depuis plus de cinq ans, et que le chiffre d’affaires est inférieur à 250 000 euros (vente) ou 90 000 euros (services), la plus-value est totalement exonérée.

  • Exonération en fonction du prix de cession (CGI art. 238 quindecies) : lorsque la valeur des éléments cédés (hors immeubles) est inférieure à 300 000 euros, l’exonération est totale. Elle devient partielle entre 300 000 et 500 000 euros.

  • Exonération spécifique pour départ à la retraite (CGI art. 151 septies A) : le dirigeant peut bénéficier d’une exonération de plus-value jusqu’à 500 000 euros, à condition d’avoir exercé depuis plus de cinq ans, de céder l’intégralité de son entreprise ou de ses titres, de cesser toute fonction dans l’entreprise, et de faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.

Ces dispositifs, bien que favorables, sont conditionnés par des critères stricts de forme, de délai et d’éligibilité, qui appellent une sécurisation juridique minutieuse.

Conclusion

La transmission d’une entreprise au sein d’une même famille ne peut se concevoir sans une vision globale, prenant en compte à la fois la structuration patrimoniale du dirigeant, la situation des enfants, le régime fiscal de l’entreprise, ainsi que les objectifs à moyen et long terme.

Chaque mécanisme juridique – donation, donation-partage ou cession – présente des atouts et des contraintes qu’il convient d’évaluer à l’aune des intérêts du cédant et de ses héritiers. Loin d’être interchangeable, leur mobilisation doit faire l’objet d’une stratégie personnalisée, juridiquement rigoureuse et fiscalement optimisée.

 

Le cabinet KEYSINGTON accompagne depuis de nombreuses années dirigeants, familles et actionnaires dans la sécurisation de leurs transmissions. En lien avec les notaires, experts-comptables et conseils en gestion de patrimoine, nous intervenons à chaque étape du processus : audit préalable, rédaction des actes, gestion des dispositifs fiscaux, pactes Dutreil, pactes d’associés, et accompagnement post-transmission.

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