Triste mésaventure
Un couple a acheté une maison d’habitation à un autre couple. Un diagnostic de performance énergétique (DPE) figurait dans le dossier des diagnostics. Le DPE s’est révélé erroné car il n’avait pas été effectué en respectant les normes techniques très exigeantes en la matière.
Les acheteurs ont intenté un procès aux vendeurs pour vice caché et ont agi également contre le diagnostiqueur. Dans la mesure où les vendeurs n’ont rien dissimulé et qu’ils n’étaient pas censés faire mieux qu’un professionnel, l’action pour vice caché ne pouvait prospérer. Contre le diagnostiqueur, les acheteurs ont obtenu gain de cause mais l’indemnisation a été limitée à la perte d’une chance de négocier un prix plus bas s’ils avaient connu la performance énergétique réelle du logement.
La Cour de cassation, confirmant un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble, a explicitement exclu que l’indemnisation se fasse à la hauteur du coût de l’isolation nécessaire pour parvenir à la performance énergétique promise à l’achat (Cass., 3ème chambre civile, 21 novembre 2019, n° 18-23.251). La haute juridiction s’est fondée sur le texte de l’article L. 271-4 du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH) qui explique que le DPE n’a qu’une valeur indicative.
L’indemnisation se limita donc à 15 000 € alors que les acheteurs se retrouvent avec une passoire thermique qu’ils devront réhabiliter pour un coût bien plus important.
Arnaque impunie
On a ainsi le droit de tromper les consommateurs en leur vendant des passoires thermiques et en leur mentant dans un DPE. La seule sanction est le versement d’une indemnisation absolument pas à la hauteur des coûts qu’ils devront supporter.
Dans le même temps, la loi Énergie Climat du 8 novembre 2019 (n° 18-23.251) a prévu qu’en cas de location, et à compter du 1er janvier 2021, le DPE n’aura plus seulement une valeur purement informative comme actuellement (article L 134-3-1 du CCH). C’est logique, puisqu’à compter du 1er janvier 2028, tout logement où la consommation énergétique est de plus de 330 kw/h au m² ne pourra plus être loué tandis qu’au 1er janvier 2022, il y aura obligation d’indication du DPE dans les publicités pour les ventes des logements non performants concernés.
Comme le relève Guillaume MAIRE (AJDI, juillet-août 2020, p. 532), ces évolutions font que la solution adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 21 novembre 2019 pourrait évoluer. On notera toutefois que le texte de l’article L 274-1 du CCH restera le même au 1er janvier 2021, ce qui oblige à rester prudent.
Une situation spécifique
Les ménages trompés par des DPE erronés peuvent d’autant plus s’étonner que la situation n’est pas la même en matière de diagnostic sur les termites ou sur l’amiante.
On note l’abondance de la jurisprudence sur les diagnostics erronés, d’ailleurs.
En tout état de cause, lorsqu’un diagnostic sur l’état parasitaire est inexact, l’acquéreur du bien peut faire payer au diagnostiqueur le coût du traitement induit, qui peut être important (Cass., ch. mixte, 8 juillet 2015, n° 13-26.686, Cass. 3e ch. civ., 15 oct. 2015, n° 14-18.077, Cass. 3e ch. Civ., 8 déc., 2016, n° 15-20.497).
En matière de diagnostic amiante erroné, c’est le désamiantage qui peut être mis à la charge du diagnostiqueur (Cass. 3e ch. civ., 21 mai 2014, n° 13-14.891, Cass. 3e ch. civ., 19 mai 2016, n° 15-12.408, Cass. 3e ch. civ., 30 juin 2016, n° 14-28.839 et Cass. 3e ch. civ., 14 sept. 2017, n° 16-21.942).
L’indemnisation de la simple perte de chance de négocier un prix d’achat plus bas est donc réservée au DPE (Cass., 1ère ch. civ., 20 mars 2013, n° 12-14.711).
Ce mécanisme est un peu le même que celui dont pâti le vendeur d’un bien qui doit restituer une partie du prix de vente à l’acquéreur lorsque le mesurage loi CARREZ se révèle erroné. Le diagnostiqueur n’est tenu d’indemniser le vendeur que de la perte de chance de vendre son bien plus cher (Cass. 3e civ., 28 janv. 2015, n° 13-27.397).
Qui poursuivre ?
Face à ces difficultés, la tentation est souvent de s’en prendre au vendeur quand on est acheteur et que l’on découvre la présence de termites ou d’amiante ainsi que le caractère erroné du DPE ou du mesurage.
Ce serait pourtant, la plupart du temps, une erreur. Dès lors que le vendeur est un non-professionnel et qu’il produit un diagnostic ou un mesurage même erroné, il est probable qu’il ignorait la situation réelle, faisant confiance à un diagnostiqueur ou à un mesureur censé être un professionnel.
Mieux vaut invoquer la jurisprudence désormais très assurée qui permet à une personne de se plaindre sur le fondement quasi-délictuel du manquement à un contrat dont elle n’est pas partie. En effet, c’est entre le vendeur et le diagnostiqueur ou entre le vendeur et le mesureur qu’il y a un contrat, mais le manquement du diagnostiqueur ou du mesureur cause un préjudice à l’acheteur qui peut invoquer la responsabilité non contractuelle (et donc dénommée quasi-délictuelle) du diagnostiqueur ou du mesureur à son égard (voir Cass., assemblée plénière, 13 janv. 2020, n° 17-19.963).
En matière de mesurage, il faut faire attention au délai d’un an pour agir, en application de la loi Carrez. Ainsi, une SCI avait acheté un bien devant faire 451 m². Lors de la revente 7 ans plus tard, le bien a été mesuré à 287 m². La SCI a voulu agir contre le mesureur, mais c’était trop tard (Cour d’appel d’Aix en Provence, 4e ch. A, 14 juin 2018, RG n° 17/00506, Revue des loyers, oct. 2018, p. 443).
Dura lex, sed lex...
Ripolinage intensif
Nous sommes ici au centre des difficultés qui affectent le système immobilier français. Certains vendeurs repeignent rapidement les murs mouillés pour cacher les fuites. Dissimuler les termites ou l'amiante relève du même état d'esprit. Pour attirer les ménages vers des achats où les prix sont excessifs, des acteurs rétribués par des commissions lors des ventes organisent des mensonges, y compris dans le cadre de diagnostics obligatoires selon la loi. Certains magistrats le tolèrent, malgré la colère de la Cour de cassation qui a dû casser plusieurs arrêts de cours d'appel refusant d'indemniser pleinement les victimes de diagnostics termites ou amiante erronés.
On notera les efforts du législateur et du pouvoir réglementaire pour fixer des règles très pointilleuses en matière d'équipement et de processus technique pour établir le DPE (voir articles L 134-1 à 5 et R 134-1 à 5-4 du CCH ainsi que les arrêtés du 22 mars 2017 sur les caractéristiques thermiques des bâtiments existants et du 8 février 2012 sur le contenu du DPE).