Fake News...
Dans de nombreux lotissements, une ASL a été prévue pour gérer des parcelles communes. Hélas, trop souvent, les parcelles sont vendues sans avoir constitué ladite ASL. Ensuite, il se trouve souvent un propriétaire pour dire qu’il refuse tout acte permettant la rédaction des statuts de l’ASL. Comment sortir de cette impasse ?
Certains internautes diffusent deux fausses nouvelles à ce propos.
D’abord, ils valident le fait que l’unanimité serait nécessaire pour rédiger les statuts de l’ASL prévue. C’est pourtant faux.
Ensuite, ils prétendent qu’à défaut de constitution de l’ASL, le statut de la copropriété s’applique automatiquement. C’est souvent également faux.
Importance de l’acceptation du périmètre
La Cour de cassation accepte parfaitement que les statuts d’une ASL soient établis par une majorité des propriétaires et non par l’unanimité. En effet, il suffit que l’acte de vente par lequel chaque propriétaire achète son bien indique que la propriété sera dans le périmètre d’une ASL pour que les statuts ensuite établis s’imposent, même sans avoir été validés par tous (3ème civ., 18 février 2015, 13-22.122, Bull. III n° 24, Administrer, n° 488, juin 2015, p. 37, obs. Jean-Robert BOUYEURE).
En l’occurrence, dans cet arrêt de 2015, 112 des 130 propriétaires avaient participé à l’assemblée constitutive de l’ASL mais les 18 propriétaires restants, dès lors que leur acte d’achat mentionnait la constitution future d’une ASL, étaient tenus de respecter les statuts ainsi adoptés.
Les internautes doivent donc faire attention aux âneries rampantes qu’ils peuvent lire ici ou là…
La Cour de cassation a confirmé cette position le 22 juin 2017 (3ème civ., n° 16-13.877, AJDI octobre 2017, obs. Sylvaine PORCHERON) et le 28 juin 2018 (arrêt à propos du Parc Saint-Claude, 3ème civ., n° 17-21.746, AJDI, février 2019, p. 126, obs. Jérôme NALET).
La majorité des propriétaires présents ou représentés suffit pour établir les statuts suite à convocation par l’un des propriétaires. Ensuite, c’est la majorité fixé par les statuts qui comptera pour leur propre modification.
Avant de croire de fausses informations sur internet, chacun est donc invité à lire son acte d’achat.
Si une ASL est prévue pour gérer une parcelle et qu’elle n’a pas été constituée, il est simple de convoquer une assemblée générale pour ratifier les statuts, après s’être fait conseiller par un notaire, un avocat ou un géomètre-expert sur le contenu de ces statuts afin de respecter l’ordonnance du 1er juillet 2004 et le décret du 30 décembre 2006, bien entendu. On notera tout particulièrement la nécessité d’un organe collégial à la tête de l’ASL, le président ne pouvant pas avoir tous les pouvoirs (Cass. 3ème civ., 13 septembre 2018, n° 17-22.041, AJDI, mai 2019, p. 372, obs. Jérôme NALET).
La très rare application automatique du régime de la copropriété
En lotissement, la légende urbaine selon laquelle, à défaut d’accord unanime pour établir les statuts de l’ASL, le régime de la copropriété s’imposerait, paraît donc erronée.
Un cas existe, toutefois, où un syndicat de copropriétaires est seul compétent pour gérer la parcelle commune. Lorsqu’un règlement de copropriété prévoit qu’un terrain commun sera cédé gratuitement à une ASL et que celle-ci n’est pas constituée, alors, le régime de la copropriété s’applique effectivement (Cass. 1ère civ., 12 juin 2018, 17-18.705, AJDI, septembre 2018, p. 609, obs. Sylvaine PORCHERON), mais c’est assez logique. Le terrain est une partie commune en copropriété, à la base. Si personne n’y change rien, elle le reste.
Dans les autres cas, il est rarissime qu’un bien soit vendu en lotissement et qu’une parcelle commune soit affectée à tous les propriétaires du lotissement sans avoir prévu qu’une structure de gestion sera établie. Soit il est envisagé une ASL dans le futur, soit un cahier des charges du lotissement est rédigé. Les deux situations sont exclusives de l’application du régime de la copropriété. L’ASL peut être constituée en convoquant une assemblée générale à l’initiative de tout propriétaire. Le cahier des charges du lotissement est régi par les dispositions de l’article L 442-10 du Code de l’Urbanisme pour sa modification. « L’autorité compétente » citée par cet article et qui valide les modifications semble être celle qui accorde le permis d’aménager, au sens de l’article R 442-13 du Code de l’Urbanisme.
Les pouvoirs publics munis du pouvoir d’accorder les permis d’aménager seraient bien avisés d’imposer la création d’une association syndicale constituée d’office lorsqu’une parcelle est gérée dans cette hypothèse.
On notera que la Cour de cassation reconnaît qu’un cahier des charges de lotissement peut constituer une organisation différente de la copropriété depuis 2001 (3ème civ., n° 00-14.539, 28 novembre 2001, Bull civ. III, 138)… Les « spécialistes » anonymes qui donnent des leçons de manière insolente en ligne feraient mieux de retourner sur les bancs de la fac...
Si le notaire et le lotisseur ont oublié à la fois de mentionner la création future d’une ASL et le cahier des charges du lotissement, le risque est considérable. Une parcelle commune mise en indivision relève alors de l’indivision, sauf à ce qu’il ait été indiqué explicitement que chaque lot est affecté d’une quote-part en indivision de la parcelle, auquel cas, effectivement, le régime de la copropriété s’appliquera et il faut un règlement de copropriété, mais il serait étonnant qu’un notaire ne s’en soit pas rendu compte, d’autant qu’il est rétribué pour rédiger ce règlement…
Lorsqu’il est simplement indiqué qu’une parcelle d’un lotissement est en indivision, chaque propriétaire est indivisaire. Nul n’est forcé de rester dans l’indivision (article 815 du Code civil). Chacun peut exiger le partage. En outre, chacun peut vendre séparément sa quote-part de l’indivision et son bien principal si ceux-ci n’ont pas été indissolublement liés dans l’acte d’achat… Bref, la situation peut alors devenir chaotique… Les lotisseurs et les acheteurs doivent rester prudents.