Rejet de votre offre en marché public : comment se faire indemniser

Publié le 09/02/2021 Vu 1 567 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le Conseil d'État vient de rappeler récemment les conditions dans lesquelles un candidat qui estime avoir été irrégulièrement évincé d'un appel d'offres peut obtenir le versement d'une indemnité.

Le Conseil d'État vient de rappeler récemment les conditions dans lesquelles un candidat qui estime avoir é

Rejet de votre offre en marché public : comment se faire indemniser

Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un marché public estime que son offre a été irrégulièrement rejetée par l’Administration (État, collectivité territoriale, région, département, commune), il peut solliciter le versement d’une indemnité en réparation de son préjudice.

Dans ce cadre, le juge administratif va analyser les chances dont disposait le candidat d’obtenir le marché public pour déterminer s’il a subi un préjudice et s’il a de facto le droit au versement d’une indemnité.

Le Conseil d’État vient justement de rappeler ces règles (CE, 18 décembre 2020, Société Architecture Studio, n°433986), notamment dans le cas où l’offre du candidat requérant est irrégulière.

  • Demande indemnitaire : mode d’emploi

Au préalable, il faut rappeler qu'un candidat, qui a été irrégulièrement évincé de l’attribution d’un marché public, dispose d’un droit à obtenir l’indemnisation du préjudice qu’il a subi à ce titre, et cela dans le cadre d’un recours indépendant de celui visant notamment à contester le contrat.

 

En ce sens, le Conseil d’État a considéré, aux termes d’un avis Société Rebillon Schmitt Prevot, en date du 11 mai 2011, que le candidat peut « engager un recours de pleine juridiction distinct, tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l'illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé (CE, avis, 11 mai 2011, Société Rebillon Schmitt Prevot, n° 347002).

 

Plus récemment, le Conseil d’État a précisé que « lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure de passation de ce contrat, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et les préjudices dont le candidat demande l'indemnisation » (CE, 19 novembre 2018, Société SNIDARO, n°413305).

 

En pratique, le candidat évincé peut donc solliciter de l’Administration le versement d’une indemnité en raison de son éviction irrégulière. Cette demande peut être faite dans les 4 ans suivant l’éviction irrégulière (prescription quadriennale).

 

Cette demande se fait au moyen d’une demande indemnitaire préalable, qui doit être chiffrée et justifiée. Cette demande est un préalable obligatoire (recours administratif préalable obligatoire afin de lier le contentieux).

 

De plus, le candidat évincé doit démontrer qu’il existe un lien de causalité entre l’irrégularité de son éviction et le préjudice pour lequel il sollicite une indemnisation.

L’Administration disposera d’un délai de 2 mois pour répondre, à défaut la demande est réputée rejetée et le candidat doit donc saisir le Tribunal administratif, dans un délai de 2 mois suivant le rejet.

 

Il faut donc être vigilant à ces délais. 

 

 

  • Quelle indemnisation pour le candidat évincé à un marché public ?

 

Si le droit à indemnisation du candidat évincé est admis en principe, le versement – et la condamnation au versement de l’Administration – d’une telle indemnité, va dépendre des chances qu’avait le candidat évincé d’obtenir le marché public en cause.

 

C’est ce que rappelle le Conseil d’État, faisant application de sa jurisprudence constante en la matière (CE 18 juin 2003 Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe et autres, n° 249630 ; CE, 27 janvier 2006, Commune d’Amiens, n°259374 ; CE 8 février 2010 Commune de la Rochelle req. n° 314075 ; CE, 28 février 2020, Société Régal des Iles, n° 426162).

 

Ainsi,

« Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général » (CE, 18 décembre 2020, Société Architecture Studio, n° 433986).

 

Partant, classiquement, juge administratif va raisonner en deux temps.

  • Dans un premier temps, le juge vérifie si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat en cause :
    • Si le candidat est dépourvu de toute chance de remporter le contrat, alors il n’aura droit au versement d’aucune indemnité ;
    • Si le candidat avait une chance de remporter le marché, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre dans le cadre de l’appel d’offres.
  • Dans un second temps, si et seulement si le candidat n’était pas dépourvu de toute chance de remporter le contrat, le juge administratif va rechercher si le candidat évincé disposait de chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat :
    • Si le candidat ne disposait pas d’une chance sérieuse d’emporter le marché, alors son indemnisation se limite aux frais qu’il a engagés pour présenter son offre ;
    • Si en revanche le candidat disposait d’une chance sérieuse d’emporter le marché, alors il a le droit d’être indemnisé de son manque à gagner (comprenant notamment les frais engagés de présentation de son offre).

 

S’agissant de la chance sérieuse, il est généralement considéré que le candidat évincé avait une chance sérieuse d’emporter un marché public, si son offre a été classée en deuxième position (CE, 7 novembre 2001, SA Quillery, n°218221).

 

Dès lors, comme exposé, l’indemnisation du candidat évincé va directement dépendre des chances qu’il avait d’emporter le marché public (ou le contrat de concession ou de délégation de service public).

 

 

  • Quid du candidat évincé dont l’offre est irrégulière ?

 

Le Conseil d’État apporte également des précisions sur les chances dont dispose un candidat évincé d’obtenir un marché public, lorsque l’offre de ce candidat est irrégulière.

 

Rappelons qu’une offre est irrégulière lorsqu’elle s’avère incomplète, qu’elle ne respecte pas les documents du marché public ou qu’elle méconnait la législation applicable (voir nos précisions sur le sujet).

 

L’acheteur public a la faculté d’autoriser tous les candidats à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses, étant rappelé que la régularisation des offres irrégulières ne doit pas avoir pour effet de modifier les caractéristiques substantielles des offres (article R. 2152-2 du code de la commande publique).

Aux termes de sa décision le Conseil d’État considère qu’un candidat évincé doit être regardé comme étant dépourvu de toute chance d’obtenir le marché public si son offre est irrégulière, indépendamment de la faculté dont disposait l’acheteur public de l’inviter à régulariser son offre.

Aux termes de sa décision le Conseil d’État considère que :

« Lorsque l’offre d’un candidat évincé était irrégulière et alors même que l’offre de l’attributaire l’était aussi, la circonstance que le pouvoir adjudicateur aurait été susceptible de faire usage, dans les conditions désormais prévues par l’article R. 2152-2 du code de la commande publique, de la faculté de l’autoriser à régulariser son offre n’est pas de nature, par elle-même, à ce qu’il soit regardé comme n’ayant pas été dépourvu de toute chance de remporter le contrat » (CE, 18 décembre 2020, Société Architecture Studio, n° 433986).

Un candidat dont l’offre est irrégulière ne peut donc prétendre à obtenir une indemnité car il ne disposait pas de chance d’obtenir l’attribution du marché.

Par conséquent, dans cette affaire, le Conseil d’État a rejeté l’offre du candidat évincé requérant car elle était irrégulière et non-régularisable, de sorte que cette offre était dépourvue de toute chance d’obtenir le marché public.

 

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de Laurent Bidault

Bienvenue sur le blog de Laurent Bidault

Rechercher
Dates de publications
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles